Dans Appels sur l’actualité, des auditeurs reviennent sur le quatrième round des négociations d’Alger entre Bamako et des groupes armés maliens, qui s’est achevé le 27 novembre sans qu’aucun accord n’ait été trouvé. Ces pourparlers, en vue de ramener la paix au nord du Mali, avaient débuté une semaine plus tôt. Cette fois, les Etats-Unis étaient présents à Alger par l’intermédiaire de leur sous-secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines.
Quel rôle jouent les Etats-Unis dans les négociations ?
Les Etats-Unis ne sont pas membres de la médiation, même s’ils sont représentés dans la Minusma, la mission de l’ONU au Mali. Lors de sa visite, la semaine dernière, Bisa Williams, la sous-secrétaire d’Etat adjointe à l’Afrique, a rencontré tous les acteurs des négociations, les différents mouvements et organisations qui font partie de la médiation, et les représentants algériens et maliens. Washington a ainsi pu se faire une idée précise des positions des uns et des autres. Ce qui inquiète les Américains, c’est l’insécurité des régions nord du Mali. Depuis septembre, il y a eu plusieurs attaques contre la Minusma, mais aussi contre des civils. Et ces dix derniers jours, deux membres du HCUA – le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, un des Mouvements qui négocie à Alger – ont été retrouvés égorgés près de Kidal. Des enfants ont aussi été enlevés et le convoi du ministre du Développement rural a sauté sur une mine. Deux soldats maliens sont morts. Officiellement, est il n’est pas question pour les Etats-Unis d’une intervention armée pour combattre le terrorisme dans cette région. Washington veut une solution politique qui passe par un accord de paix. Ainsi, l’une des solutions envisagées, les patrouilles mixtes, qui regroupent des éléments des Mouvements du Nord, de la Minusma et de l’armée malienne, n’est pas encore à l’œuvre car les « Mouvements » réclament au préalable qu’un cadre soit fixé – un accord de paix. Un accord politique qui aiderait à trouver une solution sécuritaire. A l’issue de sa visite, Bisa Williams expliquait sur les ondes de RFI que beaucoup de travail reste cependant à faire avant de trouver un accord politique – indispensable –, et que les Etats-Unis seraient présents pour aider à la mise en place de l’accord. Un soutien notamment financier.
Quels sont les points qui empêchent la signature d’un accord de paix ?
Il y a plusieurs désaccords. D’abord, la plupart des Mouvements du Nord souhaitent que le nom « Azawad » soit reconnu et utilisé dans les accords, ce que le gouvernement de Bamako a jusqu’à présent refusé. La médiation avait trouvé une formule : « les régions du Nord, appelées par certains Azawad ». Mais pour le moment, il ne semble pas possible de se mettre d’accord là-dessus. Ce qui a bloqué aussi les négociations, c’est l’idée d’une organisation fédérale. Le gouvernement malien a expliqué que c’est un point non négociable. La médiation a aussi rejeté cette option dans son document de projet d’accord. Mais la semaine dernière, plusieurs mouvements sont revenus en séance pour détailler pendant plusieurs heures leur projet de fédération. Un projet qui permettrait aux régions de Kidal, Gao et Tombouctou d’être très autonomes dans leurs prises de décisions économiques, politiques ou sécuritaires. C’est ce qui a provoqué la colère des représentants du Mali. Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères, a quitté la salle en disant qu’il n’avait pas mandat pour discuter de fédéralisme. Et il a été impossible de remettre les participants autour de la table. Cela ne veut pas dire que tout est bloqué. Il va y avoir d’autres rencontres, plus informelles, d’ici janvier 2015, où une nouvelle session de négociations doit s’ouvrir au début du mois.
Y a-t-il d’autres sources de blocage ?
Oui. D’ici janvier 2015, il faudra que la médiation réfléchisse à une troisième source de blocage due à l’éclatement des mouvements. D’un côté, les « Mouvements de la Coordination » – le HCUA, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, le MNLA ainsi qu’une partie de ses dissidents du Mouvement arabe de l’Azawad, le MAA, et la Coalition du peuple pour l’Azawad, la CPA – qui risquent de refuser de signer tout accord avec les autres mouvements réunis au sein de la « Plate-forme » – le MAA, ainsi qu’une partie de la CMFPR et le GATIA -, considérée comme trop proche de Bamako. Or, selon les règles de la médiation internationale, il n’est pas possible de signer deux accords différents. D’où la probable prochaine source de blocage…
Par Leïla Beratto
Source: RFI