La démission ou le limogeage du Premier ministre, Moussa Mara, n’est plus qu’une question de jours voire d’heures, vu les télescopages répétitifs entre le chef du gouvernement et les responsables du Rassemblement pour le Mali (RPM) qui dirige depuis quelques jours la majorité présidentielle. Le vœu le plus ardent des leaders du parti d’IBK est le départ de Moussa Mara de la primature. Un Premier ministre, qui faute de soutien, marche depuis un certain temps sur des œufs. Retour sur une descente aux enfers murie et réfléchie.
Le chef du gouvernement est affaibli par les multiples peaux de banane glissées sous ses pieds par les mastodontes du Rassemblement pour le Mali. Ceux-ci égrainent les jours qui restent à Mara pour rendre le tablier ou subir la pire humiliation de sa vie : un limogeage aux allures d’un coup de pieds…
Déjà des observateurs s’interrogent sur ses chances de tenir la baraque jusqu’à la fin des pourparlers d’Alger tels les signaux sont au rouge.
Qui ne se souvient de la déclaration laconique du RPM au lendemain de la nomination de Moussa Mara en qualité de Premier ministre. Le RPM disait juste en prendre acte sans autres commentaires sur les compétences ou les qualités de l’homme choisi par leur mentor Ibrahim Boubacar Keïta. La déclaration cachait à peine les frustrations et la grande déception des tisserands de ne pas voir un des leurs nommé à la primature. Par cupidité ou par peur de perdre leur poste, ces barons du RPM ont décidé de mener, dans la clandestinité, une guerre sans merci à Moussa Mara en le déstabilisant pour enfin occuper la primature. IBK et d’autres leaders de l’Adema avaient utilisé le même stratagème (à quelques différences près) pour déstabiliser ses deux prédécesseurs à la primature sous Alpha Oumar Konaré. Qui, lui aussi, a choisi de nommer au début de son mandat en 1992 des premiers ministres technocrates et apolitiques. IBK, président, décide d’imiter Alpha au grand-dame de ses partisans. Ceux-ci n’ont jamais cessé de dénoncer en coulisses le mépris du président vis-à-vis de son parti. Ils ont ensuite pris la responsabilité de critiquer, toujours en coulisses, le Premier ministre Moussa Mara. A Tel enseigne que certains responsables de l’opposition ont cru que ces protestataires à l’interne du RPM et alliés, allaient soutenir la motion de censure déposée contre le gouvernement de Moussa Mara. Ces opposants ont compris dès la fin du vote de la motion que les protestataires n’avaient pas le courage d’exprimer même dans les urnes leur conviction. Tout de même, le malaise du choix d’un Premier ministre en dehors du parti majoritaire a continué à susciter des vagues de protestations à l’interne. Une délégation est montée à Koulouba pour en discuter de vive voix avec le président IBK.
Depuis cette rencontre avec le chef de l’Etat, certains responsables du RPM expriment, à visage découvert, des divergences profondes avec le chef du gouvernement. Moussa Mara serait responsable, en partie, de l’échec d’IBK pendant cette première année de son mandat. Son populisme, son empressement à utiliser les moyens de l’Etat (lors de ses tournées) pour implanter son parti, sa décision irréfléchie d’engager une guerre contre les groupes armés à Kidal et la perte de cette localité par sa faute, sont entre autres des éléments que les caciques du RPM brandissent pour précipiter son départ.
Sa destitution du poste de chef de la majorité est venue enfoncer le clou. Moussa Mara ne dispose pratiquement plus d’arguments, mis à part la « confiance » d’IBK, pour se maintenir encore à la primature.
L’un des caciques du RPM, le député Mamadou Diarrassouba, n’est pas passé par mille chemins pour dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. Dans une interview publiée en juillet dernier, il disait ceci : “dans tous les pays démocratiques, la majorité présidentielle a pour colonne vertébrale le parti majoritaire, qui est le Rpm, avec 75 députés. Aujourd’hui, il est évident que c’est ce parti qui doit être le socle de la majorité au pouvoir. Nous avons rencontré le Président de la République pour lui dire que nous souhaitons que le chef de la majorité présidentielle sorte des rangs du Rpm… Étant donné que le Rpm va assumer totalement le bilan du Président de la République, il est normal que le parti puisse faire toutes sortes de propositions pour la réussite du projet présidentiel”. Le message est très clair. C’est le parti majoritaire qui doit conduire la politique du gouvernement parce qu’il est appelé à assumer le bilan du président de la République. En d’autres termes, le chef du gouvernement doit aussi sortir de ses rangs. Alors la cabale contre Mara est officiellement lancée. Elle sort des chantiers battus et s’installe sur la place publique. Toutes les occasions sont mises à profit pour montrer au peuple malien et aux militants du RPM que le parti se prépare à assumer ses responsabilités de leader de la mouvance présidentielle. La situation serait sous contrôle. Les faits et gestes du Premier ministre Moussa Mara à Bamako et à l’intérieur du pays, sont passés au peigne fin.
Aussi, le ministre Bocary Tréta, secrétaire général du RPM, ne rate aucune opportunité pour prouver que c’est lui, en dehors d’IBK, qui est le patron du parti présidentiel. Souvenez-vous, lors d’une visite en grande pompe dans la région de Sikasso, Mara était accompagné par plusieurs ministres qui le suivent (tête baissée) dans les différentes localités qu’il avait sillonnées. Mais, Tréta n’avait regagné la délégation que sur le site du lancement d’un projet qui concerne son département à 40 km de Sikasso. Après le lancement, il a tout de suite regagné Bamako, laissant les autres ministres se pavaner derrière Mara. C’était une façon de montrer encore une fois que le chef du gouvernement n’avait aucune autorité sur son ministre du développement rural.
Dernier évènement en date, c’est à Ségou que Mara a appris, à travers différentes banderoles, que le RPM occupe désormais le fauteuil de chef de la majorité présidentielle. Un coup de massue sur la tête de celui qui croyait pouvoir berner le peuple de la majorité. Moussa Mara est aujourd’hui un homme SEUL. Que va-t-il faire les jours voire les semaines à venir ? Plusieurs scénarios sont envisageables.
Moussa Mara a la possibilité de démissionner. Sauf que ce mot ne fait plus partie de son langage, dans la mesure où il a dit en public (devant les élus de la nation) et à l’intention de l’opposition qu’il ne démissionnera pas. Va-t-il choisir de se dédire ? Ce ne sera pas une surprise après les contre-vérités égrenées lors de sa déclaration de politique générale et pendant son audition après le dépôt de la motion de censure. S’il démissionne (cas très peu probable), il pourra peut-être sauver (s’il en a encore) le peu de crédit qui lui reste.
L’autre alternative, c’est qu’il s’expose à un limogeage. Qui pourrait être une demande expresse des pourparlers d’Alger. Le chef du gouvernement qui refuse d’assumer l’échec de sa politique pour la libération totale des régions du nord et particulièrement la perte de celle de Kidal, la débâcle de l’armée dans cette localité, et l’humiliation subie par le peuple malien…, mérite-t-il de conduire le gouvernement après la signature d’un accord global ? La réponse est probablement NON. Donc un limogeage pur et simple ferra de Mara, la risée des politiques pour le restant de sa carrière. Va-t-il attendre l’instant fatidique ? Beaucoup d’observateurs disent qu’il y restera par orgueil.
Idrissa Maïga