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Moussa Sinko Coulibaly l’Aube : «Le mal du Mali, c’est IBK ! »

Président du parti la Ligue démocratique pour le changement (LDC), ancien ministre de l’Administration territoriale, général de l’armée (à la retraite), ancien directeur général de l’Ecole de maintien de la paix, Moussa Sinko Coulibaly, était également candidat à l’élection présidentielle de 2018. Avec un tel parcours, M. Sinko s’est vite imposé sur l’échiquier politique national où il n’hésite pas à prendre position sur toutes les questions d’intérêt national. Dans un entretien exclusif accordé à notre journal, Sinko Coulibaly s’exprime, sans langue bois, sur des sujets qui préoccupent actuellement les Maliens : la situation sécuritaire inquiétante du pays marquée par des conflits inter-communautaires et des attaques au Centre, la gestion du régime IBK, au plan politique, économique et social, le projet de révision constitutionnelle, le Dialogue national qui se prépare, sa démission de l’armée… M. Coulibaly se confie à L’Aube.   

 L’Aube : M. le Président vous avez récemment sillonné l’intérieur du pays en vue d’implanter des structures de votre parti, Ligue pour la démocratie et le changement. Que retenez-vous de cette tournée ?

Moussa Sinko Coulibaly : Merci pour cette opportunité. Nous avons beaucoup appris au cours de cette tournée. Nous avons senti que les Maliens qui veulent le changement aspirent à un changement rapide et pour y parvenir, il faut une meilleure organisation. Ce qui nous a manqué à l’élection présidentielle de 2018, c’est essentiellement l’absence de rassemblement. Il y a une majorité des Maliens qui souhaite le changement mais sont mal organisés pour réaliser le changement souhaité par tous. Nous ne sommes pas regroupés et quand on est dispersé, une minorité a toutes les possibilités de remporter la victoire face une majorité désorganisée. Donc, nous avons l’ambition de fédérer toutes les forces qui veulent, aujourd’hui, le changement, cela, à travers tout le territoire national. C’est pourquoi nous avons décidé, encore une fois, de parcourir le pays, de porter notre message et de nous assurer que  pour les prochains rendez-vous, toutes les forces de changement peuvent cheminer dans la même direction. C’est un peu le sens de ce que nous faisons actuellement. Nous avons eu la chance d’aller dans quelques localités. Le Mali est grand, il y a encore plusieurs localités à visiter et nous allons nous donner la chance  de visiter un maximum de localités et de faire passer le message du changement.

 Vous êtes parmi les nouveaux arrivants sur la scène politique suite à votre démission de l’armée le 30 novembre 2017, avez-vous déjà retenu des leçons de ce début d’expérience politique ?

Disons que j’ai eu la chance, bien avant ma démission, de servir l’Etat à un haut niveau, comme ministre de l’Administration territoriale. Et pendant la période de transition, j’ai eu aussi la chance, en tant que ministre, de participer à la gestion de tous les grands dossiers  de cette époque. Entre autres, le retour de l’administration au Nord, l’accord de Ouaga, l’organisation des élections… Cela m’avait permis d’avoir une vision  assez correcte du jeu politique  et  d’avoir une bonne lecture. D’ailleurs, c’est l’une des raisons qui m’a poussé à démissionner de l’armée en me disant  que le jeu politique actuel ne nous permet pas d’instaurer une vraie démocratie dans notre pays. Donc en démissionnant et en ayant la liberté  de parole que j’ai actuellement et en ayant la possibilité d’aller au contact des populations, j’ai pu  constater qu’il y a un manque de démocratie, qu’il faut aller vers une vraie démocratie. Mais,  j’ai aussi pu constater également le désir ardent de nos populations à un bien être. Quand je parle de bien être, je parle : égalité face à la justice, accès aux services  sociaux de base, des routes, des logements et l’éducation  pour tous les enfants de ce pays.

J’ai appris beaucoup de choses, mais je dirai, pour la plupart, ce sont des  confirmations parce que j’avais déjà des échos de tous ces éléments avant ma démission.

Avez-vous des regrets ?

Je n’ai aucun regret ! Au contraire, ce que je fais actuellement, c’est la continuation de ce que je faisais quand j’étais dans l’armée. C’est-à-dire servir mon pays autant que possible partout où je suis. En tant que militaire j’ai essayé de servir mon pays dans le cadre légal qui définissait mes fonctions de militaire. Maintenant en quittant l’armée, je continu toujours à mettre ma petite expérience de militaire au service de notre armée et de nos forces de défense et de sécurité. Mais en même temps, aujourd’hui, j’ai une ouverture que je n’aurai pas pu avoir en tant que militaire. Et cette ouverture me permet d’aller aux contacts des politiques, de la société civile, ainsi que des partenaires du Mali, afin d’exposer nos solutions aux problèmes du Mali. Je n’ai aucun regret ! Au contraire, j’ai appris énormément et je pense aussi que notre petite contribution aux débats permet d’enrichir la démocratie malienne.

