Invité de France 24, le mercredi 1er mai, dans le cadre de l’émission Entretien, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé qui effectue actuellement une visite en France a répondu sans détours à Jean Karim Fall sur toutes les questions que se posent aujourd’hui les Maliens.
Modibo Sidibé
Toutes les « questions pièges », Jean Karim Fall s’est fait un devoir de les sortir face à Modibo Sidibé : la longue présence au sommet de l’Etat; la durée au cœur du pouvoir malien; la responsabilité personnelle dans les évènements qui sont survenus au Mali; les relations avec l’armée et avec le capitaine Sanogo ; comment expliquer l’effondrement de l’armée malienne; la responsabilité dans l’installation des djihadistes au Mali; la responsabilité dans la transformation du Mali en un narco-Etat; les élections en juillet et la faisabilité de l’agenda électoral.
Devant une charge aussi rude que frontale l’ancien Premier ministre du Mali, connu pour son impassibilité, a à peine marqué le coup. Accueillant les questions avec sérénité, il s’est efforcé d’apporter les explications qu’attendait le journaliste, sans toutefois jamais tomber dans le piège du discours pro-domo, et de vouloir défendre une position personnelle. La tentation était cependant assez forte. La subtilité avec laquelle Modibo Sidibé a apporté son éclairage sur la situation du Mali ne satisfera certainement pas beaucoup de ses compatriotes, désireux de montrer du doigt celui ou ceux par la faute des quels le pays s’est effondré. Mais c’est parce qu’il n’y a pas un fautif à désigner. Modibo Sidibé a dit les causes conjoncturelles mais aussi structurelles de la défaillance de l’Etat depuis de longues années. Il a tenu à préciser que les faiblesses aujourd’hui reprochées à l’Etat du Mali, sont en réalité des faiblesses présentes à des degrés divers dans beaucoup d’Etats africains. Et si les djihadistes se sont installés au Mali et ont prospéré pendant ces dernières années, la faute en incombe certes au premier chef à l’Etat du Mali, mais également à l’absence de coopération avec les autres Etats de la sous-région, dont certains ne mesuraient pas assez les risques encourus par tous. La crise libyenne a eu le mérite de servir de révélateur de la véritable menace qui planait sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne, en ceci que la guerre que livre le Mali aujourd’hui et les menaces auxquelles tous les pays du champ font face à des degrés divers, sont la conséquence directe de la chute du leader libyen.
Construire l’avenir du Mali
Interrogé sur sa vision du futur du Mali, Modibo Sidibé s’est voulu résolument optimiste. Pas un optimisme de façade, mais l’expression de la volonté d’un acteur désireux de s’inscrire dans une dynamique de changement. Ainsi, refusant de commenter les péripéties des interpellations dont il a été l’objet à la suite du coup d’Etat du 22 mars 2012, il a fait la distinction nette entre un capitaine Sanogo avec lequel il n’a pas de compte particulier à régler, et l’armée malienne qui dans son essence se doit demeurer une armée républicaine. C’est avec une armée républicaine, pétrie de ses responsabilités, qu’il sera possible de reconstruire un Etat du Mali plus fort, avec des institutions fortes. Bien qu’ayant été arrêté plusieurs fois, Modibo Sidibé dit ne pas vouloir regarder dans le rétroviseur. Ce qui s’est passé s’est passé et le plus important aujourd’hui, selon lui, c’est de se projeter dans l’avenir en travaillant à la construction du Mali nouveau.
C’est cette volonté d’aller de l’avant qui lui fait redire son intention d’être candidat à la prochaine élection présidentielle. Conscient des difficultés nombreuses qui subsistent encore, Modibo Sidibé appelle l’ensemble des acteurs à discuter en toute transparence de ces difficultés, plutôt que de s’évertuer à soulever les obstacles sur la route des élections. En la matière, c’est la responsabilité de tous qui est engagée selon lui ; l’Etat ne pouvant se contenter de fixer une date butoir et les politiques dénoncer les difficultés. Le nouveau Mali devra, selon lui, réussir là où le Mali jusqu’à présent n’a pas réussi : impliquer davantage le citoyen. Selon Modibo Sidibé en effet, au Mali, nous avions gagné la République, gagné la démocratie, mais n’avions pas gagné le citoyen. C’est avec des citoyens conscients de leurs obligations et droits, fortement impliqués dans les affaires de la cité, qu’il nous sera possible de construire le Mali nouveau. Au sortir de cet exercice délicat, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé pourra se féliciter d’avoir entamé le chemin de vérité que les Maliens attendaient de lui. Le meilleur est sans doute à venir, quand il descendra dans l’arène politique, lui qui pendant toutes ces années, a été plutôt un haut technocrate au service de la Nation.
Soungalo DIARRA