Le dimanche 10 juillet 2022, 49 militaires ivoiriens, sans aucun ordre de mission et sans information préalable, ont été arrêtés à l’aéroport international Président Modibo Keita-Sénou par nos autorités qui les qualifient de mercenaires. La Côte d’Ivoire réagit sur le vif, l’Allemagne s’en mêle, l’ONU cafouille, la CEDEAO se terre… L’Affaire dégénère et vire en incident diplomatique grave entre la République de Côte d’Ivoire, la République du Mali, les autorités onusiennes et les autorités allemandes. Pomme de discorde : la qualification des 49 soldats ivoiriens comme éléments nationaux de soutien, NSE.
Que dit la Convention signé le 30 décembre 2015 entre le Département des Opérations de Maintien de la Paix (Department of Peacekeeping Operations, DPKO), et le Département de Support de Terrain (Department of Field support, DFS) de l’ONU ?
Le 30 décembre 2015, le Département des Opérations de Maintien de la Paix (Department of Peacekeeping Operations, DPKO), et le Département de Support de Terrain (Department of Field support, DFS) de l’ONU ont publié un document juridique permettant d’encadrer le déploiement des éléments de soutien nationaux (National Support Element – NSE).
Le paragraphe 4 du chapitre D1 prévoit qu’au moment du Planning du DKPO et du DFS, l’État contributeur aux missions de maintien de la paix, doit faire une demande préalable auprès du Secrétaire Générale de l’ONU et attendre une permission pour pouvoir déployer des NSE dans le territoire de l’État hôte de la mission onusienne.
Le paragraphe 5 du même chapitre prévoit que les NSE doivent se limiter à un soutien administratif et logistique aux missions onusiennes et ne peuvent participer à des opérations militaires mandatées par le Conseil de Sécurité (donc aux opérations militaires et policières des contingents nationaux de la Minusma).
Le paragraphe 8(b) du chapitre D2, prévoit que le contingent NSE ne doit pas dépasser 50 personnels, à moins que cet excédent ne soit argumenté par l’Etat membre et préalablement approuvé par le Sous-secrétaire Général des Nations Unies (Under-secretaries General – USG), par le DPKO et le DFS. Ce paragraphe expliquerait le nombre de militaires ivoiriens arrêtés (49).
Le paragraphe 9 (a à j) du chapitre D3 définit les missions du NSE. Celles-ci se limitent à :
a. L’installation, l’opération et le maintien de liens de communications entre l’Etat contributeur, le contingent et le NSE.
b. Le management logistique pour le déploiement, la répartition territoriale des troupes, les rotations, les départs, et d’autres obligations liées aux déplacements.
c. Surveille l’équipement du contingent (Contingent Owned Equipment – COE) et est autonome au regard de l’inventaire, des remboursements et du remplacement des COE, ainsi que des rapports en lien avec les COE.
d. Apporte des services postaux.
e. Apporte des services de paiement, y compris l’échange de devise
f. Gère les visites nationales approuvées préalablement par les autorités de la mission et par le quartier général des Nations Unies dans le lieu de mission.
g. Coordonne le support logistique national, comprenant des niveaux de maintenance et de management des stocks de réserves de COE avancés.
h. Apporte un soutien administratif national complémentaire, dont les actions disciplinaires.
i. Apporte un soutien pour assurer le bien-être des troupes nationales
j. Effectue d’autres tâches tombant sous la définition des NSE et comme convenue par le quartier Générale de l’ONU.
Ainsi, en aucun cas, les NSE ne sont supposés participer aux opérations militaires, ils n’apportent qu’un soutien logistique, administratif, communicationnelle, d’inventaire, et participent au bien-être des contingents militaire et policier nationaux de l’Etat contributeur affectés à la Minusma.
Par exemple, le NSE allemand n’est mandaté que pour un soutien comme défini par le paragraphe 9 (a à j), au personnel allemand de la Minusma (policier et militaire), et n’est pas compétent pour apporter un soutien à un contingent d’un autre État contributeur ou à une autre entité.
Le paragraphe 10 du chapitre D4, considère les NSE comme des parties intégrantes des contingents militaires ou policiers de l’État contributeur. À ce titre, les membres du NSE bénéficient du même statut juridique que les contingents militaires ou policier qu’ils viennent assister.
Ils bénéficient donc des mêmes privilèges comme définis par l’accord bilatéral sur le statut des forces armées et par le Memorandum of Understanding (MOU), qui est un accord signé entre les deux parties avant le déploiement des forces armées et des NSE.
Le paragraphe 11 du même chapitre donne la jurisprudence (le droit de juger) à l’État contributeur dans le cas où des crimes sur le territoire de l’État hôte seraient commis par les militaires du NSE. Le paragraphe 21 du chapitre D4 autorise le port d’armes du personnel du NSE, mais uniquement à des fins d’auto-défense.
Ainsi, aux termes de la Convention du « DPKO/DFS National Support Element », il est clair que les autorités ivoiriennes n’aient pas fait de demande de déploiement auprès du Secrétaire Générale de l’ONU avant chaque rotation, et n’aient pas reçu de confirmation écrite de sa part conformément au paragraphe 4 du chapitre D1. À cet égard, ce manquement empêche les 49 militaires Ivoiriens d’être qualifiés de NSE. C’est sous cette lumière que se comprend la déclaration de Farhan Haq, porte-parole de l’ONU du 14 juillet 2022 selon laquelle non seulement ils ne font pas partie des éléments nationaux destinés au soutien des contingents de la Minusma, mais l’ONU n’aurait jamais accepté au sein de la Minusma le type d’armes qui les accompagnaient. Selon lui, « les 49 militaires ivoiriens arrêtés dimanche à Bamako, ne sont pas des éléments nationaux de soutien aux contingents de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA)…Les troupes ivoiriennes n’appartiennent pas aux forces de la Minusma… Une requête de la Côte d’ivoire, pour déployer des éléments nationaux de soutien, a été approuvée en 2019. Cependant, aucune troupe n’a été déployée sous cette convention depuis ce moment-là ».
Affaire close ? Pas si sûr.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin