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Moussa Mara sur la crise du coton : «Les pertes atteignent au moins 280 milliards de FCFA pour le pays»

L’ancien Premier ministre, Moussa Mara, évoque dans l’entretien qui suit les conséquences de
la crise cotonnière sur l’économie nationale. L’expert comptable estime que notre pays perdra, cette année, 75% de la production attendue à cause de l’abandon de la culture du coton par les producteurs

 

L’Essor : Quelle analyse faites-vous des difficultés du secteur du coton ?

Moussa Marra : Un gros gâchis, car on ne peut plus rattraper les espaces qui n’ont pas été semés. Tout est parti de la volonté du précédent gouvernement de diminuer le prix du coton versé aux producteurs dans une logique purement comptable. Le coton n’est pas un système à analyser sous un angle simplement comptable. Bien dommage tout cela !

L’Essor : Le rétablissement de la subvention et la revalorisation du prix du kg du coton comme il avait été réclamé par les paysans ne suffiront-ils pas à sauver la campagne actuelle ?

Moussa Mara : Ces annonces sont arrivées tard et surtout la confiance avait été rompue. N’oublions pas qu’au même moment, il y avait plusieurs situations où les Maliens ne faisaient plus confiance aux autorités. Le résultat est que les paysans ont abandonné la culture du coton dans leur grande majorité. Ils ont préféré adopter des cultures vivrières qui leur seront au moins utiles comme denrées alimentaires. On ne peut pas manger le coton !

L’Essor : Quelles peuvent en être les conséquences sur notre économie et sur les populations ?

Moussa Mara : Elles seront catastrophiques. La culture du coton est un système qui profite à au moins 4 millions de Maliens, directement ou indirectement. Quand la production baisse de 70%, ce sont les revenus qui baissent aussi. Par exemple, pour le manque de production estimé à 600.000 tonnes cette année, les paysans perdront au moins 150 milliards de Fcfa.

L’incidence de cette perte est incalculable en termes d’éducation des enfants, de la santé des populations, d’équipements des familles, d’investissements en charrue… Le monde rural souffrira. Mais, il ne sera malheureusement pas le seul.

Il y a aussi la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT). La baisse de la production entraînera l’arrêt des usines et donc le chômage de plusieurs milliers d’agents qui étaient utilisés pour aider pendant la saison d’égrenage.

Ce sera également la diminution des consommations de carburant, de fournitures, d’équipements, etc. avec des pertes importantes pour tous les fournisseurs travaillant avec cette entreprise. Les pertes industrielles et de fonctionnement de la CMDT pourront dépasser, là également, plusieurs dizaines de milliards de Fcfa, avec des incidences économiques et sociales majeures.

Aussi, le coton sert à la production d’huile et surtout d’aliments pour le bétail, cruciaux pour le secteur de l’élevage. Une diminution de production de 600.000 tonnes de coton graine entraînera une perte de plus de 320.000 tonnes de graines et d’aliment bétail. Ce qui créera un manque significatif d’aliments bétails et risquera d’entraîner des conséquences sévères sur le cheptel malien et donc sur l’économie nationale.

Il y a enfin l’État qui gagne beaucoup d’argent avec les exportations de coton et les importations de consommables en termes de droits de douane. Là aussi, les pertes se chiffreront en dizaines de milliards de Fcfa.

Ceux qui ont voulu baisser les prix d’achat du coton de quelques Fcfa dans le but d’économiser quelques milliards pour la CMDT, ont ainsi créé une vraie crise avec des pertes atteignant au moins 280 milliards de Fcfa pour le pays.

L’Essor : Qu’est-ce qu’il faut concrètement en termes de mesures pour minimiser l’impact économique, social et humain de cette crise ? Qui doit faire quoi et comment ?

Moussa Mara : Le lait versé ne se ramasse pas. On ne peut plus rattraper l’hivernage. On peut essayer d’amortir certains chocs.

La CMDT qui connaît intimement ses 900.000 exploitants agricoles, doit évaluer les incidences les plus précises et proposer aux autorités les mesures urgentes permettant de maintenir ces exploitants en position de travail afin qu’ils puissent cultiver l’année prochaine.

Cela passera par des mesures sur l’endettement des producteurs, la facilitation d’accès aux intrants l’année prochaine, la fourniture de semences, l’éventualité de versement de subventions d’équilibre. Pour la CMDT et son environnement, l’État pourrait aider certains fournisseurs et amortir le choc du chômage pour les milliers de personnes concernées.

Propos recueillis par
Cheick M. TRAORÉ

Source : L’ESSOR

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