Jamais, le Mali n’a été aussi menacé dans son existence, en tant que nation moderne. Le centre est devenu une véritable fosse commune à ciel ouvert. Le pays a connu des rebellions cycliques, mais que les violences dégénèrent en guerre communautaire, cela n’a jamais gagné les esprits mêmes les plus malsains. La violence a pris une autre connotation. Depuis l’époque de la dinna de Hamdallaye, la question de la possession des terres s’est posée entre les dogons agriculteurs et les peulhs éleveurs. Mais un simple conciliabule et les deux parties se comprenaient.
On peut aisément dire que c’est bien la crise née du coup de force du 22 (mars 2012 qui est à l’origine de ces sanglantes tueries. En effet, suite à la rupture du processus démocratique, conséquence des attaques du MNLA et des groupes narco-djihadistes, de la frontière algérienne aux confins de la ville de Douentza jusqu’au niveau du delta central du fleuve Niger, l’autorité de l’Etat n’existant plus, des leaders religieux radicaux ont commencé à s’enraciner.
Parmi ces leaders religieux radicaux, on peut citer le sinistre Amadou Kouffa natif de Konna qui, à travers une sorte de « fatwa », est parvenu à rallier à sa cause plusieurs membres de la communauté peuhle.
Pire, il est parvenu à convaincre d’autres ethnies, les dogons, les sonrhaïs, les bellahs…etc. Pour ce qui est de la communauté peuhle, il a gagné une audience auprès des captifs peulhs qu’on appelle « Maitjido », ces derniers non contents de la pesanteur sociale qui font d’eux des sous-hommes, ont trouvé un refuge dans ce djihadisme qui ne crée pas de différence entre les individus.
C’est dans ce contexte qu’intervient l’opération « SERVAL » le 11 janvier 2013. La veille Amadou Kouffa avait souligné dans la grande mosquée de Konna que l’étape suivante de l’imposition de l’islam rigoriste sera la ville de Djenné.
Mais les événements vont se dérouler autrement. Dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013, les forces aériennes françaises stoppent la progression des djihadistes en direction de la ville garnison de Sevare, dernier verrou stratégique avant le sud.
Elles prennent les djihadistes en tenaille qui sont obligés de s’éparpiller pour échapper à la fureur des avions de combat à long rayon d’action, les Rafales. Complètement aveuglés, certains djihadistes parviennent à regagner Gao, d’autres se retrouvent dans le Kounari, le Farimake et le Hairé avec leurs armes. Ils n’ont pas dit leur dernier mot.
A la suite de l’opération Serval, la MISSION de la CEDEAO au Mali (MICEMA), qui est ensuite remplacée par la MINUSMA et les forces maliennes ne se donnent pas la peine de poursuivre le nettoyage de l’Ecurie d’ Augias. Les terroristes en profitent pour apprendre à certaines communautés parmi lesquelles de nombreux peulhs, le maniement des armes et le mode de fabrication des mines.
Amadou Kouffa qui a fait allégeance à Iyad Aghaly, utilise ces jeunes talibés déjà imprégnés des percepts de l’islam pour semer la terreur. Ils s’en prennent aux forces gouvernementales (armées, administrateur, forces de sécurité). L’Etat qui croyait à un simple mouvement d’humeur déclenche l’opération « Seno », c’est un échec.
En l’absence de l’administration et des forces armées, des véritables structures djihadistes voient le jour pour suppléer l’Etat en faillite. Après les attaques contre les symboles de l’Etat, les djihadistes surtout locaux commencent par vouloir assujettir certaines ethnies comme les dogons, peuple pacifique qui cultive la terre. Des maires dogons, des chefs de village dogons sont abattus de sang froid pour diverses raisons.
Le conflit gagne une partie de la région de Ségou. Pour pallier le vide laisser par l’Etat, les communautés tentent de s’appuyer sur les chasseurs traditionnels « Dozos » appellation traditionnelle des chasseurs chez les bambaras. Les dogons eux s’appuient sur les « danas » chasseurs en langue dogon. Ces chasseurs sont organisés en veritable milices avec souvent la complicité passive de l’Etat.
Ces forces parviennent à se faire une place au soleil dans les cercles de Macina, de Djenné, de Koro, de Bankass. Il arrive qu’ils collaborent avec les militaires. Aussi, sous la pression de ces milices, des forces maliennes et des forces internationales, les djihadistes mal en point, s’acharnent sur les civils jusqu’à là épargnés.
En représailles, les milices s’en prennent aux communautés surtout peuhles qui sont accusées de cacher les djihadistes de les ravitailler en nourriture. Les premiers campements peulhs touchés sont Nawodie, Danfagala, Nantaga, Kobaka, Komagan, Kologon, Ogossagou.
Les leaders peulhs se mobilisent alors et accusent le pouvoir central et même la communauté internationale de fermer les yeux sur ces exactions. Me Hassane Barry avocat de son Etat,s’insurge contre ces tueries et menace de saisir les juridictions compétentes en la matière. Tabital Pulaku, Djinna Dogon tentent de jouer à l’apaisement. A plusieurs reprises, le chef de Dana Amassagou Youssouf Toloba promet de déposer les armes .
Pour se protéger, les peulhs décident eux aussi de se regrouper au sein de l’Alliance pour le salut du Sahel, une milice d’autodéfense qui s’est donné pour mission la protection des villages et hameaux peulhs.
Le manque d’anticipation va conduire au drame de Sobame Da, hameau situé dans le village de Koundou, commune rurale de Sangha. La scène est macabre, des femmes enceintes tuées, des enfants brulés vifs, même les animaux ne sont pas épargnés.
Le hic est que le hameau est situé à 17km de Diankabougou, où se trouve une base militaire à 70 km de la ville de Sévaré, qui dispose d’une base aérienne ; on suppose que les avions pouvaient décoller et procéder au moins à des tirs de sommation, pour dissuader les assaillants. Pour le peuple malien, la France, les Nations unies, feront tout pour éviter un génocide dans le Sahel.
Ce citoyen qui habite au centre du Mali, qui a préféré garder l’anonymat espère que la MINUSMA ne se comportera pas comme la MINUAR, qui attendu le déclenchement du génocide pour plier bagage. La crise a déjà touché le Burkina Faso qui a connu son premier massacre à Yirbu Fulde. Dans cette localité, des peulhs ont été tués de sang froid.
Pire, dans ce pays jusque là épargné, des pasteurs ont été tués à Silgagdji, des prêtres ont été assassinés à Dablo. Donc, il s’agit, pour les pays de la région, de mutualiser leurs efforts pour limiter les dégâts.
Aissata Djitteye
Source: Le Triomphe