L’élection présidentielle malienne s’est achevée par la réélection du président sortant, Ibrahim Boubacar Keita. Dans son premier discours post élection, devant ses partisans, le président décida de faire de l’emploi des jeunes, son défi prioritaire. La sécurité ne fut que sommairement citée. En effet, durant la campagne, les populations ont eu droit à un élogieux bilan sécuritaire. Stratégie politique, ou conviction des autorités ? Dans les deux cas, il faut s’en inquiéter.
Le satisfecit affiché en matière sécuritaire, interpelle, car, au regard de la situation, une véritable prise de conscience s’impose. Il est temps de sortir des postures politiciennes pour enfin proposer un véritable plan. Les erreurs du passé doivent être évitées, en 2010, après la belle démonstration des forces de défense et de sécurité maliennes lors des festivités du cinquantenaire à Sikasso, il était difficile d’imaginer l’effondrement de celles-ci, deux ans plus tard. Il est incontestable que durant le quinquennat 2013-2018, les forces maliennes ont été dotées en matériels et elles ont suivi des formations, mais l’absence de cadre d’évolution a réduit l’impact de ces efforts.
À ce jour, du centre au nord, aucun village n’est déclaré complètement sécurisé, l’attaque réussie contre le quartier général du G5 Sahel, l’absence d’élections dans plus de 700 bureaux au premier tour et dans plus de 400 bureaux au deuxième tour, ont entre autres démontré l’extrême fragilité de la situation sécuritaire du Mali. Le risque, c’est la constitution des forces d’apparat, ou encore l’installation d’une habitude d’autosatisfaction liée à quelques actions isolées en lieu et place de forces nationales efficaces et constantes. Le miracle de l’efficacité des forces ne peut se produire qu’avec un leadership porté par un ministère de la défense, stable, ambitieux, innovant et créatif.
La sécurité, telle que présentée par les autorités maliennes, répond parfaitement aux logiques d’un bon discours politique, mais reste éloignée d’un réel souci d’efficacité. Si la volonté est de construire des forces nationales maliennes de défense et de sécurité, il y a lieu d’oser une véritable politique de transformation portée par des réformes crédibles, planifiées, mesurables et appréciables par les populations. Le processus DDR ne saurait prospérer si les autorités maliennes ne travaillent pas sur l’hypothèse d’ajouter le principe de Rapatriement de combattants mercenaires venus d’ailleurs, le chiffre en augmentation constante d’anciens rebelles démontrent un processus désorganisé, qui, à terme, donnera naissance à une nouvelle crise. Le DDR doit devenir DDRR (Démobilisation, Désarmement, Rapatriement et Réinsertion).
Les cinq années à venir ne pourront pas être comme les cinq précédentes. Il est vital pour les gouvernants de sortir un véritable plan de défense et de sécurité du Mali, tout en indiquant les voies devant conduire à la construction d’une armée nationale crédible. Le discours autour de la loi d’orientation et de programmation militaire a atteint ses limites, car il a suffisamment nourri les enjeux politiques, il faut une ambition nouvelle, beaucoup plus orientée sur l’efficacité des troupes et pour cela, des indicateurs fiables s’imposent.
À défaut d’une présentation rapide et complète d’une politique nationale de défense et de sécurité, les autorités maliennes prêteront le flanc aux critiques justifiées, non pas d’une simple absence de vision, mais de l’absence d’une réelle volonté, qui laissera libre cours à toutes sortes de suppositions. Le risque majeur pour les autorités, c’est l’interprétation de ses actions futures par les populations dans certaines zones du nord, eu égard aux polémiques suscitées par l’élection présidentielle. Le gouvernement malien ne doit en aucun cas donner le sentiment d’une possible partialité dans la mise en œuvre de sa politique sécuritaire globale.
Boubacar Salif TRAORE
Consultant sénior Centre d’Etude, d’Analyse et de Prospective Stratégique (CEAPS) Groupe Afriglob Conseil
Le Reporter