Après s’être vu refuser à deux reprises l’entrée en RDC, l’opposant Moïse Katumbi entend saisir des instances internationales pour faire valoir ses droits. Mais le temps presse, à mesure que s’approche la date limite de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle.
Moïse Katumbi parviendra-t-il à entrer sur le territoire congolais ? « Ils m’ont refusé le premier jour, ils ont refusé aussi le deuxième jour, et on m’a signifié avec mon équipe que le Congo ne voulait pas me recevoir », a déploré dans une vidéo diffusée dimanche le leader d’« Ensemble ». Lequel a fait part de sa détermination, déclarant avoir l’intention « de continuer à [se] battre ».
« Il faut alerter la communauté internationale sur le sort réservé à mon client », estime son avocat parisien, Me Eric Dupont-Moretti. « Nous sommes sur le point de saisir le Comité des droits de l’homme des Nations unies, indique-t-il à Jeune Afrique. Et on envisage également de faire appel à l’Union africaine, ainsi qu’à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). »
Une frontière hermétique
Exilé en Europe pendant plus de deux ans, Moïse Katumbi tente depuis vendredi 3 août de rentrer en RDC pour faire acte de candidature en vue de l’élection présidentielle. Mais le poste-frontière de Kasumbalesa, entre la Zambie et la RDC, est resté hermétique à l’ancien gouverneur du Katanga.
« Des militaires ont été déployés tout le long de la frontière avec ordre de ne pas le laisser entrer, s’insurge Olivier Kamitatu, directeur de cabinet et porte-parole du chef d’« Ensemble ». Nous nous sommes donc éloignés de Kasumbalesa pour décongestionner cette frontière, qui est vitale pour l’économie du Katanga. »
Pour corser encore davantage le retour de Katumbi, un document diffusé sur les réseaux sociaux révèle que la Direction générale de migration (DGM) aurait ordonné à toutes les compagnies aériennes desservant la RDC de refuser tout passager détenteur de l’ancien passeport semi-biométrique – ce qui est le cas de Moïse Katumbi. Résultat : même un retour sur les lignes aériennes régulières lui est désormais interdit.
Une situation paradoxale, puisque Moïse Katumbi est actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt en RDC dans le cadre de l’affaire dite « des mercenaires », comme l’a confirmé à Jeune Afrique le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.
La question du mandataire
« Il devient assez évident que Kinshasa ne veut pas qu’il fasse acte de candidature dans les délais impartis », dénonce Olivier Kamitatu, le directeur de cabinet et le porte-parole de Moïse Katumbi. Car le temps presse pour l’ancien gouverneur du Katanga : il ne reste plus que deux jours avant la date limite de dépôt des candidatures à la présidentielle auprès de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
S’il est empêché d’ici le 8 août de se rendre en personne à la Ceni, Moïse Katumbi pourra néanmoins faire appel à un mandataire. « La déclaration de candidature est déposée par le candidat ou son mandataire contre récépissé à la Ceni conformément au calendrier fixé par celle-ci », affirme ainsi l’article 105 de la loi électorale. Une disposition confirmée du reste par une source à la Ceni, qui la juge sans ambiguïté.
S’IL NE PARVIENT PAS À ENTRER EN RDC ET À SE FAIRE ENRÔLER, LA COMMISSION ÉLECTORALE POURRAIT INVALIDER SA CANDIDATURE
Reste toutefois un obstacle de taille. Exilé en Europe depuis plus de deux ans, Moïse Katumbi n’a jamais pu s’enrôler lors de la révision complète du fichier électoral, qui s’est terminée le 31 janvier dernier. Or la loi congolaise impose pour tout candidat à l’élection présidentielle « d’avoir la qualité d’électeur ou de se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature ». En d’autres termes, s’il ne parvient pas à entrer sur le territoire congolais et à se faire enrôler, la Commission électorale pourrait invalider sa candidature.
« Il voulait venir pour s’enrôler, pour déposer sa candidature, s’est offusqué devant des journalistes Delly Sessanga, le secrétaire général d’« Ensemble ». C’est Joseph Kabila, sa majorité, et son gouvernement, qui ont donné des instructions pour que Moïse ne puisse pas venir. Nous déposerons sa candidature, parce que Moïse Katumbi remplit finalement toutes les conditions pour être candidat et président de la République. »
Contactés par Jeune Afrique, les ministres de l’Intérieur, son homologue de la Justice, ainsi que le gouverneur de la province du Katanga, n’étaient pas joignables, ce lundi, pour répondre à nos questions.
Jeune Afrique