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Présidentielle en Guinée-Bissau : le scrutin de la dernière chance ?

DÉCRYPTAGE. Plus que jamais, la Guinée-Bissau a besoin de retrouver sa boussole démocratique. L’enjeu de la présidentielle de ce 24 novembre est donc de taille.

 

Ce dimanche 24 novembre, alors que les électeurs sont tiraillés entre l’espoir de tourner la page de la crise politique et la crainte de troubles électoraux qui pourraient éclater à tout moment – l’élection présidentielle en Guinée-Bissau pourrait sceller le sort d’un pays abonné aux coups d’État. Depuis l’indépendance en 1974, les choses sont allées de mal en pis dans cette ancienne colonie portugaise. Pas moins de quatre coups d’État et 16 tentatives de coups de force ont été mené. Le dernier putsch remonte à 2012. Dirigé par le chef d’état-major, le général Antonio Indjai, il a marqué la fin du processus électoral à deux semaines du second tour de la présidentielle. Une autorité de transition avait été mise en place avec l’accord des putschistes jusqu’à l’élection en mai 2014 de José Mario Vaz à la présidentielle. Cinq ans plus tard, presque rien n’a changé. La crise en cours au sommet du pouvoir depuis que le président Vaz a limogé fin octobre son Premier ministre Aristide Gomes a fait douter jusqu’au bout de la tenue de la présidentielle. Peu de violence, mais une paralysie quasiment complète imputée à une Constitution neutralisant les pouvoirs respectifs du président et du Premier ministre. Et pour beaucoup le pire est à craindre, après l’élection. La faute à qui ? Aux « acteurs politiques » répondent de nombreux Bissau-Guinéens interrogés par les journalistes de l’AFP. Il faut dire que depuis l’assassinat du grand héros national fondateur du principal parti au pouvoir (PAIGC), Amílcar Lopes Cabral, le 20 janvier 1973 à Conakry, sa base arrière, la Guinée-Bissau n’a pas été épargnée par sa classe politique. Alors que le grand combattant de la liberté rêvait de dirigeants consacrés à la cause des populations et au développement de son pays, 46 ans plus tard, le déficit démocratique est alarmant faisant de ce pays un facteur d’instabilité et une menace pour la sécurité régionale.

Où en est le pays ?

Le président sortant José Mario Vaz a limogé fin octobre son Premier ministre Aristides Gomes, chargé par la communauté internationale de diriger les affaires jusqu’à la présidentielle. La légalité est avec ce dernier, a insisté la communauté internationale. Sous la menace de sanctions, un nouveau Premier ministre, Faustino Imbali, a rapidement démissionné mais les manœuvres du président Vaz ont fait courir « des risques de guerre civile », selon la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

Pourquoi l’inquiétude ?

Depuis l’indépendance en 1974, l’ancienne colonie tropicale portugaise a connu 4 coups d’État et 16 tentatives. Après le dernier putsch en 2012, l’élection de José Mario Vaz en 2014 marquait le retour à l’ordre constitutionnel et devait briser le cycle des changements de gouvernement à un rythme quasiment annuel, mais il n’en a rien été.

Qu’est-ce qui est en jeu ?

Sécurité, développement, démocratie : l’Afrique de l’Ouest n’a pas besoin d’un nouveau foyer d’instabilité, alors qu’elle est déjà confrontée aux attaques djihadistes au Mali, au Burkina Faso et au Niger notamment.

Or la Guinée-Bissau est fragile. Les deux tiers de ses quelque 1,8 million d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté et les trafics de bois précieux et de drogue y prospèrent. Le pays est aussi un melting-pot humain, majoritairement musulman, avec une forte minorité chrétienne et une multitude d’ethnies et de langues locales.

Après la réussite d’élections générales en 2014 et législatives en mars 2019, la présidentielle doit marquer une nouvelle étape dans la consolidation de l’État de droit. Douze candidats sont en lice, dont le président sortant.

À qui la faute ?

Les élites accaparent historiquement les richesses et la corruption est endémique, dénoncent les experts. La cocaïne en provenance d’Amérique du Sud n’est pour elles que l’une des sources de revenus « sur un large spectre d’activités allant du légal au criminel », selon l’UNODC, l’agence spécialisée de l’ONU.

Dans ces conditions, les places pour le pouvoir « sont rares et la bataille est tendue », explique le chercheur Vincent Foucher. « Avant, elle se faisait en lien avec les luttes factionnelles au sein de l’armée. Depuis 2014, le jeu se déroule sans violence. »

La nature parlementaire du régime favorise les tensions en tendant à fédérer les mécontents autour du président contre le gouvernement, sur fonds d’accusations de corruption et de trafic de drogue.

Mais la Guinée-Bissau « a la chance d’avoir l’une des populations les plus pacifiques au monde », souligne l’universitaire Thierno Diallo.

Les favoris de la présidentielle

Un quatuor de favoris se dégage, tous membres du sérail politique.

Ce sont le président sortant José Mario Vaz, le candidat de la première formation parlementaire (PAIGC) Domingos Simoes Pereira, celui du Madem (des dissidents du PAIGC), Umaru Sissoco Embalo, et Nuno Nabiam, soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS).

Une victoire d’un candidat au premier tour paraît improbable et un second tour fin décembre risque d’être compliqué pour le PAIGC face à des opposants qui chercheront à s’allier contre lui.

Quel scénario après la présidentielle ?

Le président élu pourrait être tenté d’amener dans ses bagages « haine, rancœurs et règlements de comptes », a dit à l’AFP un analyste en estimant que « beaucoup d’hommes politiques vont devoir s’exiler » pour échapper à des poursuites judiciaires.

Cette situation ne serait pas favorable à un retour de la stabilité, comme ne le serait pas non plus une nouvelle cohabitation entre un gouvernement dominé par le PAIGC et un président qui ne serait pas issu de ses rangs.

L’armée peut-elle continuer à rester neutre ?

L’armée n’est pas intervenue au cours des cinq dernières années, alors que la valse des Premiers ministres aurait pu l’y inciter. Son chef, le général Biaguê Na Ntam, assure qu’elle ne pense « plus à fomenter des coups d’État », signe selon des analystes qu’elle compte rester dans ses casernes. Mais des hommes de rang, mécontents de leurs conditions, pourraient en décider autrement. En attendant, près de 700 000 électeurs sont appelés aux urnes jusqu’à 17 heures (GMT et locales). Les premières tendances sont attendues en début de semaine. La date du 29 décembre a été retenue pour un second tour hautement probable.

Par Le Point Afrique

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