Il y a comme un air de petite revanche entre le futur procès anti-corruption et la gestion des récents rapports d’audit. Et plus rien ne sera comme avant pour les proches du président Ibrahim Boubacar Keïta. Depuis la création de l’alliance réunissant les partis de la mouvance présidentielle, la sourde rivalité entre les proches d’IBK est devenue une guerre ouverte. Moussa Mara sait que ses jours sont comptés à la primature. Mais avant de quitter son fauteuil, il pourrait prendre sa revanche contre ses camarades qui ne parlent pas le même langage que lui. Le temps d’un procès.
Mara avait tenté de s’approcher dans un premier temps des alliés traditionnels d’IBK. Fraichement nommé Premier ministre, il déclarait son attachement au fait partisans devant les députés maliens. La portée stratégique (politicienne ?) de ses propos était bien plus importante que la conviction. Au sein de l’Assemblée nationale, les élus RPM constituent des adversaires coriaces pour le nouveau Premier ministre qui passe pour un intrus dans le cercle familial du président.
Les élus et autres caciques du parti présidentiel auraient aimé voir un des leurs à la place de l’ancien maire de la commune IV qui a mis en échec électoral le patriarche IBK dans la même commune il y a quelques années. Mais le nouveau Premier ministre n’allait pas tarder à envenimer ses rapports avec le RPM, en voulant créer autour de sa personne une coalition de la mouvance présidentielle.
Ainsi, ceux qui le combattaient en sourdine ont vite fait de sortir des bois pour lui signifier qu’il ne saurait être question que le fait majoritaire soit banaliser bien plus. Prenant en compte l’idée de l’intrus, les cadres du RPM ont créé une nouvelle alliance de la mouvance présidentielle. Différence de taille : c’est le parti du président qui mène la barque.
Le président fondateur du parti Yelema (avec un seul député) a perdu la paternité du bloc des partis de la majorité. L’objectif de cette coalition qui ne rate pas l’occasion de faire un communiqué est à présent de faire partir Mara. Pourvu que le RPM, qui a plus d’élus que l’ensemble des partis, soit remis dans ses droits en obtenant la primature.
Premier ministre, Moussa Mara se montre taillable et corvéable. Des traits pour lesquels IBK l’aurait choisi, plutôt que pour sa réputation d’homme politique peu controversé. Il a joué bien son rôle à l’Assemblée nationale, défendu bec et ongle l’initiative de l’achat injustifié d’un vieil avion présidentiel au prix d’un nouvel appareil. Pour faire mieux que son prédécesseur, il va jusqu’à Kidal où sont retranchés des groupes armés qu’il savait opposés à son arrivée.
Entre IBK et son actuel premier ministre, c’est encore l’idylle. Mais très tôt, la méfiance s’est installée au sein du gouvernement. Les intrigues de palais qui ont eu raison de l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly n’allaient pas tarder à poursuivre Moussa Mara. Ayant peu à perdre, il commence à gérer autrement des scandales et autres écarts de gouvernance du pouvoir qu’il tentait de couvrir il n’y a pas si longtemps.
Cette nouvelle orientation a éclaté au grand jour avec les rapports préliminaires des audits sur l’achat de l’avion présidentiel et les marchés de gré à gré. Bouaré Filly Sissoko, la ministre de l’Economie et des Finances, en voulait au Vérificateur général, ce qui ne serait pas arrivé si le Premier ministre lui avait transmis une copie du rapport.
En étant le premier à annoncer la tenue du grand procès contre la corruption, Mara souhaite tirer un bénéfice politique des actions de la justice. Les sanctions sollicitées par le Fonds monétaire international (FMI) contre les hauts responsables du pays ciblent principalement des individus liés au président de la République.
Soumaïla T. Diarra