Des heurts ont éclaté entre forces de l’ordre et étudiants dans la capitale congolaise Kinshasa et dans la ville de Goma tandis que des manifestants protestaient, pour la troisième journée consécutive, contre un projet de réforme électorale.
C’est une nouvelle journée de violences en République démocratique du Congo (RD Congo). Mercredi, la police a dispersé à coups de gaz lacrymogène une centaine d’étudiants qui manifestaient devant l’université de Goma, la grande ville de l’est de la RD Congo, et qui avaient dressé une barricade sur la route menant à l’établissement scolaire
À Kinshasa, mêmes tensions. Dans la matinée, devant l’université, des heurts ont opposé la police à quelques dizaines d’étudiants hostiles au président Kabila, accusé de vouloir se maintenir au pouvoir à la faveur d’une nouvelle loi électorale.
“Ce matin encore nous sommes en pleine opération parce qu’il y a un mouvement près de l’Unikin (université de Kinshasa), a déclaré le porte-parole de la police Israël Mutumbo. Nous sommes en train de sillonner la ville car il y a des petits groupes qui se forment.”
Une journaliste de l’AFP a entendu deux coups de feu dans le campus universitaire, alors qu’un petit groupe de policiers faisaient face à des étudiants qui scandaient “Kabila dégage”. Dans le quartier de Ndjili, un poste mobile de police a été détruit par un groupe de jeunes ouvertement hostiles au chef de la police de Kinshasa, le général Celestin Kanyama.
Les protestataires dénoncent l’examen d’une nouvelle loi électorale qui pourrait entraîner un report de l’élection présidentielle prévue en 2016. En clair, le gouvernement prévoit une réforme en vue de recenser la population avant la présidentielle. Mais pour l’opposition, il faudra des années pour mener à bien cette opération, ce qui signifie donc un report du scrutin et le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila au-delà de son mandat. Une atteinte à la Constitution : pour rappel, en RD Congo la loi fondamentale verrouille le nombre de mandats présidentiels à deux. Ce projet de révision du code électoral a été adopté au cours du week-end par la chambre basse du Parlement et doit être débattu au Sénat.
Les télécommunications toujours coupées
Ces nouveaux troubles interviennent après deux journées de violences meurtrières. Au moins 42 personnes ont été tuées depuis lundi dans le pays, a affirmé mercredi la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Le gouvernement de Kinshasa, pour sa part, fait état d’un bilan de 15 morts, pour la plupart des pillards abattus par des vigiles privés.
Plusieurs partis de l’opposition avaient appelé la population à se rassembler lundi 19 janvier, afin de s’opposer au texte législatif. Des violences ont aussitôt éclaté à Kinshasa et à Goma, dans le nord du pays. Lundi, deux agents de la Monusco – mission de l’ONU déployée en RD Congo – ont été blessés à Goma, et des responsables de partis d’opposition arrêtés, selon Gaïus Kowene, journaliste local et Observateur de France 24. Mardi, des émeutiers ont incendié des pneus et une mairie à Kinshasa, et de nombreux pillages ont eu lieu.
Face à l’ampleur de la contestation, la fébrilité du pouvoir est palpable. Lestélécommunications ne fonctionnent pas depuis plusieurs jours dans le pays. Internet était toujours coupé mercredi, les services 3G et les SMS indisponibles, et les signaux deRFI, Canal Kin ou de la Radio Télévision catholique toujours hors système. La plupart des écoles de Kinshasa étaient fermées, selon des journalistes de l’AFP et des habitants.
L’opposition appelle à rester mobilisé
Le cardinal Monsengwo, l’archevêque de Kinshasa – très populaire dans le pays –, a demandé au ministre congolais de la Communication de rétablir les signaux et au gouvernement de “ne pas tuer” ses concitoyens. Dans un communiqué, le chef de l’Église catholique congolaise a dénoncé “un état de siège incompréhensible” et condamné le recours à la force de la police. “La démocratie dit pluralisme d’opinions et de pensées”, a-t-il rappelé en encourageant le peuple “à rester vigilant”.L’opposant historique de Kabila, Étienne Tshisekedi, a lui aussi lancé mardi, depuis Bruxelles, un appel à la mobilisation pour “contraindre ce régime finissant à quitter le pouvoir”.
Source: AFP et Reuters