C’est avec un grand ouf de soulagement que le peuple malien dans son intégralité a appris le paraphe du document du projet d’accord d’Alger sur la paix. Ce paraphe est rendue possible grâce à l’implication effective de la Communauté internationale, mais surtout, grâce à l’implication courageuse du gouvernement algérien.
Curieusement, ce paraphe est perçu différemment par l’élite malienne. Cette démarche du gouvernement consistant à privilégier le dialogue dans la fermeté, est mal perçue par certaines couches. A cela s’ajoute la politique de l’intox entretenue par certains, à propager des rumeurs tendancieuses d’une probable république fédérale malienne en gestation.
À cela se mêlent à la danse macabre certaines personnalités de l’extérieur par la transformation de certains médias en relais du mensonge, de la désinformation et de l’intox. La position de certaines presses françaises comme TV 5 et France24, qui affirment que «le gouvernement malien et les milices pro-Bamako ont paraphé», illustre cela à merveille.
Nous conseillons aux ennemis de la paix au Mali que si leur attitude contre les autorités du Mali est uneplaisanterie à travers le dénigrement du paraphe de ce document, elle est pour le moins de mauvais goût. Si c’est du chantage, il est insupportable pour une population malienne encore traumatisée par les effets de la guerre, du déplacement et de l’exil forcé d’une frange importante de sa population, quoi qu’on en dise. Et si c’est de la diversion, alors elle manque de finesse. C’est grâce aux dialogues constructifs que les plus grands seigneurs de guerre se sont reconvertis en leaders politiques, et obtenir de grands prix de la paix comme Arafat, Nelson Mandela, et j’en passe.
Pour ce qui est du septentrion malien, le constat amer révèle la situation suivante: le nord de notre pays est devenu le centre névralgique du trafic de drogue, dont les recettes contribuent à alimenter les réseaux terroristes pour l’achat des armes. Les narcotrafiquants s’adonnent à cœur joie à ce commerce meurtrier. Le Mali est en train d’être déstabilisé sur toute sa dimension territoriale malgré la présence des forces internationales comme la MINUSMA, BARKHANE et autres.
Les hors la loi, les trafiquants d’armes et de drogues et les rapaces de la sous-région pour leurs seuls intérêts sordides et égoïstes sont de retour avec cette situation mi paix mi guerre. Déstabiliser toute la bordure du Sahara pour contrôler ses richesses et œuvrer pour mieux consolider l’existence des groupes identitaires, tels sont leurs objectifs. Ces ennemis de la paix, à travers les soutiens à la fois financiers et moraux aux terroristes et aux trafiquants de drogues visent à instituer des états nains, en vue de contrôler les richesses des pays limitrophes du Sahara en particulier et du Mali en général.
Le mal maintenant connu, le seul remède réside dans la conjugaison des efforts de tout un chacun. Le dialogue constructif dans la fermeté est une stratégie payante. C’est grâce au sens du dialogue que nous avions abouti aux cessez le feu, à l’accalmie, au paraphe de cet accord qu’à la guerre ouverte. La guerre n’a jamais été une solution définitive d’un conflit.
L’attitude des autorités maliennes à Alger contre les velléités de riposte guerrières prônée par certains nous rappelle la sagesse, l’humilité et l’humanisme de la Reine Balkhisse dans la sourate: les Fourmis du verset 33 au verset 35, lorsque ses Généraux l’ont assuré de la victoire contre les troupes du Roi Salomon. «Nous possédons la force physique et le courage et nous portons secours, sans redouter la guerre. Vois donc ce que tu veux nous ordonner de faire et nous t’obéirons». Et la Reine Balkhisse après mure réflexion, en s’opposant à la guerre dit ceci: «quand les rois entrent dans une grande ville avec leurs armées, ils la corrompent, ruinent sa prospérité, anéantissent la culture et la progéniture. C’est ainsi qu’ils agissent toujours».
Quant à moi, Reine Balkhisse, préférant la paix et le salut à l’affrontement armé, je vais envoyer un présent au Roi Salomon et à son peuple et j’attendrai ce que les émissaires me ramèneront:l’acceptation ou le refus du présent. La sagesse, l’humilité et l’humanisme de la Reine Balkhisse ont permis de monnayer la guerre ouverte et l’affrontement armé contre l’entente et la paix de la troupe du Roi Salomon, en mariage avec ce dernier.
Concernant ce projet d’accord de paix d’Alger, nous soulignons au passage qu’il n’y a pas d’accord parfait. Pour preuve, le pacte d’El Houdaybiya signé entre le Prophète Mohamed (PSL) et les mécréants de la Mecque en est une parfaite illustration. Le texte du traité d’Houdaybiya, écrit par Ali ibn Abi Talib sous la dictée du Prophète stipulait ceci: «la qualité de Prophète qui accompagne le nom de Mohamed ne doit pas figurer sur le texte, parce qu’ils ne le reconnaissent comme un prophète. Les musulmans retourneront chez eux à Médine après avoir parcouru des centaines de kilomètres cette année (sans avoir accompli l’oumra). Si un membre de l’autre camp se réfugie chez Muhammad sans l’autorisation de son protecteur (Wali), il sera restitué à la Mecque, tandis que si un partisan de Muhammad revient à la Mecque, il ne sera pas restitué à Médine. La guerre sera suspendue pour dix années, période durant laquelle les deux parties vivront en totale sécurité sans jamais combattre».
