Dans un document qu’il nous a fait parvenir, le ministère de l’Economie et des Finances relève moult insuffisances dans le rapport du Vérificateur général sur l’audit de l’avion présidentiel et des achats d’armement. Toute chose qui porte atteinte à crédibilité du BVG.
BVG
Le MDAC et le MEF auraient fait une interprétation erronée et une application inappropriée de la disposition réglementaire relative à l’exclusion de certaines commandes publiques du champ d’application du CMP.
MEF
L’article 8 du décret n° 08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation des marchés publics et des délégations de service public dispose : « Le présent décret ne s’applique pas aux marchés de travaux, de fourniture et de services, lorsqu’ils concernent les besoins de défense et de sécurité nationales exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’Etat est incompatible avec des mesures de publicité ».
Au moment des faits, aucun texte n’avait été pris pour fixer les règles et procédures requises en de telles circonstances. Par conséquent, le ministère de la Défense étant un ministère de souveraineté et de surcroît ordonnateur de son budget, a toujours conclu ses contrats et fournitures de biens et services conformément à cette dérogation.
De ce fait, les deux contrats sont exclus du champ d’application du Code des marchés publics.
Au demeurant, au moment où le Vérificateur général déposait son rapport, les textes encadrant le recours à l’article 8 avaient été pris, à travers l’adoption du décret n°2014-0764/P-RM du 9 octobre 2014 fixant le régime des marchés travaux, fournitures et services exclus du champ d’application du décret n° 08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public
Le MEF aurait irrégulièrement accordé une garantie au titulaire du marché dans le cadre de la fourniture des matériels et équipements destinés aux forces armées.
MEF
Suivant lettre n°2897/MDAC-CAB du 18 décembre 2013, le MDAC a demandé au MEF l’octroi d’une garantie pour accompagner la mise en œuvre du protocole conclu avec la société Guo-Star. Le MEF a dans un premier temps délivré une simple lettre de confort, adressée au directeur de la Banque Atlantique sous le n°262/MEF-SG en date du 30 décembre 2013. Cette lettre avait pour vocation de confirmer les inscriptions budgétaires au titre du ministère de la Défense pour l’exercice 2014 et pour les exercices 2015 et 2016 dans les prévisions du Cadre budgétaire à moyen terme 2014-2016.
Par la suite, la Banque a insisté auprès du MDAC pour obtenir une garantie autonome en vue de se prémunir du risque de déclassement de la créance au regard du dispositif prudentiel de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bcéao). Cette garantie autonome a été délivrée le 28 février 2014, soit deux mois après la lettre de confort. Une garantie accordée à une transaction conclue sur la base de l’article 8 ne saurait être analysée au regard des règles prescrites par un texte non applicable.
Ce type de garantie a du reste toujours été accordé par le ministère de l’Economie et des Finances au chef de file du pool bancaire qui finance la campagne cotonnière depuis les années 1990 pour un montant minimum de 100 milliards de FCFA. Il a pour vocation de sécuriser le dénouement de la campagne.
De la saisine du Comité national de dette publique (CNDP) : il convient de noter que cette instance du reste présidée par le ministre de l’Economie et des Finances, n’était pas opérationnelle au moment de la délivrance de la garantie. En effet, le CNDP, créé par le décret n°09-522 du 24 septembre 2009 n’a été doté de texte d’application que très récemment, suivant arrêté n°0859 du 24 mars 2014. Depuis cette date, il se réunit régulièrement autour des dossiers de prêt et de garantie.
BVG
Le titulaire du protocole d’accord à l’appui de la garantie autonome aurait effectué des opérations frauduleuses.
MEF
De la garantie autonome : La garantie autonome a été accordée à la demande du MDAC pour sécuriser l’opération. Il convient de rappeler que cette garantie est conditionnelle, car adossée à la livraison effective des matériels et équipements objets du protocole. En effet, le montant du prêt n’est pas mis à la disposition de l’adjudicataire du marché. Le schéma de financement a retenu le principe de l’ouverture de lettres de crédit afin de sécuriser les différentes livraisons. La notification adressée à l’entreprise, au titre des lettres de crédit, a prévu deux conditions pour le bon dénouement de l’opération :
- – la production d’un certificat de contrôle de conformité, établi par le ministère chargé de la Défense, à la fin de chaque production ;
- – la réception des marchandises par le ministère chargé de la Défense, avant paiement des lettres de crédit.
La réalisation de ces deux étapes conditionne le paiement par la Banque Atlantique des livraisons effectuées.Il est important de souligner qu’à la date d’aujourd’hui pas un franc des ressources publiques n’a été décaissé dans l’exécution de ce protocole. Bien que les équipements et matériels objet du protocole ont fait l’objet de livraison à plus de 90 % par le fournisseur.
Le MEF n’a à aucun moment été en contact avec l’adjudicataire du marché et n’a donc pu avoir aucune connivence avec lui.
Du reste, les transactions incriminées ont été effectuées avant la mise en place de la garantie, comme il apparaît dans le rapport d’audit et ne saurait par conséquent avoir aucun lien avec elle.
En tout état de cause, toute utilisation frauduleuse éventuelle de la garantie ne saurait en aucun cas impliquer le ministère de l’Economie et des Finances qui s’en tient aux termes du protocole et de la garantie.
BVG
Le MEF en accommodant le financement des deux acquisitions n’aurait pas respecté des dispositions relatives à la Loi de Finances
MEF
L’acquisition de l’aéronef a fait l’objet d’un réaménagement interne du Budget spécial d’investissement (BSI) financé sur ressources internes pour faire des économies du même montant. Par conséquent, elle n’a pas entraîné une aggravation du déficit budgétaire. Ce réaménagement a du reste fait l’objet d’un budget rectificatif adopté conformément à la législation en la matière.
