Depuis un certain moment, on assiste au nord-est du Mali à des affrontements meurtriers récurrents entre Peulhs et Touaregs. Des informations officielles émanant du Gouverneur de la toute nouvelle région de Ménaka, indiquent que ces attaques seraient l’œuvre de « Peulhs à motos », accusés de faire partie de l’Etat islamique, qui auraient agi en guise de représailles suite à des opérations meurtrières de deux groupes armés, le Mouvement du Salut de l’Azawad (MSA) et le Groupe d’Autodéfense Touareg Imghads et Alliés (GATIA).
Or, il n’est un secret pour personne que ces deux mouvements armés touaregs sont soutenus par la mission Barkhane. Aussi, le GATIA est couramment désigné par les médias et les officiels français comme le supplétif de l’armée malienne. Pour quel intérêt les autorités maliennes et la mission Barkhane soutiennent-elles des mouvements armés ethniques, d’obédience touarègue contre un autre mouvement armé ethnique d’obédience peuhle, fut-il considéré à tort ou à raison comme faisant partie d’un groupe terroriste appelé Etat Islamique ?
L’opération Barkhane, créée à la suite de Serval, a normalement pour mission officielle de lutter dans l’espace sahélo-saharienne, en compagnie des armées régulières, contre le terrorisme international. Mais lorsque Barkhane s’associe à des groupes armés ethniques contre d’autres, à partir d’un simple et dangereux amalgame que les composantes ethniques de ce groupe armé seraient toutes des terroristes, pour attiser la haine interethnique, il y a lieu de s’inquiéter vivement. Surtout lorsque cette logique destructrice est hélas, apparemment partagée par les autorités maliennes qui, au lieu de dénoncer l’attitude de la mission militaire française, s’y accommodent. A l’effet de considérer qu’elles contribuent à attiser la haine ethnique entre Touaregs et Peulhs.
En Syrie, l’armée française, dans le cadre de la coalition internationale, intervient à la fois contre l’Etat souverain et semble-t-il, contre les mouvements « djihadistes ». Dont paradoxalement, certains sont ouvertement soutenus militairement et financièrement par cette même coalition internationale, pour permettre la chute du régime de Bachar Al Assad. L’attitude de Barkhane au nord-est du Mali serait-elle dans la même logique de stratégie politique adoptée par la France en Syrie, une stratégie qui viserait visiblement à diviser pour régner ?
La mission de l’opération Barkhane, a normalement le devoir de lutter contre le terrorisme au Sahel, avec l’appui des armées régulières. Elle n’a pas vocation à nouer un partenariat militaire avec un quelconque groupe militaire pour traquer le terrorisme international. Or malheureusement au nord-est du Mali, elle a choisi de s’allier, au vu et au su de tous, avec le MSA. Un mouvement armé dont le secrétaire général s’est récemment vanté, lors d’une interview à « Jeune Afrique », que ses éléments armés patrouillent avec les forces françaises, pour traquer les terroristes.
Une attitude très compromettante pour la recherche de la paix et de la réconciliation au nord du Mali et qui s’oppose aux termes de l’Accord entre le gouvernement et la rébellion touarègue issue du processus d’Alger. Car, tant que les forces françaises et maliennes n’affichent pas la neutralité et la fermeté entre les groupes ethniques et/ou communautaires, dans l’accomplissement des missions à elles confiées, il n’y aura jamais de trêve dans les affrontements au nord-est du Mali. Le cycle d’attaques/représailles va hélas continuer !
Gaoussou Madani Traoré
Source: lechallenger