Le climat sociopolitique actuel est-il propice à la tenue, dans des conditions acceptables, des prochaines élections législatives, dont le 1er tour est fixé au 25 novembre 2018 ? Que nenni ! La preuve, la requête du Premier ministre adressée à la Cour constitutionnelle pour avis sur la question…
Le Mali a de nombreux problèmes de gouvernance, dont le front social plus que tendu, sans oublier la crise post-électorale, qui joue aux prolongations, avec des manifestations d’hostilité au président de la République réélu. A New York, à Paris la semaine surpassée, jusqu’à Bamako, à son arrivée de la Guinée, le mardi dernier, IBK essuie des huées, des cris de rejet… C’est la première fois, dans l’histoire du Mali moderne, que le président de la République fait l’objet de ces manifestations hostiles. Même si ces manifestants sont quelques groupes résiduels, leurs protestations sont des signaux révélateurs d’une certaine crise de confiance entre « le président de tous les Maliens » et une partie de son peuple. Il urge de solder ce différend avant d’engager le processus des élections législatives. Cela se fera quand IBK amorcera un dialogue sincère, inclusif et ouvert avec les opposants, en particulier ceux qui rejettent sa réélection.
En outre, le front social est incandescent. Les magistrats sont sur les nerfs, en grève illimitée depuis le 27 septembre 2018. Quasiment rien n’est entrepris pour mettre fin à cet arrêt du fonctionnement de l’institution judiciaire ! Or, sans justice, il n’y a pas d’Etat. Surtout pas un Etat voulant tenir une élection aussi importante que des législatives. Et dire que la grogne sociale s’intensifie avec plusieurs pans socioprofessionnels brandissant des préavis de grève, sans oublier la forte demande sociale des opérateurs économiques…
Au plan sécuritaire, l’axe Sévaré-Gao est quasiment infréquentable à partir de Gossi : mines anti personnelles et embuscades de groupes « jihado-terroristes » y sèment la mort régulièrement. Ce qui interdit la campagne électorale dans cette vaste zone. Sans compter que dans le Delta central du Niger, pour insécurité chronique, les élections législatives (élection de proximité) pourraient difficilement se tenir.
Du point de vue politique, de nombreux députés et cadres grincent les dents pour avoir été injustement poussés à la démission au sein de leurs partis. Ils fulminent, comme au RPM, à la CDS et ailleurs et aspirent à se faire élire. Ils seront inévitablement une source d’un abondant contentieux électoral et/ou des procès en injustice.
Malgré ce tableau peu reluisant, le gouvernement entend organiser les élections législatives le 25 novembre et le 16 décembre 2018. L’opposition, dans une déclaration en date du 26 septembre 2018, l’invite à surseoir à la tenue du scrutin. « Nous invitons par conséquent tous ceux qui ont en souci la consolidation de la démocratie au Mali, le confort de nos institutions, la paix et la stabilité du Mali d’amener les organisateurs des élections législatives à surseoir à leur tentative de passer en force, de leur demander de dire aux Maliennes et aux Maliens la vérité sur l’impossibilité de respecter les dates annoncées », précise la déclaration d’un collectif de 9 candidats à la présidentielle de 2018. Selon l’opposition, les candidats au scrutin législatif n’ont pu et ne peuvent déposer leurs dossiers dans le temps imparti en raison de la grève illimitée des magistrats en cours. «Nous estimons qu’aucune élection régulière, transparente et démocratique ne peut être organisée avant que ne soient corrigées les graves insuffisances et que soit mis à plat le système de fraude organisée à large échelle lors de la dernière élection présidentielle…Nous mettons en garde contre toutes les surenchères liées à l’impatience de futurs « députés nommés »… », indique l’opposition.
Avant cette sortie des opposants, lors d’une récente rencontre avec les partis politiques, le ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf, avait laissé entendre qu’il lui faut normalement neuf à dix mois pour faire des réformes institutionnelles et électorales importantes. Il n’avait même pas caché le souhait de la diaspora malienne d’avoir ses députés à l’Assemblée Nationale. Avant de laisser entrevoir une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale…
Bruno D SEGBEDJI
Mali-Horizon