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Moussa Guidiéra : «Mon secret, c’est le travail»

Dans cette interview, le double champion d’Afrique de kick-boxing aborde plusieurs sujets : sa longue et riche carrière, les difficultés qu’il a rencontrées, de Lomé à Banamba, en passant par Abidjan et Douala. Sans oublier les projets qu’il nourrit pour le Mali. Une interview à bâton rompu

 

L’Essor : Vous êtes double champion d’Afrique de kick-boxing des mi-lourds, mais jusque-là le kick-boxing n’est pas bien connu au Mali.Où et quand avez-vous découvert cette discipline ?

Moussa Guidiéra : Je suis un jeune Malien né en 1984 au Togo, d’un père malien et d’une mère togolaise. Je suis arrivé à Banamba chez ma grand-mère à 2 ans. Après son décès en 1995, je suis parti chez mon oncle en Côte d’Ivoire. C’est dans ce pays que j’ai découvert les arts-martiaux. J’ai commencé à pratiquer le taekwondo jusqu’à la ceinture rouge. Chaque jour, je partais regarder les gens s’entraîner dans une école d’Adjamé, mon quartier de résidence. Un jour, il y avait un passage de grade. Un candidat a fait une erreur dans le mouvement et j’ai crié ‘’non’’. L’encadreur (il s’appelait Maître Bagayoko), s’est retourné et il m’a appelé. Après un échange, il m’a gratuitement inscrit dans sa salle, j’étais cireur et je n’avais pas les moyens de payer les frais d’inscription. J’ai pratiqué le taekwondo pendant 3 ans et obtenu la ceinture rouge. À ma grande surprise, des gens sont allés dire à mon père que je suis devenu un délinquant. Mon père m’a fait revenir à ses côtés au Togo, mais je n’ai fait qu’une année à Lomé, avant de partir à l’aventure au Cameroun. Je voulais reprendre le taekwondo mais la discipline n’était pas développée à l’époque au Cameroun.

Un jour, j’ai rencontré Emmanuel Essissima, quadruple champion du monde et sextuple champion d’Europe de boxe française. Il revenait de la France et avait ouvert une salle de boxe (c’est lui-qui dirige actuellement la Confédération africaine de kick-boxing et il a également été président de la Fédération camerounaise de boxe française). C’est lui qui m’a conseillé de laisser le taekwondo pour faire la boxe française. J’ai passé deux ans avec lui et en 2000, j’ai remporté le championnat de boxe française du Cameroun. Dans la foulée, j’ai participé à une compétition internationale, baptisée «France-Afrique» sous la bannière de mon pays le Mali et remporté le titre face à un Franco-Algérien. Après cette compétition, je me suis intéressé au full-contact avec un maître venu des États-Unis. Cette discipline ressemble un peu à la boxe française, mais les règles et les tenues sont différentes.Après deux ans de formation, j’ai remporté deux titres le championnat de littorale (la zone de Douala), mais je n’ai pas réussi à devenir champion du Cameroun.Quand Maître Emmanuel Essissima a eu des problèmes avec les Français, il a décidé d’abandonner la boxe française pour le kick-boxing. Je l’ai suivi et j’ai été champion du Cameroun de kick-boxing à quatre reprises, entre 2002 et 2006. En 2007, j’ai été invité par le président de la Fédération camerounaise de boxe française, Ali Adji pour participer aux Jeux africains d’Alger, sous le drapeau malien. J’ai remporté la médaille d’or, avant de partir en Guinée équatoriale en 2011. Dans ce pays également, j’ai remporté le titre de champion (2012). Après ce sacre, j’ai décidé d’arrêter la boxe pour devenir formateur.

L’Essor : Comment êtes-vous devenu double champion d’Afrique ?

Moussa Guidiéra : En 2015, je suis retourné au Cameroun pour régler des affaires personnelles. Le président de la fédération, Maître Emmanuel Essissima m’a approché pour participer au championnat d’Afrique professionnel de kick-boxing que le pays s’apprêtait à organiser. Je n’avais pas envie d’y participer parce que je venais de faire trois ans sans monter sur le ring.On était à trois mois de la compétition et le président Essissima m’a finalement convaincu de tenter ma chance. J’ai repris les entraînements qui seront couronnés avec le titre de champion d’Afrique. Après la compétition, j’ai été reçu par Moussa Balla Diakité qui était à l’époque le consul du Mali au Cameroun. Il a alors appelé le ministre des Sports, Housseïni Amion Guindo pour l’informer de ma victoire. Quelques semaines plus tard, mon manager Mohamed Lamine Yaro est venu au Mali pour des séances de travail avec la Fédération malienne de kick-boxing et ils ont échangé. En 2016, je suis venu moi-même au Mali et j’ai passé tout mon séjour chez le ministre Housseïni Amion Guindo qui s’est engagé à organiser un championnat d’Afrique au Mali. C’est lors de cette défense de mon titre de champion d’Afrique dans la salle du Palais des sports Salamatou Maïga, que beaucoup de Maliens m’ont découvert. J’ai gagné le combat dès le troisième round contre le Nigérian Daniel Ochepu Godwin et décroché mon deuxième titre de champion d’Afrique des mi-lourds.