En ce qui concerne le cas Mali, plusieurs accords ont été signés avec les frères armés durant ce conflit. Nous citerons entre autres Tamanrasset, le pacte national en 1992, l’accord d’Alger de 2006, l’accord préliminaire d’Ouagadougou de juin 2013. D’ailleurs, c’est cet Accord préliminaire d’Ouagadougou qui a servi comme document de base à cet accord que certains critiquent aujourd’hui.
L’avantage de cet accord réside dans le fait le caractère unitaire et la forme républicaine du Mali ont été préservé d’une part, et d’autre part, qu’il a un garant crédible comme l’ONU, l’Union Africaine, l’Organisation de la Coopération Islamique, Union Européenne, la CEDEAO, et des pays comme l’Algérie, la Mauritanie, le Tchad, le Niger, etc.
Le nom «Alger» qui accompagne cet accord, a fait réagir certains comme un accord imposé. Mais l’histoire retiendra que la plupart de traités et conventions internationaux portent le nom des villes d’accueil. Nous citerons entre autres Vienne, Copenhague, Rome, Carthage, Lusaka, Kimberley, etc. A part l’accord préliminaire de Ouagadougou, tous ces accords cités ont été signés sous l’égide de l’Algérie, un pays voisin et ami.
Nous encourageons le gouvernement à aller vers tout ce qui pourra donner à ce peuple une paix durable fut-ce le paraphe de cet accord. Mais aussi, nous l’exigeons de la prudence, et de faire beaucoup attention à certains pièges syntaxiques du droit.
Certaines parties sont gênantes au vu de beaucoup comme par exemple: Assemblée Régionale, le mot Azawad.
La réaction de tout Malien soucieux de la paix devrait être d’encourager le gouvernement par des propositions concrètes. Par Assemblée Régionale, nous entendons que chacune des régions du Mali (pas seulement du nord) aura la possibilité d’élire une assemblée au suffrage universel direct et chaque Assemblée régionale (Kayes, Ségou, Mopti, Sikasso, Kidal, Tombouctou et même les régions en attente de création) va élire son propre Conseil Régional.
En un mot, donner la possibilité de la libre administration des collectivités. Mais nous exigeons en contrepartie que le Mali ne renoncera à jamais l’aspect régalien de l’état, et jouira pleinement son intégrité territoriale, la forme républicaine et laïque comme socle. Egalement, le terme Azawad ne correspond pas à la configuration d’un état, une entité politique, un ensemble de régions, un statut particulier à certaines régions.
Chaque jour qui passe sans accord signé est attentatoire à la vie de milliers de Maliens, avec des mines qui sautent, des embuscades sanglantes, de pluies de roquettes sur nos villes, des déplacements et exils forcés de populations, des régions (Kidal surtout) avec des enfants sans écoles et sans centre de santé adéquats.
Nous invitons nos frères en armes à diligenter le paraphe de ce document pour plusieurs raisons. Que nos frères en armes comprennent que, sans accord, le septentrion malien demeurera le théâtre tragique d’une aventure criminelle, un entrepôt d’otages et un sanctuaire pour les barons de la drogue, à cause de nos propres erreurs d’appréciation et de notre manque d’anticipation.
Sans accord, c’est le scénario tragique où l’existence même de notre pays peut être fortement menacée par des narcotrafiquants et d’autres acteurs du crime organisé et transfrontalier. L’attentat criminel survenu à Bamako avec moins cinq morts dans la nuit de Vendredi par un commando armé, que nous condamnons avec la dernière vigueur, sont aussi les effets néfastes collatéraux de l’absence d’accord.
Il est aujourd’hui urgent que les Maliens de tous bords pèsent de tout leur poids dans la balance pour éteindre les incendies, apaiser les rancœurs et aider nos autorités à lutter efficacement contre ces fléaux qui gangrènent le septentrion malien, comme les réseaux terroristes, les cartels de la drogue, les enlèvements et autres.
Au nom de notre Communauté, nous tenons à saluer et féliciter les négociateurs de l’Accord d’Alger pour la sagesse, la sérénité et la clairvoyance qui ont caractérisé leur démarche. Qu’Allah le Tout le Puissant inspire tous les acteurs de la paix pour un aboutissement heureux et satisfaisant du reste de la négociation. Amen!
Par Mohamed KIMBIRI – AISLAM
1er Secrétaire à l’Organisation du Haut conseil islamique
source : 22 Septembre