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Pourparlers d’Alger : Déjà des désaccords sur le préaccord

Entre le gouvernement malien et l’Equipe des experts de la Médiation dans les pourparlers inclusifs inter maliens d’Alger, le désaccord semble déjà scellé ; du moins à l’analyse des débats houleux entre les deux parties sur le mémorandum soumis par la délégation gouvernementale à la Médiation lors du 2è round de la deuxième phase des pourparlers tenu à Alger du 19 au 23 octobre derniers. Ce mémorandum contient les observations et propositions du gouvernement par rapport au projet de préaccord intitulé « Eléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali » élaboré par la Médiation et remis aux belligérants le 20 octobre 2014. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’après la présentation synthétique du document par le Coordonnateur de l’Equipe des Experts de la Médiation à la cérémonie d’ouverture, la coordination des mouvements armés du nord du Mali, a souhaité faire examiner le document par sa base et a sollicité un délai de quelques semaines.

 negociation reconciliation paix delegation mnla touareg azawad bandis armeeQuant à la délégation gouvernementale, elle a préféré plancher sur le document sur place et élaboré le mémorandum susmentionné. Le débat sur ce document à Alger laisse entrevoir de profondes divergences de vue (sur le topo du futur accord) entre les deux parties qui se sont livrées à un véritable jeu de ping-pong. Le Mémo consacre la division, s’il ne révèle une certaine prise de position évidente de l’équipe de Médiation.

 

Rappel : Prévue pour s’ouvrir le 19 octobre, la 2è étape de la deuxième phase des pourparlers inclusifs inter maliens d’Alger n’avaient pu démarrer ce jour-là, parce que la coordination des Mouvements armés du nord du Mali, Mnla-Hcua-Maa, était absente. Finalement, la cérémonie d’ouverture s’est déroulée le 21 octobre. Après le traditionnel protocole des discours, le chef de file de la Médiation a souhaité la lecture d’un document de compromis préparé par la Médiation et intitulé « Eléments pour un Accord pour la Paix et la Réconciliation». Il s’agit d’une synthèse des propositions faites lors de la 1ère partie de la seconde phase (courant septembre 2014) au cours de l’audition des représentants des communautés et des organisations de la Société civile ainsi que des dépositions de la partie gouvernementale, de la Coordination et de la Plateforme. Le coordonnateur de l’Equipe des experts de la Médiation a procédé à la présentation synthétique du document. Une copie a été remise à chaque délégation pour commentaires. Survient aussitôt le tournant de l’événement. En effet, l’un des regroupements de mouvements, en l’occurrence la Coordination Mnla-Hcua-Maa, a souhaité faire examiner le document par sa base et a sollicité pour ce faire un délai de quelques semaines.

Selon nos sources, pour la Coordination, le document à elle soumis ne tient pas compte  de son projet de fédéralisme et ne prend pas en charge les aspirations légitimes du peuple de l’Azawad. La Médiation a accepté la doléance et a proposé que toutes les parties se retrouvent à Alger le 19 novembre prochain pour présenter leurs commentaires.

 

Les engagements d’IBK

Par contre, ce fut tout autre pour le gouvernement. Ayant reçu le document de synthèse le lundi 20 octobre 2014, la délégation gouvernementale a procédé à son examen de façon approfondie et a remis un Mémorandum à l’Equipe de Médiation le mercredi 22 octobre.

Au cours de cette séance de remise, le chef de la délégation gouvernementale, Abdoulaye Diop, s’est félicité « de la qualité du document soumis à son appréciation » et a réitéré la profonde gratitude du Gouvernement du Mali à l’ensemble de la Médiation.
Le ministre des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale a salué leur engagement aux côtés du peuple malien pour sortir de cette crise et renouvelé la ferme volonté du gouvernement d’aller à un accord de paix par le dialogue et la concertation. Il a estimé que le document est en parfaite cohérence avec la
Feuille de route et l’Accord de Ouagadougou. Il prend en charge l’essentiel des préoccupations fondamentales du Gouvernement malien et constitue une bonne base pour évoluer vers une paix globale et définitive et, plus largement, vers une sortie de la crise au Mali.

A la suite de ces propos liminaires, le ministre Diop a formulé quelques observations, parfois de fond, visant à renforcer la faisabilité du futur accord, à conforter la cohésion nationale et l’unité nationale et, enfin, à aider la médiation à réussir sa mission.

