Dans le tube Monsieur le maire de l’album La Révolution le trio du groupe de rap Tata Pound mettait en scène la cupidité de certains maires qui oublient les promesses faites aux électeurs, en s’adonnant à la vente illicite et à la distribution de terrains.
Plus de dix ans après cette dénonciation, la prédation foncière tourne à plein régime. Elle n’épargne pas même les terrains de sport sur lesquels les jeunes trouvent refuge matin et soir. Dans les murs de nos quartiers, ils se défoulent en jouant au foot, au basket ou pratiquent les arts martiaux. Mais leurs espaces de vie sont menacés. Partout, un doigt accusateur est pointé vers les élus locaux qui, pour reprendre Moussa Mara, sont traités de « détourneurs de terrains », de « corrompus », alors qu’ils sont coincés déjà entre le marteau et l’enclume des attentes des populations et de l’administration.
De Baco-Djicoroni, sur la rive gauche du fleuve Niger, à Badialan, sur la rive gauche, via Tombouctou, la cité des 333 saints à l’intérieur du pays, cela commence à fleurer le souffre entre les élus et une jeunesse déterminée à ne pas se laisser exproprier de ses espaces de loisirs, auxquels ils tiennent « comme un paysan à ses chèvres ». Le résultat ? Ici, des routes principales sont bloquées par les jeunes en colère, créant des embouteillages monstres, là, des rues sont le théâtre de scènes de guérilla entre jeunes et forces de l’ordre, et des élus se retrouvent dans la gadoue jusqu’au col.
Tout cela, on le sait, pose le problème de l’absence d’une politique de sécurisation de ces terrains pour les jeunes dont l’enjeu n’est pas conceptualisé, encore moins mis en politique. Pourtant, dans un contexte de pression démographique, avec une jeunesse en croissance exponentielle, les pouvoirs publics ont tout avantage à avoir une visibilité sur l’enjeu pour la stabilité en offrant des espaces aux jeunes. Le ministère de la Jeunesse et des Sports, par exemple, devrait penser à relocaliser ces espaces ou à en ouvrir d’autres complémentaires sur des terrains réservés sur le long terme.
Pour donner la parole à ces jeunes et alerter sur un problème qui a atteint un niveau critique, les contributeurs de Benbere se sont rendus dans ces quartiers où le climat est à la gravité entre jeunes et élus. Dans ce dossier, nous allons à la rencontre des jeunes de Badialan, qui ont dû affronter la police pour récupérer un terrain, vendu pour y construire une gare. En commune V du district de Bamako, pendant une soirée les jeunes en colère ont perturbé la circulation en occupant la route et scandant des propos hostiles au maire. Nous laisserons également la parole aux élus, chefs de quartiers, et aux leaders de jeunes. Enfin, nous organiserons une rencontre d’échanges, à laquelle seront invités les ministères concernés et les représentants des mairies pour qu’ils s’expliquent sur les dispositifs légaux de privatisations de ces communs, mais aussi sur leurs limites.