Il y a un imbroglio autour de la question. Les services compétents sont interpellés à délimiter clairement le domaine universitaire
L’opinion nationale s’indigne de voir l’espace universitaire occupé par des particuliers et d’autres structures administratives. La situation interpelle les autorités compétentes à tirer cette situation au clair, mais surtout à agir pour circonscrire cette agression de l’espace universitaire qui ne doit être consacré qu’à sa seule vocation.
C’est dans cet esprit que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, avait instruit, le 17 septembre dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de prendre les dispositions utiles pour mettre fin à cette situation.
Pour constater la situation, il suffit de faire un tour dans le domaine universitaire sur la colline de Badalabougou. Des maisons ont été construites sur le site et sont habitées par des familles. D’autres services aussi sont implantés dans le domaine universitaire. Non loin du site qui abritera la Bibliothèque universitaire centrale (Buc), il y a aussi un garage de mécaniciens d’automobiles.
Mohamed Doumbia, mécanicien, explique qu’il occupe temporairement les lieux en attendant de trouver un espace où s’implanter définitivement. Il raconte que des chefs de garage avaient été convoqués au commissariat de police de la circonscription par la mairie de la Commune V, au motif qu’ils refuseraient de déguerpir des lieux.
Un autre explique que c’est la mairie qui leur avait préalablement donné l’autorisation d’occuper les lieux avant de faire machine arrière. C’est bien après qu’ils ont eu, selon lui, l’autorisation d’un responsable d’une Faculté pour s’installer. Ce mécanicien pointe un doigt accusateur sur les responsables municipaux, estimant que la mairie ne joue pas franc jeu.
Pour le haut fonctionnaire de défense au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le colonel Nouhoun N’Diaye, le domaine universitaire de Badalabougou s’étend du bas de la colline jusqu’au ravin du côté de Daoudabougou.
Il précise qu’en 2002, cet espace avait une superficie estimée à 46ha 13a et 73ca sur la base du décret d’affectation n° 02-406/P-RM du 20 août 2002. Mais deux ans après, on s’est retrouvé avec des titres fonciers sur les parties occupées par l’Institut des sciences politiques, relations internationales et communications (Ispric) et l’Université internationale d’excellence (UIE).
Une menace d’inondation- D’autres structures sont implantées sur l’espace universitaire comme l’ex-Centre régional d’énergie solaire (CRES), la Société malienne de gestion de l’eau potable au Mali (Somagep) et la Radio Liberté (pour une partie). Ces structures occupent-elles illicitement les lieux ? Disposent-elles de titres ?
Selon Nouhoun N’Diaye, toute autre construction dans cet espace est de nature à contrarier le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et à dégrader l’environnement du domaine universitaire. Il explique que des dossiers sont pendants devant les juridictions compétentes pour régler des litiges dans ce sens.
Il relève aussi que les grands projets du département en charge de l’Enseignement supérieur sont menacés pour cause d’épuisement progressif de ses réserves foncières. Que dire de la menace d’inondation qui pèse sur le domaine universitaire avec des constructions illicites qui obstruent le passage des eaux de pluie !
Almamy Samory Touré, promoteur de la Radio Liberté, explique sans ambages que sa station occupe licitement l’espace. En appui à ses propos, il a montré une copie du titre foncier de sa parcelle et deux correspondances de la direction nationale des domaines et du cadastre et de la direction régionale de l’urbanisme et de l’habitat du District de Bamako. Ces documents, qui remontent à 2002, attestent que sa radio est en dehors de l’espace universitaire.
Le maire de la Commune V du District de Bamako, Amadou Ouattara, affirme n’être nullement impliqué dans l’occupation illicite de l’espace universitaire. Il s’inscrit en faux contre les accusations portées à son encontre par les responsables de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) et d’autres personnes. L’édile crie à une cabale politique contre lui. «J’ai demandé à l’AEEM d’apporter la moindre preuve d’une quelconque notification émanant de la mairie».
Des flancs de la colline ont été taillés pour en faire des parcelles. Ce constat est réel. L’élu municipal ne s’y attarde pas trop. Il explique que les occupants de ces espaces disposent de titres fonciers dont la délivrance n’est pas du ressort de la mairie.
Des ordres de démolition- Le directeur régional de l’urbanisme et de l’habitat du District de Bamako, Sékou Mounkoro, explique que l’Ispric et l’UIE ont acquis leurs parcelles auprès de l’état par des procédures légales. Il justifie l’installation de la Somagep par des besoins d’intérêt public. Mounkoro reconnait que des occupants sont installés de leur propre chef.
Il indique aussi que des enquêtes ont été menées pour identifier les constructions illicites sur le domaine universitaire. «Tous ceux qui occupent illicitement le domaine ont reçu des convocations et des procès-verbaux (PV) ont été transmis aux tribunaux pour des décisions de démolition», confirme-t-il. Des ordres de démolition ont été remis au gouverneur de Bamako pour prendre des dispositions. Pour la sécurisation du domaine universitaire, il propose la clôture du site.
Du côté, du gouvernorat du district, toutes nos tentatives pour obtenir une réaction du gouverneur ont été vaines.
L’occupation illicite des parcelles est un phénomène très répandu dans notre pays. Selon la chambre civile de la Cour d’appel de Bamako, 80% des dossiers enregistrés à leur niveau portent sur des litiges fonciers.
Mohamed D. DIAWARA
Source: Essor