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Oumar Mariko, Président du parti SADI : « J’appelle les forces du changement à me rejoindre »

Oumar Mariko, Président du parti SADI et un des principaux leaders de l’opposition malienne, nous a accordé une interview où il appelle les « forces patriotiques » à le rejoindre en vue de réaliser le changement.

Procès-Verbal : Quelles est votre opinion sur la crise malienne, notamment l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, l’accord politique de gouvernance et le dialogue national inclusif ?

Oumar Mariko : La situation au Mali s’aggrave avec la banalisation de la mort et la répression tous azimuts du peuple sur toute l’étendue du territoire par les forces de sécurité. Tous les instincts sauvages enfouis en l’homme malien remontent à la surface et se manifestent dans toutes les régions du Mali avec une férocité inégalée.

Le peuple malien n’a pas courbé l’échine devant ces rudes épreuves, quoique momentanément vaincu. Malgré tant d’atrocités, de répression et de mépris de l’Etat à son égard, le peuple malien a répondu massivement à l’appel des chefs religieux le 10 février 2019 et le 5 avril 2019.

Le président Ibrahim Boubacar KEÏTA a lâché du lest en faisant démissionner le Premier Ministre Soumeylou Boubeye Maiga; les leaders religieux et certains regroupements de partis et d’associations ont alors mordu à l’hameçon du dialogue national dit inclusif. Ces leaders ont replongé le peuple malien dans la confusion.

Par ailleurs, l’accord politique de gouvernance signé par certains opposants et le gouvernement tente de brouiller les pistes et de plonger le peuple dans davantage de confusion et de fatalisme. Cet accord politique tente de sauver un régime aux abois, responsable de la crise que le pays connaît. Ensuite, il place le dialogue politique sous l’autorité du Président Ibrahim Boubacar KEÏTA qui devient le garant des résolutions; il prescrit un remaniement ministériel pour faire participer des partis et mouvements associatifs à un gouvernement dit de mission; il sabote la grève des travailleurs de la fonction publique par la conjugaison des efforts du pouvoir, des nouveaux ministres et leurs appareils politiques qui proposeront aux travailleurs un moratoire.

En fait, l’accord politique obéit aux injonctions des autorités françaises qui sont décidées à changer la Constitution du 25 février 1992, conformément à leur vue et en s’appuyant sur ceux-là même qui, à travers des regroupements d’associations et de partis politiques, s’étaient opposés à la révision constitutionnelle de 2011 à nos jours. Or cette révision constitutionnelle ouvre la voie à la partition effective du Mali.

Le parti SADI s’est opposé à la signature de l’accord politique et a tenu, à cet égard, une conférence de presse le 22 mai 2019. Le Parti SADI a, lors de la conférence de presse, indiqué ceci : en attendant le début d’un vrai processus inclusif, SADI ne sera complice d’aucun semblant de dialogue, sans aucune véritable implication dans tout le processus de préparation, le choix du médiateur (un coordinateur du dialogue qu’il veut irréprochable et impartial) et la mise en œuvre des résolutions. SADI n’a participé ni à l’élaboration de la thématique, ni à l’organisation du dialogue. Il est clair pour le parti SADI que les soulèvements des masses populaires, les revendications syndicales, les exactions des milices contre les populations des régions de Mopti et de Ségou, les exactions des forces de sécurité nationales et de l’armée sur les populations civiles, les conflits intra-ethniques sous le label de l’esclavage et autres pratiques coutumières qui altèrent la cohésion sociale et les fondements de la nation, sont de la responsabilité exclusive du régime d’Ibrahim Boubacar KEÏTA. L’accord politique et le dialogue national inclusif ne changeront rien à cette situation de malaise généralisé sur fond de pauvreté extrême.

Procès-Verbal : Que préconisez-vous pour que le pays puisse sortir de cette longue crise ?

Oumar Mariko: En lieu et place d’un partage de responsabilités autour d’un programme politique minimal de résolution des crises actuelles du pays, les signataires de l’Accord politique de gouvernance ont préféré l’accompagnement d’Ibrahim Boubacar KEÏTA dans son programme de destruction nationale. Or, les Maliens ont fort besoin du retour de la paix et de la sécurité à travers un dialogue basé sur la confiance entre citoyens impliqués dans les mouvements de rébellion, les milices et les forces politiques engagées dans le combat pacifique démocratique et populaire. Il faut, par l’entente retrouvée entre Maliens, établir un nouveau type d’Etat indépendant, souverain, qui se préoccupe des vrais problèmes des populations. Établir un système de défense qui règle les questions du type d’armée et de forces de sécurité dont le Mali a vraiment besoin pour la protection des citoyens et la défense de l’intégrité territoriale. Il faut aussi établir un système de protection des droits fonciers publics et privés, trancher définitivement le problème du fichier électoral, permettre l’accès de tous les citoyens aux documents administratifs, arrêter la distribution de l’argent lors des élections, exiger l’impartialité de l’administration dans les processus électoraux. Il faut un audit économique et financier du pays, en portant une attention particulière sur les fonds alloués au Mali par les ressources internes et externes pour la paix, depuis le Pacte national jusqu’aux aides actuelles. Il faut mettre fin aux ingérences extérieures dans les affaires maliennes et à la présence des forces armées étrangères sur notre sol.

Des appels aux rassemblements des forces politiques ont fusé et fusent continuellement. SADI a répondu présent à plusieurs de ces appels et s’est impliqué dans la construction de plusieurs rassemblements, parfois au détriment de ses intérêts partisans. Mais force est de constater que ces rassemblements ont été et sont à présent des lieux d’intrigues, de grandes magouilles, de remise en question des principes et des engagements pris. Les convictions patriotiques sont de plus en plus rares dans ces milieux. Ainsi, il convient pour le parti SADI de recadrer son orientation politique, idéologique, socioculturelle. Il nous faut continuer à aller vers les forces sociales victimes du système, participer à l’élévation de la conscience politique et nous débarrasser de tous les opportunismes. Pour le parti SADI, tous les regroupements associatifs qui travaillent à l’élévation du niveau de conscience politique des masses, les syndicats qui revendiquent leur dû au pouvoir, les mouvements en lutte pour l’amélioration du cadre de vie des citoyens ou qui revendiquent le retour des services publics, les mouvements qui revendiquent l’indépendance et la souveraineté du Mali doivent se rendre compte d’une évidence : l’incapacité congénitale du régime d’Ibrahim Boubacar KEÏTA, qui est l’incarnation du système politique de trahison des idéaux de mars 1991, à répondre aux attentes du peuple malien. Les forces patriotiques doivent tirer la conclusion que le régime d’Ibrahim Boubacar KEÏTA est l’obstacle à la paix, à l’épanouissement de notre pays et de notre peuple. Il n’est pas fécond de vouloir construire une Union Sacrée autour d’un tel régime pour soi-disant sauver la nation. Les forces patriotiques doivent reconnaître, aujourd’hui, que le Parti SADI a en tous temps été constant dans la défense des intérêts nationaux, en général, et de ceux des travailleurs, en particulier; il a toujours défendu la souveraineté et l’indépendance de notre patrie. Il convient, dès lors, de s’allier au Parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance pour opérer le changement à travers un vaste mouvement populaire destiné à instaurer une véritable démocratie au service du Peuple Pour la Paix, le Pain et la Liberté.

Propos recueillis par Alassane CISSE

Source: Le Procès Verbal

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