Au Mali et dans beaucoup d’autres, les billets froissés et pièces lisses sont devenus indésirables dans les transactions. Le blogueur Souleyamane Sangaré alerte sur ce casse-tête.
« Tu me prends pour qui en me donnant cette pièce lisse comme la tête d’un lacrou (nouvelle recrue dans l’armée). Tu penses que je suis bête ou bien tu te crois plus malin ? », lance le passager engagé dans une dispute avec un apprenti Sotrama (transport en commun), à cause d’un problème de monnaie. Le passager refusait une pièce de 200 francs CFA dont une face est lisse, donc considérée comme « inutilisable ».
Il jette presque à la figure de l’apprenti la pièce usée et en exige une autre. La réponse de ce dernier n’est pas non plus des plus courtoises : « Je ne travaille pas à la BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) et je n’ai pas une machine à la maison qui fabrique de l’argent, ni toi d’ailleurs ». En furie, le passager n’a pas attendu une seconde pour lever la main sur l’apprenti Sotrama. Il a fallu l’intervention du chauffeur pour calmer la situation.
Casse-tête
A Bamako, les scènes de ce genre sont devenues une composante du quotidien des passagers et des transports en commun. En janvier 2019, un passager à mis fin à la vie d’un apprenti à la suite d’une dispute autour d’une pièce de monnaie lisse, selon des témoins.
Ce n’est pas la première fois que j’assiste à une scène pareille pour les mêmes motifs. A plusieurs reprises, des boutiques de mon quartier et des commerçants au marché ont refusé de me prendre des billets froissées. Lorsque tu poses la question de savoir pour quelle raison, il n’y a pas mille réponses : « Les banques n’acceptent pas les billets froissés et les pièces lisses »
Ousmane est gérant d’une boutique. Chaque jour, certains de ses clients refusent de prendre des billets ou pièces qu’il leur donne. Chaque fois qu’il doit effectuer un versement à son magasin de farine, il revient avec de la monnaie refusée : « Cette histoire devient de plus en plus un casse-tête, s’indigne-t-il. Avant, les commerçants grossistes prenaient tout. Aujourd’hui, ils refusent de prendre les billets tachetés, et surtout les pièces de deux cent cinquante francs CFA. Si la pièce à une face lisse, c’est pire. Aucune banque n’a appelé les commerçants à refuser ces billets. »
Entretenir les billets
Ce qui me choque, c’est qu’alors que nous sommes parmi les pays les plus pauvres du monde, nous nous offrons le luxe de trier les billets et les pièces de monnaie. Selon Touré Fadimata Yattara, une ancienne employée de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à sa connaissance, aucune consigne n’a jamais été donnée par la BCEAO à ceux qui refusent les billets tachetés ou les pièces lisses : « Aucune consigne ne vient de la BCEAO, parce que chaque dernier jeudi du mois, les gens venaient échanger les pièces et les billets usés. Et si la BCEAO accepte de le faire, pourquoi pas les autres banques ? Mais je pense que, de toutes les façons, il faut prendre soins des billets, et des pièces aussi »
Si la BCEAO n’a donné aucune consigne dans ce sens, je me demande bien où se situe le problème. Il n’y a pas un Malien qui n’a pas été une fois victime de cette situation. Les associations des consommateurs, si elles existent (parce qu’elles sont peu audibles), doivent prendre ce problème au sérieux.
Source: benbere