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Que sont-ils devenus ? Adiza Maïga : Joies et amertume d’une (belle) carrière

Adiza Maïga est la sœur cadette de Salamata Maïga dite Bébé, ancienne gloire du basket malien. Elles ont fait chemin ensemble au Djoliba AC et en équipe nationale durant toute une décennie. Au-delà de cette complicité familiale jusque sur le plancher, Adiza se démarque de son ainée par une particularité : elle a joué avec deux équipes nationales, le Mali et le Niger. Comment ? Nous lui avons posé la question.

Dans un entretien exclusif, parfois perturbé par les agissements de ses petits-enfants (qu’elle entretient sereinement), Adiza Maïga pose la problématique des échecs répétés de l’équipe senior de basketball et lance un cri de cœur pour donner une nouvelle vision à la discipline dans notre pays. Vous l’aurez compris : Adiza est notre héroïne du jour.

Adiza Maïga est la fille d’un docteur vétérinaire qui fut, en son temps, ministre de la Fonction publique au Niger, avant de continuer sa carrière dans son pays, le Mali, avec un coup d’essai à Gao. C’est dans la cité des Askia que la jeune Adiza a commencé la pratique du basketball, entre les mains d’un certain Tonko. Faudrait-il rappeler qu’elle accompagnait sa sœur aînée, feue Salamata Maïga dite Bébé. Le vieux Abdoulaye Maïga, qui appréciait cette complicité entre les deux sœurs, mettait les moyens à leur disposition pour mieux les encourager. Adiza, qui avoisinait les deux mètres, attirait aussi l’encadreur qui la dorlotait pour éviter tout découragement, parce que jusque-là son amour pour le basketball était lié à celui de sa sœur. Donc, à tout moment, elle pouvait décrocher et gambader dans les rues de Gao. En 1968, les deux sœurs Maïga pensaient avoir été victimes collatérales du coup d’Etat du Comité militaire de libération nationale (Cmln), pour la simple raison que leur père était muté à Bamako.

 

La génération émeraude !

Paradoxalement, le coup d’Etat aura donné une nouvelle orientation à leur carrière en cette année de 1969 au Djoliba et en équipe nationale qu’elles ont intégrée en 1971. Elles ont participé à quatre championnats d’Afrique féminin.

Le coach Tonko prend des contacts à Bamako et instruit aux sœurs Maïga de débarquer au Djoliba. Elles respecteront ces consignes à la lettre et trouvent au même moment des jeunes dans le centre de formation des Rouges de Bamako, en l’occurrence Penda N’Diaye dite Pinpin, Oura Maïga, Lady Sidibé, Sali Traoré, Assan Touré « Yaoundé », Aminata Fofona « La Pantha » ou la Panthère, Fanta Diarra, Aminata Koné.

A ce groupe, s’ajoute une pléiade de jeunes louves : Lanfia Diarra, Djénébou Sanogo et Seynabou Diop, l’actuelle ministre des Transports.

Entre temps, Adiza Maïga est admise au DEF et orientée au lycée de Jeunes filles (actuel lycée Ba Aminata Diallo), où les compétitions interscolaires donnèrent plus du tremplin à ses qualités. A partir de 1970, c’est la révolution pour cette génération avec 10 titres de champion. Une fois de plus, nous sommes revenus sur les raisons, sinon les motivations d’une telle suprématie de l’équipe féminine du Djoliba. Cependant, le cheval de bataille de ces jeunes dames des Rouges de Bamako pouvait rappeler en quelque sorte ce qu’on appelle en économie « l’analyse Swot ». C’est-à-dire exploiter ses forces, saisir des opportunités, améliorer les faiblesses et faire face aux menaces. Et ces menaces n’étaient autre que le trio infernal du Stade malien de Bamako Guinto-Sali-Fouky ; ou encore Aminata Couliblay dite Waraba 10 du COB et Lala Tangara de l’AS Réal.