L’Essor : Pratiquer trois disciplines n’est pas chose courante, comment faites-vous ? Quel est votre secret ?

Moussa Guidiéra : Mon secret, c’est le travail. Quand je prépare une compétition, je m’entraîne six heures par jour (trois heures le matin et trois heures le soir). Si j’ai un autre secret, c’est mon poing gauche. Je suis un faux gaucher parce que je mets mon pied gauche devant. Généralement, un droitier met son pied gauche devant et un gaucher, son pied droit. Mais, je m’appuie sur mon pied gauche alors que je suis gaucher, cela me permet de surprendre la plupart de mes adversaires. Au Cameroun, des gens disent que j’ai des gris-gris dissimilés dans mon bogolan. Il n’en est rien.

L’Essor : L’Association malienne de boxe arabe a été lancée au Mali, il y a quelques mois.Que conseillez-vous aux responsables de cette association pour la bonne marche de la discipline au Mali ?

Moussa Guidiéra : La boxe arabe n’est pas connue en Afrique noire. C’est comme une nouvelle discipline sur le continent. Mon manager, Mohamed Lamine Yaro est le vice-président de la Confédération africaine de boxe arabe. Au départ, c’est la Fédération malienne de kick-boxing qui représentait la boxe arabe au Mali, mais la Confédération africaine de boxe arabe a refusé cela et c’est pour cette raison que l’Association malienne de boxe arabe a été créée. Je suis le directeur technique de l’association et je ferai de mon mieux pour vulgariser cette discipline au Mali. Je demande simplement aux responsables de notre association de mettre l’accent sur la formation et l’organisation des compétitions. Déjà, il y a beaucoup de kick-boxeurs au Mali et ces athlètes peuvent être d’un apport considérable dans la promotion de la boxe arabe à travers le pays. À la date d’aujourd’hui, il y a deux boxeurs qui sont prêts à représenter le Mali dans les compétitions internationales. Il s’agit de Djibril Sissoko et Mamadou Sacko qui résident, respectivement en Angola et en Algérie. Djibril Sissoko sera au Cameroun en mars 2022 pour une compétition. Avec le soutien du ministère en charge des Sports et des bonnes volontés, je pense qu’on peut développer cette discipline au Mali.

L’Essor : Vous résidez à Lomé au Togo, mais vous faites toujours vos stages de préparation au Cameroun. Y-a-t-il une explication ?

Moussa Guidiéra : J’ai grandi au Cameroun, ce pays m’a formé et tous mes entraîneurs sont des Camerounais. Je me sens à l’aise dans ce pays qui est un grand pays de sport. Mes entraîneurs sont des professionnels, ce sont des anciens combattants. Certains sont champions d’Afrique et d’autres, des champions du monde. Ils savent comment préparer un boxeur. Au Cameroun, j’ai un entraîneur qui s’occupe de la préparation physique, un autre qui est chargé de la préparation psychologique et un troisième qui s’occupe uniquement des aspects techniques.

L’Essor : Êtes-vous prêts à vous lancer à la conquête de la couronne mondiale ?

Moussa Guidiéra : J’ai toujours rêvé de la ceinture mondiale, mais la boxe arabe est une nouvelle discipline en Afrique noire et ce n’est pas facile de s’inscrire aux compétitions internationales, comme le championnat du monde. Non seulement il faut payer les frais d’inscription, mais il y a aussi les charges liées au voyage et à la préparation.Pour les compétitions organisées en Afrique, on peut faire des acrobaties, mais pour aller combattre en Europe ou en Amérique, c’est très compliqué. En 2019, j’ai battu le champion d’Europe, un Espagnol et je devais rencontrer un Américain l’année dernière pour la ceinture mondiale, mais le combat a été annulé à cause de la crise sanitaire.

L’Essor : À 37 ans, vous êtes proche de la retraite. Avez-vous déjà des projets en tête, concernant l’après-retraite ?

Moussa Guidiéra : J’ai deux salles à Lomé où j’encadre les jeunes. J’aimerai ouvrir une salle à Bamako pour former les enfants qui ne connaissent pas encore la boxe arabe. Dans les jours ou semaines à venir, je dois rencontrer les responsables de l’Association malienne de la boxe arabe pour parler de ce projet et j’espère qu’on trouvera rapidement un site d’entraînement pour lancer nos activités. Après Bamako, nous allons essayer de mettre quelque chose en place dans les régions également pour permettre à tous les enfants du pays qui le désirent de pratiquer la nouvelle discipline. Si possible, nous allons intégrer la boxe française qui devrait faire partie des disciplines des Jeux olympiques de Paris 2024. Il existe déjà une Fédération internationale de boxe française, ce qui est un gros avantage.

L’Essor : Avez-vous un message pour le public sportif malien ?

Moussa Guidiéra : Je demande au public sportif malien de soutenir tous les sportifs qui représentent le Mali dans les compétitions internationales, ce sont des guerriers. J’invite également les opérateurs économiques et les entreprises à encourager les sportifs à travers le sponsoring. Enfin, j’exhorte mes concitoyens, notamment les enfants, à s’intéresser aux arts martiaux et les autorités, à élaborer une vraie politique pour la promotion des différentes disciplines d’arts martiaux.

Interview réalisée par  Abdramane DIOMA

Source : L’ESSOR

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