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Mouton de Tabaski : LES JEUX SONT (PRESQUE) FAITS

Les grandes tendances sur le marché bamakois n’ont pas varié et les acheteurs ne renoncent pas à grignoter un peu plus sur les prix 

Belier moutonLe rush s’est déclenché avec un léger retard, mais il est désormais bien là. A deux jours du grand rendez-vous de l’Aïd El Kébir, la capitale a renoué avec l’ambiance habituelle des veilles de Tabaski. Les interminables embouteillages sur les différentes voies menant au centre-ville ont fait leur apparition. Tout comme le désordre et les bousculades dans les grandes artères menant au Grand marché. Bref, l’«économie de Tabaski» a retrouvé droit de cité et tous ses acteurs sont sur le pont.

Sans surprise, l’acquisition du précieux mouton destiné à commémorer le sacrifice d’Abraham reste la hantise majeure des chefs de famille. Aujourd’hui, les garbals et autres points de ventes habituels et spontanés sont pris d’assaut par des acheteurs sur lesquels la pression s’accentue au fur et à mesure que le compte à rebours s’accélère. C’est d’ailleurs sur cette pression que misent les commerçants, intermédiaires et courtiers pour tenter de dicter leur loi dans les points de vente de bétail. Tous ces acteurs espèrent jusqu’au bout se tirer d’affaire grâce à leur connaissance du marché et leur capacité de persuasion.

Mais pour une fois, ils n’ont pas tous les atouts en main. La partie s’équilibre en faveur des acheteurs. Car, ainsi que nous l’avions indiqué en début de semaine, les marchés de la capitale sont exceptionnellement bien approvisionnés cette année et, fait extraordinaire, les prix se caractérisent par une relative stabilité. Les acheteurs ont donc la possibilité de se laisser guider dans leur choix non seulement par leur budget, mais aussi par leur préférence pour tel ou tel attribut du bélier (âge, couleur de la robe, conformation, race, cornes).

UN LÉGER AVANTAGE AUX CLIENTS. Au marché à bétail du Quartier Sans-fil, le quatrième de Bamako en importance, le niveau de ravitaillement est excellent. Dans ce garbal, les commerçants et les bergers se sont coalisés pour écarter complètement les intermédiaires et les coxeurs qui d’habitude allument la mèche des surenchères. Hier jeudi, de nombreux chefs de famille avaient profité de la pause de midi pour aller acheter leur bélier de fête. Sidi Modibo Waigalo, commerçant de son état, était entrain de décharger sa cargaison de moutons venus de Boussin et Yolon (zone de Dioro). Il affirme avoir débarqué avec 219 têtes. Pour lui, il y a suffisament de moutons dans les différentes zones d’approvisionnement. En outre, la fête coïncidant avec la fin de l’hivernage, les bêtes ont profité des bons pâturages et présentent un bel embonpoint. Pour le commerçant, tous ces facteurs additionnés font que les prix pratiqués sont acceptables.

Même constat au grand garbal de Niamana. Ici, le maître des lieux, Hama Barry, assure que le marché de mouton connaît une accalmie sur le plan des prix. « Chaque année, pendant cette période, notre préoccupation majeure tourne autour du niveau de dotation du marché. Dieu merci, cette inquiétude souvent source de spéculation est dissipée. En ce qui concerne les prix, ils ne s’enflamment pas comme lors des deux précédentes années. Aujourd’hui, pour se procurer d’un bon mouton ici, il faut débourser entre 50.000 et 80.000 Fcfa selon la qualité et la race de la bête. Toutefois, les adeptes de gros béliers qui veulent impressionner leur entourage devront débourser 150.000 francs et plus », indique notre interlocuteur.

