C’est à un dilemme cornélien que le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, est confronté aujourd’hui en cette veille des élections législatives des 28 octobre et 18 novembre prochain. S’il maintient la stratégie de la contestation par la rue des résultats de la présidentielle, lui et sa troupe risquent de perdre toute chance d’exister sur le plan parlementaire.
Avec l’investiture du président réélu, ce mardi 4 septembre, c’est quasiment une nouvelle page de l’histoire politique du Mali moderne qui se tourne. IBK entame son second mandat à la tête du pays, même si cela s’accompagne de contestation bruyante dans la rue.
En effet, en prêtant serment devant le peuple comme président de la République pour la période 2018 à 2023, IBK aura défait son challenger de toujours, Soumaïla Cissé dans leur lutte pour le leadership politique du pays. C’est clairement l’inefficacité du combat de la rue qui sera effective. « Les chiens aboient, la caravane passe ! », devrait jubiler les tenants du pouvoir. IBK sera à Koulouba dans un contexte sociopolitique difficile mais y sera quand même… Il lui restera ensuite à envisager avec quelle pédagogie juguler le pan de mécontents qui se font entendre dans le pays.
A ce titre, deux options majeures s’offrent au nouveau président : utiliser la méthode forte basée sur la répression des contestataires ou entamer un dialogue visant à associer les opposants à la gestion du pouvoir.
La première option pourrait ne pas bénéficier de la préférence du chef de l’Etat, qui est conscient des limites fortes ou répressives. Car, le risque d’une radicalisation des mécontents renforcés par de nombreux déçus de la gouvernance peut déboucher sur des velléités insurrectionnelles. Surtout que le contexte de crise sécuritaire dans le pays peut susciter de violents règlements de comptes, mais aussi aiguiser l’appétit accusateur des défenseurs des droits humains internationaux…
La seconde option, la concrétisation de la main tendue d’IBK à son jeune-frère Soumaïla Cissé retiendra sûrement l’attention du pouvoir. Il s’ensuit que dès l’investiture terminée, le locataire de Koulouba devra faire asseoir les forces vives du pays autour d’une table. L’on signale déjà, du reste, le début de discrètes médiations avec le cardinal Jean Zerbo et le Guide des Ansar Dine, Chérif Ousmane Madani Haïdara. Le dialogue, le cas échéant, doit déboucher sur une forme de gestion partagée du pouvoir. Ce qui aura le mérite de faire reporter la date des élections législatives. L’opposition entrera au gouvernement avec pour objectif de mieux préparer ces élections dans une forme de transition qui ne dit pas son nom.
Comme on le voit, les récriminations diligentées par Soumaïla Cissé, Choguel Maïga, Tièbilé Dramé, Me Mohamed Aly Bathily, Me Mountaga Tall et les autres auront le mérite de perturber l’agenda électoral mais aussi monter la pression pour aller à des échéances électorales mieux organisées. Mais, qu’adviendrait-il si le pouvoir ne se décide pas à lâcher du lest pour amener les opposants à en faire autant ? Le pays court le risque majeur d’une crise politico-sécuritaire aggravée pouvant déboucher sur un péril réel sur l’existence du Mali. Car, avec la menace des terroristes, ajouté au cocktail explosif des affrontements intercommunautaires, le Mali arriverait simplement à la croisée des chemins.
C’est donc en tenant compte de ce scénario envisageable que IBK pourra se départir tout légitimisme pour prioriser l’intérêt exclusif du Mali conformément à sa profession de foi «Dieu, le Mali, ma conscience ». Et, en se sublimant par son engagement « aucun sacrifice n’est de trop quand il s’agit du Mali », Koulouba devra ouvrir ses portes aux …agitateurs. Ceux-ci sont quasiment dos au mur, la honte déjà bue ! Au quitte ou double ? Du moins une impasse dont IBK doit les sortir pour l’intérêt de la patrie commune.