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Musique : au Mali, le difficile rêve de vivre du rap

Le rap est de loin le genre musical préféré de la jeunesse malienne. Les jeunes rappeurs dépensent assez d’argent pour les séances studio ainsi que leur promotion. Mais, ils ont du mal à réaliser leur rêve de vivre de leur talent.

 

Contrairement à ce que peut penser la fanbase, tout n’est pas rose chez les stars du rap. Un grand nombre de rappeurs, plus ou moins célèbres, sont obligés de faire autre chose en plus du rap, qui semble ne pas nourrir son homme. Si certaines têtes d’affiche comme Mylmo, Iba One, Gaspi ou Master Soumi peuvent prétendre vivre de leur talent, ce n’est pas le cas pour plusieurs autres rappeurs.

Les rappeurs maliens, en général, ont plusieurs moyen de tirer des bénéfices de leur talent. Il y a, entre autres, la vente de disques physiques ou en ligne, les droits d’auteurs, les concerts et les showcases, les prestations lors des évènements. Malgré toutes ces opportunités qui s’offrent à eux, la majorité d’entre eux peinent à joindre les deux bouts.

Il faut reconnaître que les possibilités évoquées en haut ne sont pas tout à fait tracées au Mali. La plupart des rappeurs, à l’instar des griots, se font également parrainer par des personnes fortunées. En échange de dédicaces dans leurs sons, ils reçoivent voitures, grosses sommes, billets de voyages, prise en charge.

Manque de professionnalisme

Le problème majeur dont souffrent les rappeurs est le manque de professionnalisation. On ne saurait parler d’industrie du rap, malgré la présence de maisons de disques et de labels tels que Diofou, keyzit Mali. En réalité, au Mali, le rap n’est toujours pas vu d’un bon œil et le rappeur est considéré par certains comme un raté.

Les rappeurs acceptent souvent des deals humiliants. « Pour le gros des rappeurs, la célébrité passe avant leur carrière d’artiste. Ils font des prestations pour des miettes, juste pour la visibilité. Les promoteurs de spectacles profitent de cet amateurisme», déplore le rappeur Rabbastar.

Le manque de connaissance du milieu artistique et des règles par les rappeurs et les managers dans ce domaine constitue un frein à l’avancée de leurs carrières. Or, ces managers ont justement pour rôle de gérer la carrière de l’artiste : il s’agit en général de meilleurs amis des rappeurs ou un membre de leurs familles. La relation est donc plus sociale que professionnelle.

Téléchargements gratuits

Un autre problème : les consommateurs maliens de rap ne sont pas habitués à acheter de la musique comme en occident via les cartes bancaires. Les sons sont téléchargés gratuitement sur des plateformes et envoyés via Bluetooth ou Xender.

Faire de l’argent avec la vente de disque reste donc une utopie pour le rappeur malien, même si certains ont leur album sur les plateformes payantes comme ITunes Deezer, Spotify, ou encore Empire Afrique qui a récemment fait son apparition et sur lequel les fans peuvent acheter via Orange Money.

Droit d’auteur

« Le droit d’auteur est le salaire de l’artiste », disait la ministre de la Culture, Madame N’Diaye Ramatoulaye Diallo, lors de la 36e session du Conseil d’administration du BUMDA (Bureau malien du droit d’auteur), le 14 février 2019.

Mais, le fait qu’il y a trop de mauvais payeurs, des artistes dont les œuvres ont pourtant été beaucoup exploitées se retrouvent avec des sommes dérisoires à la fin de l’année comme droit d’auteur.

Sur ce plan, selon nos interlocuteurs rappeurs et managers, le bon est venu de la société de télécommunications, Orange Mali, qui a payé 900 millions pour la redevance de droit d’auteur couvrant la période du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2018. Ainsi, certains artistes qui ne touchaient que des miettes, ont gagné des millions. Cela signifie que si toutes les grandes entreprises payaient leurs redevances de droit d’auteur, les rappeurs vivraient dignement de leurs musiques.

Les rappeurs se plaignent également de la mauvaise gestion et de la corruption au niveau du BUMDA et de la FEDAMA (Fédération des artistes du Mali), qu’ils accusent de ne pas assumer leur rôle. « Les télés, les radios, les sites internet, les boîtes de nuit, les bars, doivent payer les droits des artistes normalement. Aujourd’hui, au Mali, c’est l’artiste qui doit payer pour que son œuvre soit diffusée. C’est le monde à l’ envers », fait remarquer Kissima Diouara, dit « Kiss », ancien rappeur et réalisateur.

Pressions, union et tarifs de prestation

Pour qu’on puisse un jour parler de disque d’or, de platine ou de diamant pour les rappeurs maliens, comme en France et aux États-Unis, une forte sensibilisation s’impose pour changer les mentalités : des rappeurs d’un côté pour qu’ils connaissent leurs droits et maîtrisent les rouages du système et, de l’autre, des consommateurs de rap pour qu’ils réalisent que les sons écoutés en longueur de journée ne sont pas gratuits, mais plutôt les fruits d’un dur labeur qui mérite une rémunération.

Il faut également exercer des pressions sur les autorités pour qu’elles jouent leur rôle dans la régulation du secteur culturel et la rigueur concernant le paiement des droits d’auteurs. « La meilleure solution est que les rappeurs s’unissent et fixent ensemble des tarifs de prestation. Qu’ils se mobilisent et obligent les différentes structures à verser leurs redevances de droit d’auteur», explique l’arrangeur et producteur Zack Prod. « Il faut une réglementation du secteur culturel, car jusqu’ici le statut d’artiste n’est pas réellement valorisé dans nos pays. Sachant que les droits d’auteur représentent les rémunérations majeures d’un artiste, comment pourrait-on envisager la pleine autonomie financière quand le secteur d’activité n’est pas régulé ? C’est la première pierre à poser avant tout. », conclut Lat Diallo, directeur général de Keyzit Mali.

Source : benbere

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