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Que sont ils devenus … Abdoul Aziz Wane : Le technicien et le gentleman de Quinzambougou

Dans sa  période de vache maigre en 1988, le  Stade malien de Bamako avait fait confiance à un certain nombre de jeunes joueurs pour soutenir son effectif. Parmi ces jeunes, il y avait un certain Abdoul Aziz Wane qui, à son temps, était chouchouté par l’entraineur Cheick Fanta Mady Diallo. Lequel a essuyé des critiques pour l’avoir choisi ou misé sur lui.  Abdoul Aziz était un joueur très talentueux, mais le fait d’avoir bénéficié de la confiance de Cheick Diallo à ce moment précis, alors qu’il était très jeune, a suscité auprès de certains supporteurs beaucoup de méfiance et de critiques parce qu’ils estimaient que l’entraineur était très proche de la famille, relativement aisée. Ils pensaient donc qu’il avait des accointances avec cette famille, c’est pourquoi il lui donnait sa chance. C’est cet ancien international du Stade malien de Bamako qui est notre héros de la semaine, pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Cela fait des années qu’Abdoul Aziz Wane vit en France. Comment et pourquoi s’est-il exilé ? Quelle a été son parcours au Stade et dans les équipes nationales ? Quels sont ses projets ?  L’enfant de Quinzambougou a accepté de répondre aux différentes questions.

Notre entretien avec Abdoul Aziz Wane a commencé par cet incident qu’il a eu avec un grand supporteur du Stade malien, du nom de Bapola (c’est son surnom). L’attitude du jeune footballeur a tellement surpris que nous ne l’avons pas oublié après tant d’années.  Ce jour-là, Aziz n’était pas venu pour s’entrainer, mais plutôt régler ses comptes avec le vieux. Qu’est ce qui s’est passé ? Selon le joueur, Bapola avait accusé sa mère d’avoir négocié son transfert au Djoliba, moyennant une forte somme d’argent. Ce qui n’était pas vrai parce qu’il est convaincu que sa mère contribuait au paiement des primes du Stade. Comment peut-elle  encore poser de tels actes sur le dos du même club ? Donc quand Aziz a appris cela, il a eu une réaction violente pour recadrer les choses avec le vieux supporteur. Il nous apprend qu’il était venu avec des jeunes du quartier pour toute éventualité.

Alors, en tant que fils du Stade, pourquoi a-t-il osé transférer au Djoliba ? Aziz considère cette tentative comme un incident de parcours. Ce qui doit arriver, arrivera, dit -il. Seulement on doit savoir que le Stade malien est son club de cœur.

Le jeune Abdoul Aziz Wane  avait des qualités très appréciables. Avec une technique au-dessus de la moyenne, il avait un sens de la vivacité et de la mobilité qui lui permettaient d’organiser le jeu médian du Stade malien de Bamako. Véritable ravitailleur de bonnes balles pour l’attaque stadiste, il était également ce bon relayeur dont le club avait besoin, aux yeux de l’entraineur.  Cheick Diallo a eu confiance en le jeunot. Il a misé sur lui, il a insisté sur lui et au fil des apparitions celui-ci  a pris du volume. Aziz s’est imposé par la qualité de son football et a été finalement adulé par la plupart des supporteurs stadistes. Et du coup, il a participé à la réalisation des résultats sportifs enregistrés par l’équipe. Petit de gabarit, joueur très mobile, il avait un fort abattage, du kilo. Ce qui lui permettait de prendre sur son compte le jeu du Stade et d’assurer la bonne transmission entre les deux secteurs, défensifs et offensifs. Abdoul Aziz Wane  pouvait rappeler cet autre grand joueur, Jean Amadou Tigana. Ce Franco-Malien très technique, très mobile, efficace, qui apportait  de l’aération au jeu de toute l’équipe de la France.

Inspiré par le livre sur l’emblématique Hafia FC de la Guinée Conakry

Pour parler du  parcours du jeune Abdoul Aziz Wane, il faut remonter aux années 1985 -1986, où il évoluait au centre de formation de l’école Liberté A dont il était un des élèves. Il se poursuivra ensuite dans le quartier, quand il créa avec ses amis le Hafia FC de Quinzambougou. Le livre sur l’emblématique équipe de la Guinée Conakry a été sa source d’inspiration. Pour les compétitions inter quartiers, Aziz faisait appel à ses camarades d’école pour renforcer l’équipe.  Malheureusement, son départ pour les catégories d’âge du Stade malien de Bamako disloqua le groupe. Bien que cadet, Aziz fût parfois convoqué par l’entraineur Lamine Traoré dit Jules pour les matches de championnat junior. Il finira par rester dans cette catégorie, malgré son âge, en 1988. Au bout de la saison, il est rappelé en équipe senior. Selon lui, pas pour remplacer Abdoulaye Kaloga qui venait de signer un contrat au Portugal, mais l’encadrement technique voulait faire la politique de jeunes talents qui émergeaient du lot des cadets et des juniors. Admis sur la feuille de match contre le Djoliba AC, en rencontre de championnat, Aziz est introduit en deuxième mi-temps.

Sur ce match, nous lui avons demandé s’il se rappelle encore de cette action, considérée comme le déclic de sa carrière au Stade. Il a répondu oui. Dès son entrée à la suite d’une combinaison avec le latéral Seydou Yattara, il fait une talonnade magnifique à Boubacar Sanogo. Celui-ci sur le flanc droit ne tarda pas à centrer sur Seydou Diarra dit Platini qui, de la tête, marqua le but de la victoire. Très jeune avec surement  un sentiment d’inconscience, Abdoul Aziz Wane ne nourrissait aucun complexe dans ce derby. Ce jour-là, ses mouvements de diversion et ses coups de patte par-ci, par-là, ont sauvé l’entraineur Cheick Fanta Mady Diallo et rassuré les quelques rares supporteurs récalcitrants au sujet de son cas. Désormais, le club pouvait compter sur ce jeunot au petit gabarit, mais pétri de talent.

