Alors que le mandat de l’Assemblée nationale arrive à terme le 30 de ce mois, après une prorogation de 6 mois par loi organique (Loi N° 2018-067 du 6 Décembre 2018), des hiérarques frondeurs rivalisent de propositions contre une nouvelle prorogation. Mais, faut-il sacrifier ‘’l’illégitimité’’ sur l’autel de ‘’l’illégalité’’ ?
Recueillir les avis et préoccupations des différents acteurs, mais également discuter les implications des différentes options politiques pouvant être considérées et éviter au pays de tomber dans un vide institutionnel, tel était l’objet des consultations menées par le Gouvernement qui a pris l’option de soumettre un projet de loi organique à l’effet de proroger le mandat à nouveau, pour le reste de l’année 2019.
Le projet de loi organique adopté, le 7 juin dernier, en Conseil des ministres, proroge jusqu’au 02 mai 2020, le mandat des députés de la Vème législature afin de réunir les conditions optimales à la bonne organisation des élections.
Cette perspective donne lieu à une armada de contre-propositions à la seule fin de faire barrage au projet.
Certains acteurs militent pour la mise en place d’une Assemblée Constituante qui est en fait une institution collégiale détenant un pouvoir lui permettant de rédiger, d’adopter et de réviser une constitution. Or, rappellent des spécialistes, la mise en place d’une assemblée constituante dépend des circonstances.
Premièrement, lorsqu’un Etat nouveau naît, on met en place une assemblée constituante pour élaborer une nouvelle constitution ou encore à la suite d’un renversement de pouvoir par coup d’Etat militaire ou une insurrection populaire.
Deuxièmement, on peut mettre en place une assemblée constituante lorsque le pouvoir constituant intervient pour réviser une constitution.
À l’évidence, nous ne sommes dans aucun de ces scénarios politiques et le Mali n’est pas en train d’aller à une transition politique.
Par ailleurs, la Constitution, en son article 118, a fixé les règles de révision de la Constitution. Au besoin, le Gouvernement peut recourir à l’article 41 de la constitution et le Président peut recourir à l’article 50 ouvrant la voie à l’exercice de pouvoirs exceptionnels. Selon nos sources, certes le Gouvernement veut voir la Constitution de 1992 révisée, mais il mise sur une législature en place pendant que le dialogue politique est en cours. Les mêmes sources précisent que le rôle de la législature n’est pas seulement le vote d’une loi de révision de la constitution.
Elles battent en brèche l’exemple de certains acteurs qui donnent l’exemple de 1968 quand l’Assemblée nationale a été remplacée par une sorte de délégation parlementaire, d’autant plus qu’il n’a pas suffisamment prospéré pour donner des leçons qui inspireraient aujourd’hui en raison du coup d’État militaire de Novembre 1968.
Pour des spécialistes, remplacer l’Assemblée par une autre institution ne résout nullement le problème de la légitimité évoqué par certains. À moins qu’on veuille remplacer une structure perçue comme illégitime par une autre structure dont les membres seront choisis arbitrairement, sans aucun fondement légal. Ils argumentent qu’à défaut d’un fondement « légitime », il y a au moins un fondement légal pour la prorogation de l’actuelle législature. Ainsi, pour eux, l’Assemblée actuelle devra être remplacée par une autre législature dûment élue suivant les lois que nous nous sommes données ou que nous nous donnerons au sortir du dialogue politique qui va bientôt démarrer et où seront débattus tous les problèmes brûlants de l’heure, notamment la crise institutionnelle latente. L’on apprend qu’un chronogramme électoral y sera soumis et, une fois validé, les moyens nécessaires à la tenue de toutes les consultations électorales qui s’imposent avant la fin de l’année 2019 seront engagés jusqu’à compléter le cycle électoral. C’est à ce prix que sera résolu le dilemme de légitimité.
Nos sources soulignent qu’il s’impose désormais que l’avis N° 2018-02, est entré dans l’ordre normatif de notre pays et fait désormais partie du ‘’bloc de constitutionalité’’.
L’on indique également qu’en l’absence d’une Assemblée, une des solutions qui s’offrent est l’utilisation d’Ordonnances pour gérer les matières qui relèvent normalement du domaine de la loi. Mais, dans le contexte politique actuel, plutôt polarisé, la pratique des Ordonnances risque de soulever de nouveaux problèmes, alerte-t-on.
In fine, il apparaît que toute solution politique a tendance à créer de nouveaux problèmes politiques. D’où, l’invitation du Gouvernement à la recherche concertée de solutions, à travers un dialogue politique inclusif.
PAR BERTIN DAKOUO