Sans nous donner le temps de poser la question (à quoi était imputable la prédominance du Djoliba ?), Adiza se précipite de nous convaincre que la suprématie du Djoliba n’était nullement due à une quelconque implication de Tiécoro Bagayoko, sauf que l’ancien directeur de la Sûreté nationale (un passionné du Djoliba AC et du sport malien en général) motivait l’équipe avec toutes les commodités possibles. Dans un tel cadre de vie, l’équipe ne pouvait se permettre de décevoir ses dirigeants, ses supporters et ses fans. Adiza attribue les bons résultats du Djoliba de l’époque à la cohésion, l’entente et surtout le niveau d’instruction des pensionnaires du club rouge.

La preuve est que, quelques jours après l’arrestation de Tiécoro Bagayoko, le Djoliba a battu l’As Réal, parce que les dames se sont dit qu’il faut honorer par une victoire éclatante celui dont la vie était intimement liée au Djoliba si elle n’en était pas confondue.

Ce jour-là, soutenues dans la salle du mythique pavillon des Sports du stade omnisports de Bamako par les joueurs de la section football comme Kidian Diallo, Kader Gueye, Cheick Salah Sacko, Mamadou Koné « Zito » etc. …, l’équipe féminine du Djoliba a dispensé une véritable leçon de basketball aux rivales du Réal et aux spectateurs. Un véritable récital ponctué d’une fin de match assimilée à un deuil (national ?) avec des pleurs, des sanglots provoqués à la fois par l’émotion de la chute de leur mentor et la confirmation que leur suprématie sur le basket-ball malien était dénuée de tout favoritisme ou de toute pression extérieure. « C’est un jour inoubliable !», confie notre héroïne, qui a visiblement dû faire violence sur elle-même pour retenir une goutte de larmes, à quelques tierces de jaillir.

Plus tard, Adiza Maïga regrettera l’absence de Tiécoro, sans doute ayant été victime d’un règlement de compte politique. En effet, fraichement sortie de l’Ensup (Ecole normale supérieure de Bamako), Adiza n’est affectée nulle part. Cela avait une explication, selon elle, parce que le colonel Youssouf Traoré, à l’époque ministre de l’Education nationale, fervent supporter de l’AS Réal et grand rival, voire ennemi de Tiécoro Bagayoko, l’avait menacée de l’envoyer à Kidal. Et elle n’a pas hésité à répliquer que cette zone fait partie du Mali et une éventuelle affectation au nord ne lui faisait pas peur.

Exilée au Niger

Le colonel Youssouf Traoré mettra à exécution sa menace sous une autre forme. Adiza est mutée à Ségou. Les dirigeants du Djoliba, irrités par cette décision du ministre, n’y pouvaient rien et la seule alternative possible était d’accepter et de créer les conditions afin que la jeune Adiza fasse des va-et-vient entre la cité des balazans et Bamako quand le Djoliba devait jouer. Difficile en son temps, compte tenu de beaucoup de paramètres et de facteurs. Face à un tel dilemme, Adiza a pris une décision radicale. Laquelle ? Elle explique : « Quand ma mutation sur Ségou m’a été notifiée, j’ai informé les dirigeants du Djoliba. Ils ne pouvaient rien faire parce que les tenants et les aboutissants de la décision étaient connus, à savoir me faire mal et anéantir le Djoliba. Donc, j’ai décidé de m’exiler au Niger. Je suis née là-bas et logiquement j’y avais des parents. A l’époque, on interdisait aux enseignants de sortir du pays, mais le général Mamadou Coulibaly s’est porté garant de ma sortie et a trouvé l’alibi d’un mariage auquel je devais participer. A mon arrivée au Niger, j’enseignais au lycée Kassey de Niamey, l’équivalent du lycée de filles de Bamako. L’ancien joueur du Stade malien, Moussa Kanfédeny, qui m’a connue au Mali, a alerté les autorités du ministère des Sports de son pays sur mon histoire. Il leur a dit que je pouvais contribuer à faire tenir debout le bébé nigérien (le basketball au Niger était à ses débuts). C’est avec plaisir que j’ai accepté leur sollicitation. C’est ainsi que j’ai intégré le club Leyma Assurance de Niamey et l’équipe nationale nigérienne avec des   matches internationaux à l’étranger. L’explication d’avoir évolué dans deux équipes nationales se situe à ce niveau. J’ai fait trois ans de carrière intense au Niger. En 1982, j’ai arrêté le basketball, pour la simple raison que je me suis mariée.  A ce niveau, la page de ma carrière en tant que basketteuse de haut niveau se referma avec comme bon souvenir tout ce temps passé au Djoliba et en équipe nationale du Mali. Et contrairement à ce que les supporters pouvaient penser, notre rivalité entre joueuses de différents clubs s’arrêtait sur le plancher. Au coup de sifflet final, c’étaient des copines qui se retrouvaient pour chahuter et parler d’autres choses. Donc, j’ai continué avec mon mari à travers le monde dans le cadre de sa profession. Ce qui fait que j’étais déconnectée du milieu du basketball malien. C’est seulement en 2010 que nous sommes retournés au Mali ».

