Afin de suivre les recommandations formulées par la vérification financière de la Trésorerie régionale de Mopti (TRM) en 2017 sur les opérations de recettes et de dépenses effectuées par la TRM au titre des exercices de 2017, 2018 et 2019, le Bureau du Vérificateur général a initié une mission de suivi desdites recommandations. En effet, cette mission visait à s’assurer que les 20 recommandations, issues de la vérification financière, ont été mises en œuvre et que les dysfonctionnements ont été corrigés. A l’issue de la vérification, il ressort que l’évaluation du niveau de mise en œuvre des 20 recommandations issues de la vérification initiale de 2017 a permis de les classer en 18 recommandations applicables et deux non applicables. Ainsi, le taux global de mise en œuvre des recommandations applicables est de 44%. En effet, sur 18 recommandations applicables, huit sont entièrement mises en œuvre, trois sont partiellement mises en œuvre et sept ne sont pas mises en œuvre. Au regard de la situation, la mission de vérification estime que le niveau de mise en œuvre globale des recommandations n’est pas satisfaisant.
Evoquant la pertinence, le rapport indique qu’au Mali, le nouveau cadre de référence pour la conception, la mise en œuvre et le suivi des différentes politiques et stratégies de développement tant au niveau national, régional que sectoriel est le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (Credd) 2016-2018, poursuivi dans sa nouvelle phase de 2019 à 2023.
Ainsi, il constitue le socle du Plan de réforme de la gestion des finances publiques au Mali (Prem) initié par le ministère de l’Economie et des Finances et mis en œuvre par les structures opérationnelles intervenant dans la gestion des finances publiques. A ce titre, le Prem définit de nouvelles politiques, de nouveaux instruments et prévoit des mesures appropriées à court et moyen termes afin d’utiliser rationnellement et efficacement les ressources internes et externes de l’Etat.
Selon le rapport, la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dntcp) et ses démembrements jouent un rôle essentiel dans cette dynamique, à travers leur fonction de trésorier et de comptable dans la gestion des ressources publiques. “Le Trésor Public est l’agent financier de l’Etat et assume par conséquent le paiement de toutes les dépenses et l’encaissement de toutes les recettes de l’Etat. Les dépenses prises en charge par la TRM sont essentiellement des dépenses après ordonnancement (dépenses de salaires, de fonctionnement courant et d’investissement et des avances faites aux régisseurs des dépenses)”, mentionne le rapport.
Ainsi, de janvier 2015 au 30 juin 2017, la TRM a encaissé plus de 16 milliards de Fcfa de recettes et décaissé plus de 108 milliards de Fcfa. Pour la même période, l’Agence comptable centrale du trésor (Acct) a transféré plus de 67 milliards de Fcfa à la Trésorerie régionale de Mopti (TRM). La vérification financière de la TRM effectuée en 2017 a relevé des dysfonctionnements administratifs et des irrégularités financières. C’est ainsi qu’elle a formulé des recommandations autour des mesures idoines pour corriger les dysfonctionnements administratifs relevés.
Aussi, en 2018, le montant total des dépenses exécutées par la TRM sur le budget d’Etat est de 39,66 milliards de Fcfa et celui des recettes est de 9,36 milliards de FCFA.
Non-respect du cadre organique de la TRM par la Dntcp
En ce qui concerne les recommandations entièrement mises en œuvre, la mission a évoqué que la Trésorerie régionale de Mopti procède désormais à l’arrêté annuel de toutes les caisses publiques au 31 décembre des exercices. En effet, la vérification initiale avait recommandé à la TRM de procéder à l’arrêté annuel de toutes les caisses publiques au 31 décembre des exercices. Car, elle avait constaté que la TRM ne procède pas systématiquement à l’arrêté annuel de caisse de l’ensemble des régies de recettes et des régies d’avances qui lui sont rattachées.
Et dans le but de s’assurer de la mise en œuvre de cette recommandation, la mission de vérification de suivi a examiné les notes de services et rapprocher la liste des régies de recettes et d’avances rattachées à la TRM aux PV d’arrêté de caisse au titre des exercices 2017 et 2018. Ainsi, il a été constaté que la TRM a procédé à l’arrêté des caisses des régies de recettes et d’avances en fin 2017 et 2018. Il s’agit de 26 caisses de régies de recettes en 2017 dont le nombre est passé à 27 en 2018 et de quatre caisses de régies d’avances.