De la saisine du Comité national de la dette publique : L’emprunt bancaire a été contracté dans le cadre du financement du déficit budgétaire et ne requiert pas, à ce titre, l’avis du CNDP. Il en est de même des émissions de bons et obligations du trésor destinés à couvrir le déficit budgétaire.
Des dépenses avant ordonnancement : En matière d’acquisition d’équipements, il y a des dépenses liées à l’achat de l’équipement qui représentent l’investissement et celles relatives au fonctionnement liées à cet investissement. L’imputation d’une partie de la dépense sur la participation au fonctionnement est due à la prise en charge d’une partie des dépenses relatives aux frais d’intermédiation, d’assurance et d’immatriculation de l’appareil.
L’article 26 de la loi n°96-061 dispose que : « Avant d’être payées les dépenses sont engagées, liquidées et ordonnancées. Toutefois, certaines dépenses pourront être payées sans ou avant ordonnancement. Le ministre chargé des Finances en dresse la liste par arrêté. Aussi, des avances ou acomptes pourront être consentis au personnel ainsi qu’aux entrepreneurs et fournisseurs. Les modalités d’exécution de ces avances ou acomptes seront fixées par décret pris en conseil des ministres ».
La nouvelle loi 028-2013 portant Loi de finances issue de la transcription de la directive de l’Uémoa autorise en son article 41 le principe de paiement des dépenses avant ordonnancement. Les modalités d’exécution selon cette loi doivent être fixées par arrêté du ministre de l’Economie et des Finances.
Le ministre de l’Economie et des Finances est l’ordonnateur principal du budget de l’Etat. Il dispose à cet effet d’un pouvoir de régulation du budget de l’Etat.
A ce titre, les lettres adressées par le ministre de l’Economie et des Finances au directeur national du Trésor pour autoriser les différents paiements par acomptes ne sont pas une violation de la loi 96-061 et surtout qu’il est mentionné dans les différentes lettres que la régularisation sera effective par mandat budgétaire avant la fin de l’année. C’est ce qui a été fait car un premier mandat de 5,5 milliards a été émis et une inscription budgétaire de 14,5 milliards a été faite dans la loi de finances rectificative.
Les dépenses avant ordonnancement sont exécutées le plus souvent dans un contexte d’extrême urgence ou d’impérieuse nécessité, où toutes les pièces justificatives requises ne sont pas immédiatement disponibles pour le comptable payeur. L’essentiel pour le comptable est dans ce cas exceptionnel d’extrême urgence de pouvoir réunir les pièces justificatives manquantes avant la fin d’année et plus précisément au moment de déposer son compte de gestion à la section des comptes. Dans le cas contraire, il doit pouvoir démontrer toutes les diligences qu’il aura faites pour disposer de ces pièces.
Du non enregistrement des contrats : S’agissant du non enregistrement des contrats, il convient de rappeler que l’enregistrement fait office de publicité, ce qui est incompatible avec le régime dérogatoire sous lequel les contrats ont été signés et le secret qui devait les entourer.
BVG
Le MEF en accommodant le financement des deux acquisitions n’aurait pas respecté des dispositions relatives à la comptabilité publique
MEF
S’agissant du protocole avec Guo Star il convient à nouveau de souligner qu’à la date d’aujourd’hui pas un franc des ressources publiques n’a été décaissé dans l’exécution dudit protocole avec Guo Star. On ne saurait par conséquent parler sur ce point d’infraction aux règles de comptabilité publique.
Concernant l’acquisition de l’aéronef, il s’agit d’une exception à la règle générale pour l’exécution des dépenses publiques compte tenu du facteur d’urgence. Toute chose laissée à l’appréciation du ministre de l’Economie et des Finances en tant que ordonnateur principal du budget d’Etat.
C’est ainsi que lors du paiement des acomptes pour l’acquisition du matériel de transport pour le compte du ministère de la Défense et des Anciens combattants les pièces justificatives fournies au Trésor public pour paiement comprennent :
- les lettres du ministre de l’Economie et des Finances qui est l’ordonnateur principal du budget disposant seul du pouvoir de régulation.
- les factures présentées par les différents bénéficiaires (Sky Colour Limited et AIC Title Service, LLC) comportant des numéros et dates, montants dus, noms des bénéficiaires et leurs villes, pays et aussi les références exactes de leurs comptes bancaires.
Comme précédemment annoncé, le règlement des dépenses avant ordonnancement dans un contexte d’extrême urgence, ou d’impérieuse nécessité de l’Etat ne requiert pas les mêmes pièces justificatives qu’un paiement ordinaire après service fait qui est soumis au visa préalable du contrôle financier.
Les obligations de contrôle de la régularité et de la validité de la créance avant le paiement d’une dépense publique s’imposent lorsqu’il s’agit du paiement d’une opération ordinaire du budget d’Etat c’est-à-dire engagée, liquidée et ordonnancée. A cet égard, le contrôle de la validité de la créance à travers le virement des fonds dans le numéro de compte figurant sur les factures est bien effectif.
Il convient de noter que bien avant la fin des audits les dispositions ont été prises pour fixer la liste des dépenses payées avant ordonnancement et les modalités de leur régularisation suivant arrêté n°2014-2037/MEF-SG du 31 juillet 2014.
Bamako, le 5 novembre 2014
Le ministère de l’Economie et des Finances