Qu’en est-il de ses relations avec sa sœur ainée feue Salamata au Djoliba et en équipe nationale ? Adiza soutient que c’était le respect et l’obéissance. Et même s’il lui revenait de tempêter face à une situation, on faisait appel à « Bébé », qui lui envoyait un message qu’elle comprenait et tout rentrait dans l’ordre. Evidemment, que Adiza est nostalgique de sa sœur à l’instar du monde sportif malien, parce qu’il est indéniable que Salamata Maïga a consacré toute sa vie au basketball malien, même en dehors du pays. Mais en comprenant que le monde ressemble à une scène de théâtre où chacun joue son rôle et disparait, on se résigne.

J’accuse !

Au cours de notre entretien, Adiza est revenue sur deux anecdotes toutes relatives à la chimie noire.

Tout d’abord, l’enfant de Gao se souvient : « Au cours d’un match capital du Djoliba, les dirigeants ont amené une petite grenouille que « Bébé » devait mettre dans ses chaussettes pour jouer. Ma sœur a refusé catégoriquement ce scenario. Aminata Fofana dite la Panthère a utilisé la chimie. De ce jour à aujourd’hui, on ne sait pas où est passée la grenouille. Elle a disparu. C’est peut-être le produit de la victoire du Djoliba ».

L’autre cas s’est passé avec l’équipe nationale : « Nous étions en route pour l’aéroport, quand subitement sur le pont des martyrs, l’entraineur Lakota demanda au chauffeur de faire demi-tour. La raison ? Nous avions oublié la chimie à Sikoroni chez le marabout. Le chauffeur ne voulait pas, mais vu l’insistance du coach, il finit par céder. Nous sommes allés récupérer un bidon de potion pour reprendre le chemin de l’aéroport pour Dakar. Ce sont des bons moments qui font revivre le passé », raconte Adiza.

Notre entretien avec Adiza Maïga a commencé là où elle aurait dû finir. Parce qu’elle en a trop sur le cœur, par rapport à la gestion du basketball malien. Cependant, son réquisitoire est teinté de deux détails sous la forme d’une mise au point. D’abord, elle n’est nullement dans une logique de procès de qui que ce soit. Ensuite, elle n’est intéressée ni en amont ni en aval par un poste dans le bureau fédéral.

Alors, pourquoi Adiza est-elle amère et dénonce ? Elle soutient que la problématique du basketball malien est liée à l’inconstance des résultats des filles entre les catégories. Sinon, comment comprendre qu’elles sont les éternelles championnes dans les catégories d’âges et deviennent par la suite des géants au pied d’argile au sommet ?

Adiza conseille aussi une révision des textes pour donner une nouvelle orientation au basketball. Selon elle, la discipline se fera un chemin quand les délégués refuseront d’être conditionnés lors des assises, pour choisir les meilleurs dirigeants du milieu sportif. Pourtant ce cri de cœur peut prêter de réelles intentions à Adiza.  Mais l’ancienne sociétaire du Djoliba explique le revers de la médaille de cette analyse par son amour pour le basketball. Surtout qu’elle l’a pratiqué en âme et conscience pour honorer le pays et se faire plaisir, avec des primes qui atteignaient rarement les 15 000 francs maliens. D’ailleurs, certaines familles assuraient les équipements de leurs enfants pour honorer le drapeau malien. Dans ces conditions, Adiza ne dit ne pas pouvoir garder le silence devant une telle mafia autour du basketball malien.

O. Roger SISSOKO

Aujourd’hui-Mali

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