Le frère d’Aminata a battu sa femme jusqu’au sang. Elle a décidé de porter plainte contre lui, mais la famille s’y oppose. A travers ce billet, ne sachant plus que faire, elle demande l’avis des lecteurs de Benbere.
Au Mali, les liens de parenté sont tels que certains actes finissent toujours par être pardonnés voire cautionnés par la société. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui je suis confrontée à une situation où je suis partagée entre mon humanisme, mon militantisme et mes liens familiaux.
Je suis Aminata. J’habite avec ma mère, mon frère, sa femme et mon petit frère. Nous sommes une petite famille tranquille. Sauf qu’il y a quelques jours, une nuit a été vraiment tourmentée pour nous. Après la prière de la nuit, je m’étais allongée pour dormir. Brusquement, ma mère, inquiète, paniquée et affolée, est entrée dans ma chambre et me dit :
« Si tu ne te lèves pas, ton frère va tuer sa femme. »
Des violences concrètes sur sa femme jusqu’au sang
J’ai sursauté et quitté mon lit pour aller constater les faits. En fait, mon frère venait de battre sa femme et l’avait blessée à la tête. Elle était en sang et pleurait à chaudes larmes.
J’avais toujours entendu parler des violences basées sur le genre, mais je ne me doutais pas que cela se produirait sous notre toit. Mon premier réflexe était de secourir sa femme et en sortant j’ai fait savoir à mon frère que je porterai plainte contre lui.
Selon les statistiques, 1948 cas de violences faites aux femmes et aux filles ont été enregistrés en 2018. Ces chiffres m’étaient familiers, car j’ai pris part à de nombreuses rencontres sur la lutte contre les violences basées sur le genre. Cela ne laissait pas ma conscience tranquille d’avoir de la compassion pour un bourreau et peu importe les liens que j’avais avec ce dernier. Sauf que la famille est intervenue : la médiation a pris les devants. Je veux déposer la plainte mais je suis coincée.
Ton frère ne le refera plus
Les arguments de la famille sont pareils : « C’est ta famille, il ne le refera plus. C’est entre lui et sa femme. » Il m’a même fait savoir qu’il était désolé et j’ai répondu que le coup était déjà parti.
Depuis cette histoire, quelques questions me tourmentent. Chaque femme battue a une famille qui peut accepter que son enfant sorte de ce genre de mariage. Mais, quelle est la part de responsabilité de la famille de l’homme ? Pourquoi les gens aiment négocier le « non négociable » ? Et si la famille du mari aidait à stopper les violences basées sur le genre ?
Après le mariage, au Mali, les hommes amènent leurs femmes à vivre la plupart du temps avec leurs parents. Et quand les violences commencent, ils sont les premiers témoins. Quelles actions concrètes mènent-ils pour que ça s’arrête, hormis les négociations et les conseils. Font-ils réellement pression sur l’homme? Si oui, jusqu’à quel niveau? Quelle est la part de responsabilité de chacun ? Devrais-je aimer mon frère au détriment de la sœur d’autrui ?
Je suis perplexe face à ces questions, aidez-moi à savoir si je dois porter plainte ou pas.