Matin du 5 mai 2018 un détachement de l’Armée malienne remet le pied à Kidal. Si l’entrée est discrète, elle n’est pas moins réussie : l’accueil est courtois et complaisant, comme si la population de la capitale de l’Adrar avait voulu souhaiter, dans le calme et la sérénité, la bienvenue à une armée malienne qui entame sa reconstruction. On a connu les femmes de Kidal vigoureuses, engagées, parfois vindicatives. Pour accueillir le retour de l’Armée après 4 années d’absence, leur présence était discrète mais bienveillante, avec la pudeur et l’élégance qui fait honneur aux femmes du Nord.
A Kidal, les femmes savent faire écho à la majorité silencieuse : si elles ont su parfois se faire le révélateur des irritations de minorités, pour elles, le temps des revendications semble avoir cédé le pas à celui de la volonté d’apaisement et de l’action positive. Le Nord Mali se relève d’une situation compliquée, Kidal est convalescente, les femmes veulent contribuer à panser les plaies pour assurer une cicatrisation définitive.
Certaines femmes du Nord du pays sont connues pour leur fort caractère, leur volonté de fer. Certaines l’ont montré par le passé en choisissant de se mobiliser, voire de s’exposer contre le terrorisme. Plusieurs d’entre elles, à Kidal notamment, ont d’ailleurs vu leur fils emporté par la tourmente mortifère de l’engagement jihadiste. Mais aujourd’hui, en réservant le meilleur accueil aux éléments de l’Armée Malienne déployés à Kidal pour constituer une partie des effectifs du MOC, les femmes de Kidal délivrent un signe très fort à l’adresse de tout le pays et de la communauté internationale.
Elles veulent montrer qu’elles ont pris conscience que la crise ne se résoudra pas autour d’une querelle de drapeau. Alors elles se mobilisent aujourd’hui différemment : d’abord par le travail, puisque ce sont elles qui assurent une partie de la dynamique économique de la ville. Ensuite par l’engagement culturel puisqu’elles sont les principales promotrices de l’identité targuie au sein d’un Mali unifié. Enfin par leur présence visible et efficace au sein des structures de régulation de la société, puisqu’elles sont à la tête de multiples associations réunissant des femmes actives, qu’elles soient en vue ou plus discrètes.
Parmi ces associations, beaucoup sont rassemblées à Kidal sous la bannière de la CAFA, une entité présidée par Aminatou Walet Bibi. La CAFA, fédération apolitique d’associations de femmes du Nord Mali, vise à préserver les femmes des répercussions néfastes du terrorisme. Elle assure la promotion des femmes en politique et la mise en avant de l’implication des femmes dans l’économie et la vie sociale. La CAFA a d’ailleurs choisi de refuser la récupération et de prévenir l’instrumentalisation de la force décisionnaire et active que ces femmes représentent désormais, pour préserver sa liberté de pensée et d’action.
Par la multiplicité des engagements dans lesquels elles s’impliquent, les femmes du Nord Mali font aujourd’hui la preuve qu’elles sont des femmes responsables et impliquées. Elles savent le montrer à Kidal en mettant en avant une détermination sans faille contre l’alliance du radicalisme religieux et du terrorisme, notamment en accompagnant avec bienveillance le MOC.
Les femmes du Nord Mali ont su démontrer que non seulement on doit désormais compter avec elles, que ce soit dans la vie politique, l’activité économique ou encore la cohésion sociale. Elles font aussi la preuve qu’elles peuvent être des leaders d’opinion impliquées et responsables, que ce soit à titre individuel ou sous la bannière d’associations comme la CAFA. Reste aux femmes qui n’ont pas encore rejoint cette dynamique positive de le faire ou de se taire définitivement en laissant faire celles qui ont compris que le Nord Mali, c’est (aussi) une affaire de femmes.
Aïcha Sangaré