 Quel regard jetez-vous sur la situation politique, économique et sociale du Mali d’aujourd’hui ?

C’est un euphémisme que de dire que c’est  un désastre, c’est la catastrophe actuellement que je vois. Je ne vais pas commenter les difficultés économiques, sécuritaires ou politiques  que nous avons actuellement. Je dirai tout simplement que toutes ces difficultés ont un seul responsable, un seul nom : le président Ibrahim Boubacar Keita. Et notre objectif est que ce régime-là change, le plus rapidement possible ! C’est ça qui motive le nom de notre parti politique « la Ligue démocratique pour le changement ». Nous nous battons, tous les jours, afin justement de conduire le pays vers le changement. Parce que pour nous, l’essor économique ne va jamais revenir tant que ce régime est là. La sécurité, on ne l’aura pas tant que ce régime est là.  Parce que ce régime toujours joué au pompier-pyromane… C’est connu ! Les tenants de ce régime allument le feu et après ils viennent crier  à l’incendie. Nous pensons que  la solution  c’est le changement vu tous les événements, les nombreux scandales  qui se succèdent. Bref ! Nous avons tout simplement la confirmation chaque jour que le Mali  a besoin d’un nouveau souffle !

La situation au Centre est très inquiétante depuis quelque temps avec des affrontements inter-communautaires qui ont fait de nombreuses victimes. A votre avis qu’est ce qui explique cette situation ?

Nous évitons de dire Nord, Sud, parce que nous considérons le Mali comme un tout, un ensemble. Si ça brûle à l’intérieur de la case, c’est toute la case qui est en danger. Nous estimons que ce qui se passe actuellement est le résultat de la mauvaise gouvernance. Nous voulons une bonne gouvernance au Mali. Nous voulons une vraie démocratie qui nous permettra  d’avoir une participation effective d’une majeure partie  de la population à l’exercice du jeu démocratique, à l’exercice de la démocratie. Et ça permettra  une meilleure prise en compte des aspirations de l’ensemble des populations maliennes. Comme je l’ai dit précédemment, le régime actuel n’est pas très clair dans le drame qui se déroule au Centre (les régions de Ségou et Mopti). S’il y a un coupable que je dois désigner, c’est bien le gouvernement. C’est à ce niveau que nous devons travailler pour pouvoir trouver des solutions. Parce que celui qui crée les problèmes, à mon avis,  ne peut pas être la personne indiquée pour trouver la solution.

 Que préconisez-vous comme solution ?

Pour le moment,  c’est la sensibilisation  des Maliens. Nous avons expliqué aux Maliens qu’il y a des problèmes. Mais ceux qui crée ces problèmes, ce ne sont pas les Maliens, ce sont ceux-là qui, aujourd’hui, ont en charge d’assurer la sécurité des Maliens. C’est aux Maliens d’éviter le piège. On est en train de mettre dos à dos des communautés, en instrumentalisant la situation qui prévaut dans certaines parties du pays. C’est parce que quelqu’un tire profil de l’insécurité, du désordre qui s’y installe. Vous voyez tout l’argent qui est sorti des caisses de l’Etat pour des questions sécuritaires ou de ce qu’ils appellent la monté en puissance des forces de défense. Mais sur le terrain aucun résultat. Quelque part quelqu’un a intérêt à ce que l’insécurité perdure  et qu’on puisse continuer,  entre autre choses, à sortir beaucoup de milliards pour ensuite dire : « Oui ! Nous allons équiper l’armée ! Nous allons équiper la gendarmerie !  Nous allons équiper les forces de défense et de sécurité ». Or, en réalité rien ne se fait. Je me dis, aujourd’hui, que le régime tire profil de l’insécurité. Dans ces conditions, je ne peux pas faire confiance au régime actuel pour résoudre la question. Il est urgent qu’on puisse dire à ce régime qu’on n’en peut plus ! Et il faut prendre un nouveau départ avec une nouvelle équipe afin de permettre au Mali de faire efficacement face aux problèmes du Centre, du Nord et tout le reste.

Au Nord, Kidal demeure une cité interdite pour l’Etat. D’aucuns parlent de Partition programmée du Mali. L’accord de paix se trouve dans l’impasse. Qu’est ce qui, à votre avis, justifie le blocage du dossier sur le Nord ?