Outre, la mission a constaté qu’entre autres recommandations ont été mises en œuvre notamment le versement des avances à justifier aux seuls régisseurs accrédités auprès de la Trésorerie Régionale de Mopti, l’assurance préalablement de l’accréditation des suppléants des ordonnateurs avant toute prise en charge des dépenses, la production d’un compte de gestion conforme, la présentation des chèques à l’encaissement dans les délais règlementaires, la régularisation des recettes comptabilisées ainsi que l’apurement partiel des comptes d’imputation provisoire de recettes.
Aussi, la mission a constaté que la Direction nationale du trésor et de la comptabilité publique a initié la relecture du manuel de procédures administratives, comptables et financières des services du Trésor.
S’agissant des recommandations non mises en œuvre, le rapport indique que celles-ci sont relative au non-respect du cadre organique de la Trésorerie Régionale de Mopti par la Direction nationale du trésor et de la comptabilité publique, la non-régularisation des chèques impayés, le non-versement journalier des recettes douanières par le receveur en douanes. Aussi, il a été révélé que la Trésorerie régionale de Mopti n’a pas rappelé aux régisseurs d’avances la suppression de la retenue de la TVA à la source.
Selon le document de vérification, la Trésorerie régionale de Mopti ne veille pas au respect du plafond d’encaisse des régies de recettes. Car, précise le rapport, la vérification initiale avait recommandé à la TRM de veiller au respect du plafond d’encaisse des régies de recettes. Ainsi, elle avait constaté que les montants disponibles en caisse dans les régies de recettes ayant fait l’objet d’inventaires de caisses sont supérieurs au montant plafond fixé par leurs arrêtés de création.
La TRM ne procède pas à
l’apurement des comptes d’imputation provisoire de dépenses
Afin de s’assurer que cette recommandation a été mise en œuvre, la mission de vérification de suivi a procédé à l’inventaire de caisse de trois régies de recettes du Budget d’Etat. Elle a constaté que les régies du commissariat de police de Mopti (arrêté à la date du 13 septembre 2019 pour la somme de 570 000 Fcfa) et du Secteur Vétérinaire de la Direction Régionale des Services Vétérinaires de Mopti (arrêté à la date du 13 septembre 2019 pour la somme de 250 935 Fcfa) ne respectent pas le montant plafond des disponibilités en caisse fixé à 100 000 Fcfa (nouveau plafond).
La mission a également évoqué que la Trésorerie régionale de Mopti ne procède pas à l’apurement des comptes d’imputation provisoire de dépenses. En effet, la vérification initiale avait recommandé à la TRM de procéder à l’apurement des comptes d’imputation provisoire de dépenses. Et de poursuivre qu’elle avait constaté qu’à la clôture de l’exercice 2016 les comptes “imputation provisoire de dépenses” de la TRM, présentaient un solde débiteur de 32 850 974 Fcfa.
Afin de s’assurer de la mise en œuvre de cette recommandation, la présente mission de vérification de suivi a analysé les balances générales de 2017 et de 2018 (avant clôture) et les états de développement des comptes. Elle a constaté que le solde du compte 470.13 “Imputation provisoire de dépenses-Dépenses de personnel” qui était débiteur de 1 200 000 Fcfa au 31 décembre 2016 demeure inchangé dans la balance avant clôture de 2018 et dans l’état de développement du 31 décembre 2018. Donc le solde du compte n’a pas été apuré. Toujours selon le rapport, le compte 470.15 “Imputation provisoire de dépenses-Autres dépenses de fonctionnement” dont le solde au 31 décembre 2016 était de 31 650 974 Fcfa n’est pas apuré. Le solde dans son état de développement et dans la balance avant clôture de 2018 reste toujours débiteur avec 31 650 974 Fcfa.
Le rapport mentionne que la Trésorerie Régionale de Mopti n’a pas procédé à l’apurement du compte 584.00 “Mouvements de fonds internes aux postes comptables” parce qu’il avait été recommandé à la TRM de procéder à l’apurement du compte 584.00 “Mouvements de fonds internes aux postes comptables”. Ainsi, la mission avait constaté que ledit compte n’a pas été apuré au 31 décembre 2016 pour un solde créditeur de 76 610 470 Fcfa.
