Décidément les leaders politiques sénégalais ne chôment pas en termes de débats et de polémiques. A peine installé il y a un peu plus de trois mois, le désormais omnipotent PM Sonko ne cesse de faire parler de lui. Après la plainte de deux leaders de partis politiques qui ont demandé au Conseil Constitutionnel de constater la vacance du pouvoir après l’accaparement de Sonko des prérogatives exclusivement réservées au Président de la République, une autre question divise la classe politique, celle relative à la présentation de la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement, DPG, devant l’Assemblée Nationale.
Si pour ses opposants la Constitution donne un délai de 90 jours au Premier Ministre, après son installation pour aller présenter sa DPG, et que Ousmane Sonko a dépassé ce délai, pour les partisans de Sonko il n y a point de violation de la Constitution car le règlement intérieur de l’Assemblée n’a pas été modifié pour prendre en compte cet aspect étant entendu que le poste de premier ministre avait été supprimé par Macky Sall avant d’être rétabli, mais avec des insuffisances . Deux grilles de lecture différentes. De quoi Sonko a-t-il réellement peur
Si tous ces débats participent de l’animation de la vie publique voire politique du Sénégal, il n’en demeure pas moins qu’ils suscitent souvent des polémiques inutiles qui font oublier les priorités du sénégalais lambda qui fait face à la dictature du quotidien. En effet, dans la tradition républicaine des pays où la démocratie est mode de gouvernance, le premier ministre une fois installé à ses fonctions a juste 90 jours pour passer devant la représentation nationale pour présenter sa Déclaration de Politique Générale, DPG qui, il faut le rappeler, renferme les grands axes du gouvernement. Si le contexte est diffèrent, car il y a eu non seulement changement de régime au Sénégal, mais aussi suppression et rétablissement du poste de premier ministre sous le régime défunt, la Constitution elle, reste la même, donc elle est au-dessus de toutes les autres considérations. De quoi le PM Ousmane Sonko a-t-il peur pour passer devant les députés même s’ils sont majoritairement de la coalition Benno Bokk Yakaar, de l’ancien président Macky Sall ?
Pour les députés Yewwi Askan Wi, ceux de Sonko, minoritaire aujourd’hui, plusieurs dispositions parlementaires doivent être modifiées avant que le premier ministre ne puisse faire sa déclaration de politique générale. Face à la presse le 26 juin 2024 les députés Yewwi Askan Wi ont indiqué que techniquement le PM Ousmane Sonko ne pouvait faire sa DPG parce que le règlement intérieur de l’Assemblée n’en fait pas mention. Les députés de la Coalition Yewwi indiquent que les dispositions des articles 97, 98 et 99 et des chapitres 22, 23 et 24 doivent au préalable être rétablies après la suppression du poste de premier ministre par Macky Sall une mesure sur laquelle il reviendra après sa réélection ; précisément en 2021
De quoi Sonko a-t-il réellement peur ?
Les opposants au régime Faye-Sonko pensent que le PM est dans une fuite en avant, en le soupçonnant de ne pas vouloir faire face à la quatorzième législature qui siège présentement à l’assemblée nationale et dont sa coalition est minoritaire. Il voudrait certainement éviter une motion de censure qui aurait occasionné la démission de son gouvernement. Va-t-on sacrifier la Constitution sur l’autel de ses ambitions personnelles ? En refusant de se soumettre à cette tradition républicaine hautement démocratique le régime Faye ne donne pas l’impression de faire mieux que son prédécesseur dans la défense et le respect des lois de la République. Surtout que cette même Constitution permet au Président de la République de dissoudre la Constitution au mois de septembre après deux ans d’exercice et organiser au plus tard dans les trois mois qui suivent, de nouvelles élections législatives. Sonko serait-il entre la morale et le droit ?
Youssouf Sissoko
L’Alternance