Hama Barry insiste pour prémunir les acheteurs contre les spéculateurs et les vendeurs occasionnels. « Chaque année, nous mettons en garde les gens contre les personnes qui s’improvisent en vendeurs de mouton pendant cette période. Ces gens s’approvisionnent chez nous ici et au même prix que les acheteurs. Puis ils se mettent à la recherche de clients sur lesquels ils font leur bénéfice. Les acheteurs doivent aussi faire la différence entre les intermédiaires et les vrais commerçants. Ceux qui se promènent avec les moutons à longueur de journée dans les rues ou ceux qui se précipitent à la rencontre des clients dès leur arrivée au marché ne sont pas les propriétaires des animaux. Ils iront toujours au-delà des prix que nous pratiquons. Or aujourd’hui avec une somme allant de 50.000 Fcfa à 75.000 Fcfa, on doit pouvoir acquérir un bon mouton de Tabaski », assure le commerçant.

NI LA PATIENCE, NI LE COURAGE. Dans ces lieux de vente, le spectacle le plus couramment offert est celui d’interminables marchandages. Vendeurs et acheteurs se livrent à une sorte de guerre d’usure où chacun essaie de bluffer son vis-à-vis. La conjoncture offre un léger avantage aux clients qui s’appuient sur l’abondance de l’offre pour refuser le diktat des vendeurs. Karim Diarra, un chef de famille en quête de mouton, sort complètement épuisé d’une joute qu’il a remportée. « On m’avait présenté ce mouton à 100.000 Fcfa, mais à force de discuter, je viens de l’avoir à 65.000 Fcfa. C’était fatiguant, mais il faut avoir la patience nécessaire de négocier son mouton au prix le meilleur. Ceci dit, les prix sont acceptables cette année, j’ai vu de bons moutons de 40.000 Fcfa à 50.000 Fcfa », indique ce chef de famille satisfait. Alfousseyni Touré, un autre chef de famille rencontré au marché de bétail de Sans Fil, a lui également eu gain de cause. Il a finalement pu arracher au vendeur un bélier à 45.000 Fcfa après un interminable marchandage. Il a mis deux heures dans cet exercice, mais pour lui, le rabais obtenu (le prix de départ était de80.000 Fcfa) est substantiel.

Mme Cissé Alimata, chef(e) de famille, car mère de famille et veuve, ne tient pas à entrer dans ce genre de transaction. Elle a choisi de se rendre au stade municipal de Torokorobougou qui accueille l’opération de vente promotionnelle du Padeso. « Je préfère venir ici, les prix sont connus d’avance et cela fait moins de marchandages, donc moins de perte de temps. Et puis, j’ai n’ai ni la patience, ni le courage de me lancer dans une discussion interminable. Je viens d’acquérir ces deux béliers respectivement à 60.000 et 70.000 Fcfa pour ma famille et pour ma mère. J’ai n’ai aucune appréciation à porter sur les prix. J’ai juste choisi les bêtes que ma bourse me permet d’acheter. Vous savez, depuis trois ans, j’ai arrêté de me faire des illusions sur une éventuelle baisse du prix des bêtes. Chez nous ici, une fois que le prix d’un produit augmente, il ne redescend plus. Au mieux, il se stabilise comme c’est heureusement le cas cette année. Il faut donc savoir ce qu’on veut et dépenser juste ce qu’on a comme argent », raisonne cette mère de famille, bien décidée à garder les deux pieds sur terre.

L’affluence n’a jusqu’à présent pas atteint son pic dans les marchés. De nombreux chefs de famille rencontrés disent attendre la fin de semaine, voire la veille de la fête pour acheter leur mouton. Ils misent tous sur une baisse des prix lors des tout derniers jours. Leur calcul s’appuie sur le fait que les arrivages continuent et qu’à un moment donné, les vendeurs n’auront d’autre choix que lâcher sur les prix. Le pari ainsi fait est raisonnable. Mais il ne faut pas oublier un fait : le marché des moutons a déjà montré par le passé qu’il peut échapper à tout contrôle et se comporter de manière totalement erratique. Mais que notre remarque ne casse pas l’optimisme de ceux qui espèrent économiser un peu sur le mouton pour mieux encaisser la vague de la rentrée scolaire.

D. DJIRÉ

source : essor

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