La longue liste des problèmes de l’université de Bamako s’allonge avec cette nouvelle forme de commerce à laquelle s’adonnent les étudiantes du campus. Tandis que les unes se disent obligées de se prostituer par nécessité, les autres, sans le moindre complexe, avouent vendre leur corps par plaisir. On est parti à la rencontre de cette nouvelle génération de jeunes étudiantes qui ont troqué les cahiers contre des talons à aiguille et des sacs à mains chics.
Abritant pour la plupart des étudiants venus des régions et des étudiants étrangers venus d’autres pays de la sous région, les campus des différentes universités de Bamako sont gérés depuis peu par le CNOU. Mais cette gestion est à améliorer vu tous les problèmes auxquels sont confrontés les résidents. Parmi ces problèmes on peut citer l’insalubrité, le manque de cantine digne de ce nom, l’insécurité, et la prostitution. Il y a des années déjà, la plupart des résidents des campus venaient d’ailleurs et n’avaient aucune famille proche ici dans la ville, donc pour continuer leurs études supérieures, ils étaient obligés d’aller habiter au campus. Mais cette époque est révolue, les étudiants vont aux campus pour échapper au contrôle des parents et pouvoir faire tout ce qu’ils veulent.
Lors de notre enquête, beaucoup d’étudiants ont accusé le retard des bourses et l’éloignement des lieux de cours. En effet personne n’ignore que les étudiants maliens font un parcours de combattant pour avoir leurs bourses. A cause du manque de classe, certains étudiants de l’ex Flash sont obligés d’aller prendre leurs cours dans des lycées comme Sankoré sis à l’Hippodrome. Pour un étudiant qui loge au campus et qui n’a toujours pas perçu son trousseau trois mois après la rentrée, il est presque impossible qu’il puisse faire face aux dépenses nécessaires pour aller prendre les cours de 8 heures du matin à 19 ou 21 heures. Une étudiante confirme ce cas : »Beaucoup de gens pensent que je couche par plaisir mais ils se trompent. Je n’ai personne sur qui compter, je me prends entièrement en charge, je suis ici pour étudier, comme je ne travaille pas, la seule solution que j’ai trouvée pour pouvoir continuer mes études c’est de me prostituer. Ma famille restée au village me réclame parfois de l’argent donc je l’aide aussi. Souvent j’ai du mal à me regarder dans le miroir, j’ai honte, vraiment honte de ce que je fais », nous a confié Amy Kouyaté étudiante en sociologie.
Elles sont aussi nombreuses à se faire influencer par leurs amies qui se prostituent déjà. C’est le cas de Fatoumata Coulibaly : « Je fais l’anglais et vis depuis deux ans au campus de l’ex Flash, au début je ne faisais qu’étudier mais depuis un an j’ai rencontré une amie qui couche avec des étudiants de notre faculté pour de l’argent. Elle m’a ensuite présenté des amis qui venaient me voir dans ma chambre quand mes colocataires étaient absentes. J’ai gagné de l’argent comme ça et je me suis acheté tout ce qui me manquait ».
Le métier du sexe semble très rentable car il a de plus en plus d’adeptes qui se distinguent facilement de leurs camarades. Si certaines se cachent et ont honte de ce qu’elles font, quelques unes de ces étudiantes peu ordinaires se vantent de ce métier. C’est le cas de cette jeune fille de 23 ans, étudiante en géographie : « j’aime ce que je fais et je ne le cache pas, toutes les autres sont jalouses de moi car je suis la plus chic du campus. Je voyage parfois pour aller à Dakar dans le cadre de mon travail, vous savez, la vie est un choix et moi j’ai fait le mien« .Les raisons qui poussent ces étudiantes à vendre leur corps sont différentes certes, mais une chose est sûre, ces actes ternissent davantage l’image de l’éducation malienne et rendent incertain l’avenir des pratiquantes qui sont victimes de la pauvreté et piégées par l’amour de l’argent facile.
Aissata Fodé SAMAKE,
Stagiaire