Ce n’est un secret pour personne que des partis alliés de la transition travaillent à trouver un candidat susceptible de remplacer le président de la transition, colonel Assimi Goïta. Dans la perspective de la tenue de la présidentielle à venir, il y a des discussions fortes pour trouver le candidat idéal. Il s’agit de l’œuvre de partis politiques et d’organisations de la société civile, sans oublier de simples citoyens qui estiment que la voie choisie par la transition est salutaire pour le pays.
Au premier rang, on peut citer le M5-RFP, le regroupement qui a été à l’origine du soulèvement ayant conduit au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Le M5-RFP ne cache pas son agenda de trouver un candidat pouvant poursuivre l’œuvre d’Assimi Goïta. Le chronogramme électoral n’étant pas encore connu, le mouvement dirigé par le Premier ministre Choguel Maïga tente de resserrer ses rangs en attendant.
Les dissensions internes n’empêchent pas pourtant les responsables du regroupement à aborder les questions électorales. Bien avant son choix comme Premier ministre, Choguel avait évoqué la nécessité de faire bloc derrière une candidature à la présidentielle.
A l’époque, il avait jeté son dévolu sur feu Soumaïla Cissé, le fondateur et président de l’URD, le parti qui est arrivé deuxième à la présidentielle de 208. Avec le décès de ce dernier, l’unité du M5-RFP devra être construite autour d’un des responsables politiques des partis membres de la coalition. Mais la question que l’on se pose est de savoir comment départager les chefs de partis politiques membres du mouvement. Il faudra sûrement un vote pour désigner le candidat consensuel.
Il est clair que certains hommes politiques qui accompagnent la transition pèseront lourd dans la balance. On pense notamment à Modibo Sidibé du parti Fare Anka Wuli ; de Me Demba Traoré, membre de l’URD ; Cheick Oumar Sissoko du mouvement EMK ; Cheick Modibo Diarra du RpDM. Comment ne pas également citer Me Mountaga Tall, le président du Cnid Faso Yiriwa Ton? En attendant, la question constitue la pomme de discorde au sein de certains partis dont l’URD.
Ce parti est divisé entre un clan favorable à la transition et un autre favorable à des personnalités politiques opposées à la transition. Le contrôle du parti par le clan Gouagnon Coulibaly pourrait conduire à un schisme profond. Me Demba qui est proche du M5-RFP pourrait constituer une dissidence œuvrant sur l’agenda politique du M5 RFP.
Des trophées de guerre
Mais ceux qui veulent trouver un remplaçant à Assimi Goïta cherchent avant tout des trophées de guerre. C’est pour cela qu’ils font une campagne active dans la lutte contre la corruption. Ainsi, la veille de l’interpellation du Premier ministre devant le Conseil national de transition(CNT), le gouvernement voulait des résultats en ce qui concerne les poursuites sur le bradage des immeubles de l’Etat par des prédateurs.
Le début du mois d’avril aura ainsi été douloureux pour des opérateurs économiques impliqués dans les transactions et les intermédiaires. Beaucoup d’opérateurs ont été convoqués au Pôle économique pour justifier leurs rôles. Mais certains ont échappé, puisqu’ils ont pris la poudre d’escampette. Que ce soient des fonctionnaires intermédiaires ou des commerçants, nombreux sont des suspects à fuir les interrogations de la justice en quittant discrètement le pays avant de répondre à la convocation.
Pendant longtemps, rien n’avait changé dans la situation, même la moindre réaction des officiels. Alors que la population avait cessé d’espérer des poursuites contre les auteurs de la vente douteuse des bâtiments publics, le procureur en charge du Pôle économique et financier a ouvert en 2021 une enquête sur ce dossier entouré de zones d’ombre.
Aujourd’hui, ce procureur est devenu ministre de la Justice et il n’entend pas donner de répit aux auteurs de malversations autour des bâtiments publics. En 2021, dans un communiqué, le juge anticorruption a notamment cité la vente de l’immeuble abritant l’Institut national des arts (INA). Ce bâtiment au style néo-soudanais, datant de la période coloniale, en plein cœur du centre commercial de Bamako, est l’un des joyaux architecturaux.
La cession de ce bâtiment, faite en catimini, a été révélée au grand public lors de l’interpellation de Kadiatou Konaré, la ministre de la Culture et du Tourisme, par le Conseil national de transition (CNT).
La nouvelle avait provoqué un tollé au sein de la population. En effet, selon la ministre de la Culture et du Tourisme, au-delà du bâtiment de l’INA, plusieurs vieux bâtiments appartenant à l’ENA ont été cédés à des particuliers entre 2019 et 2020. Les conditions d’acquisition de ces immeubles restent floues, les transactions ayant été scellées dans l’anonymat.
Selon la justice, il faut clarifier les conditions de cession de ces immeubles de l’Etat. L’enquête ouverte par le procureur général près le tribunal de la commune III risque d’éclabousser de hauts responsables de l’Etat, mais aussi de très riches commerçants. Ces bâtiments publics ont été vendus à des milliardaires avec la complicité de cadres administratifs et politiques qui ont bénéficié de ces ventes. Le problème est que la plupart des immeubles ont été vendus à vil prix, plusieurs fois au-dessous de la valeur marchande des titres. Ce qui suscite le débat sur les vrais acquéreurs de ces bâtiments.
Madou COULOU