Le chef de la délégation gouvernementale « a réaffirmé la détermination du président Ibrahim Boubacar Kéïta à tout mettre en œuvre pour l’application rigoureuse de tous les engagements qui seront pris dans le cadre du futur accord ».

Aussi est-il souhaitable, dit-il, que dans un souci d’appropriation nationale, de crédibilité du processus et d’efficacité dans l’exécution des engagements pris, la Communauté internationale, en premier l’Equipe de médiation, convienne avec le Gouvernement du Mali des modalités de l’Accord. D’où, l’intérêt des échanges souhaités avec la Médiation sur le mémorandum du gouvernement.

C’est là où commence la « bataille d’Alger » entre la délégation gouvernementale et les Médiateurs. A la lueur des débats, la Médiation semble, diplomatiquement, rejeter les propositions de l’Etat malien. Suivons.

 

Les réserves de la Médiation

Prenant la parole en premier lieu, le Haut Représentant de l’Union africaine, chef de la Mission au Mali et au Sahel (Misahel), Pierre Buyoya, a marqué son appréciation à la démarche de la partie gouvernementale et à la qualité du Mémorandum présenté. Néanmoins, il fait remarquer que dans le cadre des négociations, « le Gouvernement doit accepter de faire des compromis substantiels ».

A son tour, le coordonnateur des experts de la Médiation, Noureddine Ayadi (Ambassadeur d’Algérie au Mali), déclare avoir apprécié la diligence de la réaction de la partie gouvernementale, notamment sur des questions de fond. Il indique que l’Equipe de Médiation a besoin de temps pour analyser les commentaires et propositions du gouvernement malien qui est, après tout, le premier responsable de l’application du futur accord. Il a souligné que « les négociations impliquent des contreparties et fait observer que les remarques de fond doivent être discutées entre les parties ». Il ajoute aussi et surtout que « les observations de fond sont des compromis que la Médiation demande au Gouvernement ». Et que « le Gouvernement doit tenir compte de la complexité de la crise qui a engendré une forte demande ».

L’Ambassadeur Noureddine Ayadi juge que « l’on ne peut pas se contenter du statu quo et a demandé de faire preuve de courage politique et d’imagination » étant donné que les compromis sont difficiles à trouver, car ils dérangent un certain confort. Il ajoutée que le document élaboré par la Médiation est un package qu’il faut prendre comme tel, mais les propositions du Gouvernement touchent son équilibre. Il demande alors à la partie gouvernementale « de revoir sa position ».

Le Représentant de la Minusma, Arnauld Akodjénou, a salué le sens des responsabilités dans la démarche de la délégation gouvernementale ainsi que la qualité des propositions. Il a estimé qu’il faut « examiner les observations des parties avant de saluer l’initiative du Gouvernement » d’avoir présenté les siennes dans un document écrit. Pour lui, « il faut éviter la fixation ».

Quant au Représentant de l’Union européenne, il a déclaré que « la question de la révision
constitutionnelle ne doit pas être un obstacle 
»
, autrement dit les points 4, 5, 6 et 7 du
Mémorandum ne semblent pas prendre en considération la problématique de la diversité.

 

 

A toi et à moi

Le lendemain 23 octobre 2014, la délégation gouvernementale est invitée par l’Equipe de Médiation à une séance d’échanges sur les étapes à venir. Le chef de délégation malienne a saisi l’occasion pour préciser la portée de certaines des propositions figurant dans le Mémorandum déposé la veille auprès de la Médiation, notamment la complexité liée à une éventuelle procédure de révision de la Constitution pour la mise en place d’une seconde Chambre (Sénat) et l’instauration de quota pour la représentation ou la représentativité des communautés des Régions du nord dans les institutions de la République.

Le ministre Diop a indiqué qu’ « une modification de la loi permet de régler certaines questions sans qu’il soit nécessaire de procéder à une révision constitutionnelle ». Le Gouvernement pourrait en user au moment opportun et résoudre certains problèmes en toute légalité. II a réitéré l’engagement du gouvernement pour la paix et marqué la disponibilité de toute la nation à faire avancer le processus d’Alger.