Avant l’élection présidentielle,  on nous avait dit qu’on n’a pas accès à Kidal, qu’il y a beaucoup de problèmes. Mais qu’est-ce qu’on a vu à l’élection présidentielle 2018 ? Kidal et d’autres localités où nous sommes censés de ne pas avoir accès, qui votent à 100% pour le président actuel. Ça veut dire qu’il y a une connexion directe  entre le président actuel et ces localités où on nous dit qu’il n y a pas d’accès ou que le Mali n’existe plus. Qu’on nous explique quel type de connexion. Pour moi aujourd’hui, le problème de Kidal ne se trouve pas  à Kidal mais plutôt à Bamako et le seul responsable, c’est celui qui est à Koulouba. C’est dans ces localités où on a voté pour lui à 100% et on a vu comment ça s’est passé. A mon avis la question de Kidal doit être posée à Koulouba si on veut comprendre ce qui se passe là-bas. Et il doit donner des réponses au peuple malien.

Le président IBK envisage (à nouveau) la révision de la Constitution pour justement permettre l’application de l’accord d’Alger. Quel est votre position ?

Pour nous son intention n’a pas changé. La dernière tentative de révision constitutionnelle  qu’il a essayé, c’était non seulement pour lui permettre à lui-même de rester le plus longtemps possible au pouvoir et éventuellement passer le relais à qui il veut, comme il le veut et quand il le veut. On voyait derrière son intention de passer le relais à son fils ou  à quelqu’un d’autre de la famille. C’est ce que nous avons combattu et nous continuons à combattre. Le principe de la  révision constitutionnelle ? On n’est pas contre ! Nous sommes d’accord qu’à la lumière des leçons apprises, ces dernières années, qu’il faut des retouches, des améliorations, il faut simplement, au lieu d’une révision, une nouvelle constitution, c’est vers ça qu’il faut aller. Nous disons Oui à la révision constitutionnelle ! Oui à la nouvelle constitution ! Mais pas à une constitution taillée sur mesure  pour IBK. Parce qu’il veut s’éterniser au pouvoir ou parce que il veut que son fils vienne au pouvoir ou parce qu’il veut que quelqu’un de sa famille continue à garder le pouvoir. Le pouvoir doit rester au peuple malien. Nous voulons une vraie démocratie et nous n’allons pas permettre à IBK d’enterrer la démocratie malienne.

Vous êtes parmi les partis qui n’ont pas signé l’accord politique de gouvernance proposé par IBK aux acteurs politiques. Pourquoi ?

Nous pensons qu’il n’y a pas beaucoup de sincérité dans ce papier. Aussi, depuis que le président Ibrahim Boubacar Keita est au pouvoir tous les engagements qu’il a pris, écrit ou non écrit, aucun n’a été respecté. Pour notre crédibilité, pour l’image que nous voulons  donner à nos militants, nous disons que nous n’allons pas nous engagés dans quelque chose  qui sera uniquement du folklore, qui sera un moyen pour le président IBK de berner encore le peuple malien. « Quelque chose qui lui permettra de dire : oui, je suis en train de dialoguer ou de composer avec la classe politique, en particulier l’opposition ! ». Or en réalité, c’est tout simplement, encore une fois, comme vous l’avez remarqué lors de la constitution de la dernière gouvernance, un partage de gâteau entre amis. Ceux qui criaient, une fois qu’ils ont été appelés, ont tous répondus. Finalement, celui qui était un des plus grands pourfendeurs du régime est devenu, aujourd’hui, presque un valet du régime. Cela permet de comprendre que certains avaient des convictions assez limités. Nous, nous ne sommes pas de ceux-là. Notre détermination, notre conviction  est totale pour la recherche du changement dans ce pays  et  nous allons continuer sur cette voie.

 Le gouvernement projette d’organiser un Dialogue national dans les jours à venir. Êtes-vous prêts à y participer ?

Non ! Nous ne faisons pas confiance  à ce gouvernement. Si ces assises sont organisées par une  structure autonome, indépendante  et dirigée  par des personnalités ou une personnalité  en qui nous avons confiance, nous allons y participer. Mais, tant que c’est piloter par le gouvernement, nous ne faisons pas confiance. Nous n’allons pas servir de faire valoir et nous allons nous réservés  de participer  a tout dialogue piloté par ce gouvernement.

Si on vous demandait de qualifier en un mot la gouvernance d’IBK ?

Le CHAOS !    

Propos recueillis par

Mémé Sanogo

Mohamed Sylla

Source: L’Aube

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