Dans le but de s’assurer que cette recommandation a été mise en œuvre, la mission de vérification de suivi a analysé les balances générales de 2017 et de 2018 (avant clôture) et l’état de développement du compte 5811 au 31 décembre 2018.
A l’issue de celle-ci, il a été constaté que le compte 584.00 “Mouvements de fonds internes aux postes comptables”, qui avait un solde de 76 610 470 Fcfa au 31 décembre 2016, apparait dans le compte 5811 “Mouvement interne de fonds chez les comptables centralisateurs du Trésor” dans la balance avant clôture de 2018 et dans son état de développement avec un même solde de 45 215 007 Fcfa au 31 décembre 2018.
Pour les recommandations non applicables, le rapport indique que la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique devrait veiller à la prestation de serment et au payement des cautions des comptables publics avant leur installation. C’est ainsi que la vérification initiale avait recommandé à la Dntcp de veiller à la prestation de serment des comptables publics avant leur installation. Cependant, elle avait relevé que l’actuel Trésorier payeur régional, nommé par Arrêté n° 2015-0016/MEF-SG du 29 janvier 2015 du Ministre de l’Economie et des Finances, a été installé dans ses fonctions sans avoir prêté serment, ni constitué le cautionnement de garantie conformément aux textes en vigueur.
Afin de s’assurer de la mise en œuvre de cette recommandation, les Vérificateurs ont examiné les documents de nomination, de prestation de serment et de constitution de caution de garantie du Trésorier Payeur Régional en fonction. Selon le rapport, la mission de vérification de suivi a constaté qu’il n’y a pas eu d’installation de nouveau comptable public après la vérification initiale. Donc, la recommandation est sans objet.
Par rapport à l’instauration d’un cadre formel de traitement de chèques rejetés avec la Bceao, la vérification initiale a recommandé à la TRM d’instaurer un cadre formel de traitement de chèques rejetés avec la Bceao. A ce titre, elle avait constaté l’absence d’un relevé journalier détaillé des chèques impayés dont une copie devrait être adressée par la TRM à la Dntcp pour information.
Le niveau de mise en œuvre des recommandations non satisfaisant
Ainsi, afin de s’assurer de la mise en œuvre de cette recommandation, la mission vérification de suivi a examiné les états de remise de chèque à l’encaissement et les fiches de remise de chèques sur place-CC, pré-renumérotés de la Bceao. A l’issue des travaux, il ressort qu’il est plus pertinent d’établir un cadre de collaboration entre la TRM et les Projets, programmes et ONG, émetteurs des chèques rejetés. Et, la recommandation est caduque.
En conclusion, le rapport indique que la TRM joue la fonction de “caissier” et de “banquier” dans la gestion des ressources publiques. A cet effet, elle est chargée de l’encaissement des recettes du Budget d’Etat et de certains organismes publics ainsi que du paiement des dépenses ordonnancées par les ordonnateurs accrédités auprès d’elle.
Vu l’importance du rôle qu’elle joue dans l’exécution des budgets, elle doit bénéficier d’une attention particulière des autorités en y déployant le nombre d’agents nécessaires pour son bon fonctionnement et mener à bien la mission qui lui est dévolue.
A en croire le rapport, les recommandations formulées par la vérification financière effectuée en 2017 devaient concourir à la correction des dysfonctionnements constatés. Cependant, il ressort des constatations de la mission de vérification de suivi, que les dispositions prises par la TRM pour pallier les dysfonctionnements ne sont pas satisfaisantes au regard du taux de mise en œuvre globale qui est de 44%.
Aussi, la faiblesse de ce taux s’explique par plusieurs facteurs, notamment les difficultés liées à l’apurement des comptes d’imputation provisoire de dépenses et de recettes, ce qui aboutit à d’importantes déperditions de ressources de l’état. Par ailleurs, la gestion des caisses de régies de recettes n’est pas, en général, encadrée, malgré les risques inhérents y afférents.
Alors, le Ministère des Finances à travers ses directions techniques devrait prendre des mesures pour rendre conformes les procédures de recouvrement et d’encaissement des recettes ainsi que celles déterminant les modalités d’exécution des dépenses aux textes en vigueur.
Et l’actualisation des textes et leur adaptation aux réalités de leur application pourront contribuer à l’amélioration de la qualité de la gestion des fonds publics.
Synthèse de Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourdhui-Mali