Personne ne savait

 dans le quartier qu’il jouait au Stade malien de Bamako

A la fin du match, quelques supporteurs ont pris d’assaut le domicile paternel d’Aziz. Le paradoxe est que personne ne savait dans le quartier qu’il jouait au Stade malien de Bamako. Parce que les catégories d’âge des Blancs s’entrainaient en première heure. Et Aziz terminait l’après-midi sur le terrain “Calcio” de Quinzambougou puisque, jusque-là, il dormait dans le même appartement que son père. Les Stadistes ont demandé au vieux de trouver une chambre individuelle pour leur enfant chouchou que Amadou Baba Konaté dit ABK se chargea de meubler et offrit une moto à Aziz.

Bizarrement, avant d’arriver à la maison, Aziz  a vendu la moto. Pourquoi ? Il explique : “Il est très facile de comprendre les raisons qui m’ont poussé à vendre la moto. Ma mère m’avait déjà payé un véhicule donc je n’avais pas besoin de moto. Mais il fallait que je la vende en cours de route parce que mes parents pourraient prendre la décision de donner ladite moto à un de mes frères. Ce qui, à l’époque, ne m’arrangeait pas, quand on sait que notre vie se résumait aux virées nocturnes et aux  restaurants. Par la suite, des supporters m’ont payé deux motos et c’est le même sort qui leur a été réservé”.

Il reconnait qu’il était vraiment un gentleman, un noctambule

Le jeune Abdoul Aziz Wane a eu cette chance d’évoluer avec ses ainés : Yacouba Traoré dit Yaba, Seydou Diarra dit Platini, Aboubacar Vieux Djan Traoré, Ousmane Farota, Mohamed Djilla, etc… Selon lui, ceux-ci ont non seulement contribué à son progrès dans l’équipe, mais aussi ils ont été ses mentors par rapport à tout ce qu’il entreprenait, surtout quand ils étaient à l’internat où Platini lui payait à manger à chaque fois qu’il envisageait de changer d’alimentation et Djilla était son surveillant général. Cadet qu’il était, il lui arrivait de leur échapper la nuit parce qu’Aziz, bien qu’il n’ait jamais bu d’alcool, reconnait qu’il était vraiment un gentleman, un noctambule toujours avec ses amis pour faire le tour des boites de nuit de Bamako, des restaurants. C’est l’une des raisons principales qui fait qu’il n’a pas fréquenté les  joueurs en dehors du terrain.

Séduit par le  style de jeu et les  qualités techniques du jeune Abdoul Aziz Wane, l’entraineur Kidian Diallo le convoqua en équipe nationale en 1988 à la faveur du tournoi Black Star en France et de trois autres tournois, notamment au Congo Brazza, au Gabon et au Burkina Faso. Au même moment, il était avec  les juniors, c’est-à-dire ces super Aiglons qui ont joué la finale de la CAN de leur catégorie et participé à la Coupe du monde. Mais de façon délibérée, Abdoul Aziz Wane n’a pas manqué d’alibi pour déserter l’internat de ses camarades d’âge au profit des Aigles. Voici les argumentations qu’il a développées pour justifier sa désertion : “J’ai joué la première journée des éliminatoires de la CAN junior. Par la suite, j’ai été aussi convoqué de façon régulière en équipe nationale séniore. Ce qui avait tendance à démontrer que je devais choisir entre les deux. Je n’ai pas trouvé juste de continuer avec les Aiglons, dès l’instant que j’étais titulaire dans mon club  et sélectionné pour les regroupements des Aigles. Donc je trouvais toujours des faux fuyants pour quitter l’internat des juniors. L’entraineur adjoint à l’époque, Mamadou Diakité dit Doudou, peut le témoigner. Il partait tout le temps me chercher à la maison pour m’inviter à rejoindre mes camarades. Les argumentations ne me maquaient pas, finalement il a compris et l’encadrement s’est passé de mes services”.

Deux coupes du Mali et un titre de champion

Avec le Stade malien, Abdoul Aziz Wane a remporté deux coupes du Mali et un titre de champion. En 1992, il a fait un bref passage au Djoliba, soldé par trois matches. Pour la simple raison que les Stadistes se sont opposés au transfert. Il retournera donc en famille, mais juste pour quelques mois. Abdoul Aziz Wane s’exila en France la même année. Entre 1993 et 2002, il a signé des contrats à Chate Leroux, au Stade de Poitiers, à Nanterre et à Laval. Blessé au genou, il décide de donner une autre dimension à son avenir puisqu’à son arrivée en France il avait repris des études, pour décrocher un diplôme. Technicien Automobile après-vente, il dit avoir créé son entreprise de transport et logistique, avec un magasin en produits exotiques. Depuis un an, il a fermé ledit magasin et passe désormais les commandes et les livraisons par internet.

Avec de telles opportunités en France, quels sont  ses projets ?  Abdoul Aziz répond : “J’envisage de créer une école de football. J’ai déjà trois hectares à Baguineda, dont une partie servira au terrain et l’autre au logement et divers. Une fois au Mali pour la réalisation de ce projet, je me ferai aider par mes anciens camarades de football. Au bout de la formation et de la maturité de la première génération, je créerai un club. Tout est presque prêt, le moment venu je m’engagerai sans état d’âme”.

Marié et père de cinq enfants dont quatre filles, Abdoul Aziz Wane aime dans la vie l’amitié et déteste l’ingratitude qu’il considère comme la pire des choses.

O. Roger

 

Source: Aujourd’hui-Mali

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