Réagissant à ces précisions, le Représentant de l’Union africaine indique que l’amélioration
de « la représentativité au niveau national est un acte important parce qu’il permet de faire
avancer le processus de paix
 ». De son point de vue, avec ou sans modification de la
Constitution, c’est le résultat qui compte. Un débat franc et direct entre les parties est
nécessaire sur la question. Pierre Buyoya estime que l’ambition est de parvenir à un accord avant la fin du mois de novembre 2014. Mais que la situation sécuritaire sur le terrain s’est dégradée, malgré la déclaration de cessation des hostilités signée à Alger le 24 juillet 2014.

Le coordonnateur de l’Equipe des experts de la Médiation a rappelé la responsabilité
première du Gouvernement pour la réussite du processus, d’où, selon lui, « l’attente d’un geste fort de sa part comme la révision de la Constitution qui n’est pas considérée comme une ligne rouge ». Aussi, poursuit-il, des actions de sensibilisation peuvent-elles être envisagées en direction de l’opinion nationale et la base des mouvements pour une meilleure compréhension du processus de paix en cours, une forte adhésion à l’accord à venir et une implication dans la mise en œuvre des termes de l’accord.

Le Représentant de l’Union européenne prend la parole. Il pense que dans un contexte de méfiance entre les parties, « le Gouvernement peut, sur le plan politique, marquer le coup par la mise en place d’une zone de développement économique pour plusieurs régions, de la Régionalisation et même des mesures exceptionnelles en faveur de la participation des populations du nord ». Il suggère alors l’adoption d’une «Charte sur la réconciliation qui aurait une portée de valeur constitutionnelle ». De son point de vue, il faut « un geste politique fort du côté du Gouvernement par la conclusion d’un accord qui changera radicalement la situation actuelle et créerait un nouvel équilibre malien ».

 

Le baroud d’honneur du gouvernement

Revenant à la rescousse, le chef de la délégation gouvernementale attire l’attention de l’Equipe de la Médiation sur le fait que la prudence doit être de mise dans la
campagne d’information des parties à cette étape du processus.

Le ministre de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du nord, Hamadoun Konaté, a réitéré la volonté du gouvernement de parvenir avec le
courage nécessaire à un règlement rapide du conflit, surtout au vu de la difficile situation
humanitaire aggravée par cette insécurité, particulièrement dans la Région de Kidal où l’on
note une absence des services sociaux de base. Il affirme que les accusations des groupes
armés varient selon les intérêts en jeu, mais aussi selon les positions que les parties doivent
observer en fonction des dates du 17 et du 23 mai 2014.

Le ministre Abdoulaye Diop reprend le flambeau et livre son dernier combat. Pour lui, en ce qui concerne le cadre institutionnel et la réorganisation territoriale, il est préférable de mettre en lieu et place de la « Zone de Développement des Régions du Nord du
Mali» plutôt un «Programme spécial» de développement des régions du nord du Mali.
Cette solution, explique-t-il, a l’avantage d’écarter la velléité qui consiste à mettre en exergue une « cassure entre le Sud et le Nord du Pays ». En effet, met-il en garde, telle que prévue dans le document, la mise en place de cette «zone» avec la possibilité de fusion des collectivités et celle d’adopter la «dénomination officielle de leur choix» sont des signes d’une volonté des mouvements sécessionnistes de préparer à travers ce mécanisme une remise en cause, dans le futur, du Statut territorial des territoires qui constitueront cette zone. Donc, à cette étape du processus, prévient Diop, il est nécessaire de signaler à l’attention de tous les acteurs que pour éviter des retards, et peut-être même un blocage dans l’application l’Accord, les engagements dont la mise en œuvre impliquent des changements dans la Constitution soient prudemment examinés au cas par cas.

En conclusion, le chef de la délégation gouvernementale pose une question capitale : au vu des effets de la crise multi dimensionnelle traversée par le Mali, quel sera le sort de l’Accord si au terme d’une éventuelle procédure de révision de la Constitution ou pour l’adoption d’une Charte pour la paix et la réconciliation nationale, suggérée par le Représentant de l’Union européenne, le peuple souverain du Mali rejette l’option proposée?

C’est sur ces contradictions que les deux parties se sont quittées dos à dos, laissant présager une troisième phase en chaudière, surtout avec le retour, dans les débats, de la coordination Mnla-Hcua-Maa. Déjà, la Médiation, tractée par l’Algérie, semble avoir donné sa position.

Sékou Tamboura

SOURCE: L’Aube  du   7 nov 2014.
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