La communication est un couteau à double tranchant, a-t-on coutume de dire. Parler, c’est bien, mais trop parler est risquant. C’est pourquoi, il faut bien se rassurer de la faisabilité d’un acte avant de l’annoncer en pompe. Le tonitruant et grand parolier Moussa Alassane Diallo, Ministre de l’Industrie et du Commerce, en a appris à ses dépens. Il a avoué son premier échec et pas des moindres en sa qualité de Ministre. De quoi s’agit-il ?
Dès sa nomination au poste de Ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo a multiplié les rencontres avec les acteurs du secteur dans le but de trouver des solutions au ravitaillement correct du pays en denrées de première nécessité afin de maîtriser la flambée des prix. C’est dans ce cadre qu’il avait eu une séance de travail avec le groupement des opérateurs économiques importateurs de sucre.
A l’issue de cette rencontre, l’ancien Président-Directeur Général (PDG) de la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) avait annoncé, en pompe et tambour battant que les opérateurs économiques importateurs de sucre vont approvisionner le pays en 100 000 tonnes avant le 31 décembre 2023. C’était en juillet 2023.
Plus de trois mois, le constat est amer car la montagne a accouché d’une souris. C’est le banquier à la retraite qui a lui-même annoncé son échec. C’était le mercredi, 08 novembre au cours d’une rencontre avec les opérateurs économiques. Comme quoi la gestion d’une banque est différente de celle d’un département ministériel, et sortir d’une retraite bien dorée pour se retrouver au centre d’intenses activités n’est pas facile.
Que s’est-il passé ?
Moussa Alassane Diallo, très remonté, s’est livré, au cours de cette rencontre, à une large explication des causes de l’échec de l’opération spéciale d’importation de sucre qu’il a initiée. D’après lui, l’inflation du prix du sucre est due aux actions illégales entreprises par certains importateurs qui se livrent à la rétention du sucre dans les ports des pays voisins ou dans les magasins à l’intérieur du pays pour entretenir la crise du sucre.
Sur les 100 000 tonnes prévues par le gouvernement malien en juillet 2023, les importateurs n’ont pu approvisionner le marché qu’avec seulement 40 000 tonnes. « Il y a certains qui ont déclaré à la douane 10 000 tonnes de sucre, mais ont préféré livrer un camion de 45 tonnes. Au même moment, d’autres importateurs de sucre au lieu de livrer le sucre importé aux commerçants détaillants ont préféré le commercialiser aux unités industrielles à un prix non encadré », a indiqué le ministre Moussa Alassane Diallo sur un ton de déception.
A la suite de ces propos, le ministre Diallo s’est demandé si les opérateurs économiques maliens sont capables d’alimenter le marché en denrées de première nécessité. Il a rappelé les conditions dans lesquelles l’opération a été conçue : « Sur les 58 signataires du cahier de charge, il y a seulement 28 signataires qui ont enlevé la licence d’importation et 15 opérateurs ont respecté leur engagement en approvisionnant le marché en sucre ».
A ces opérateurs qui n’ont pas respecté leur engagement s’ajoutent ceux qui ne respectent pas le prix fixé par le gouvernement pour vendre le sucre. L’ancien banquier a déploré ces pratiques contraire aux clauses inscrites dans le cahier de charges, qu’il a qualifiées de ‘’crise artificielle, fabriquée de toutes pièces ‘’ par les importateurs du sucre. Comme si cela ne suffisait, pour signifier sa colère, le Ministre Diallo a même menacé de citer les noms d’opérateurs économiques qui n’ont pas respecté le cahier de charge malgré les exonérations et la baisse des taxes que l’Etat a consenties pour faciliter un approvisionnement du marché en sucre. « Si nous ne trouvons pas la solution avec vous, nous le ferons avec d’autres », a martelé Moussa Alassane Diallo. Et d’ajouter que « le gouvernement de la transition ne se pliera à la volonté de personne. Le gouvernement s’assumera ».
Il faut noter que le pot aux roses a été découvert, selon l’ancien Président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali, grâce à une enquête de la Direction générale du Commerce et de la Concurrence. En effet, sur les 3 800 contrôles menés par les agents, 789 procès -verbaux livrés ont décelé un non-respect du prix.
Quelles solutions ?
Face à cet échec patent, Moussa Alassane Diallo a annoncé l’ouverture d’une nouvelle campagne d’approvisionnement du marché en sucre. Le gouvernement est à la quête de 50 000 tonnes exonérées à 25 % pour faire face à la pénurie de sucre, d’ici au 31 décembre 2023.
Tirant les leçons de ce premier échec, il a priorisé l’accès de ce nouveau marché aux 15 opérateurs économiques qui ont bien exécuté l’opération débutée en juillet 2023. « Tous ceux qui n’ont pas participé à la campagne de 100 000 tonnes seront exclus de la campagne de jumelage de N-Sukala et Sukala », a déclaré le ministre du Commerce. Il a, par ailleurs, mis en garde contre une nouvelle rétention du sucre dans les magasins et dans les ports des pays voisins.
Pour cette campagne à venir, il a indiqué que le prix du sac de 50 kg est fixé à 30 500FCFA, pour le grossiste, 31 000FCFA pour le demi-grossiste, 650 F CFA le prix du kilogramme pour le détaillant. Espérons que cette fois-ci, la nouvelle campagne sera une réussite et que les prix seront respectés à la lettre.
Arouna Traoré
Nouveau Réveil