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Modibo MAO Makalou: « Il est important d’expliquer aux populations l’impact d’une nouvelle monnaie sur leurs vies »

A quelques encablures de la mise en circulation de la nouvelle monnaie, ECO, annoncée, Modibo Mao Makalou, Economiste et Gestionnaire financier, non moins ancien conseiller économique à la Présidence de la République, explique le sujet sur le plateau de nos confrères d’Africable. Selon lui, il est important de préparer les populations aux changements qui vont s’opérer dans leur vie en cas de changement de monnaie.
Modibo Mao se veut sceptique quant au respect de la date indiquée (2020) pour l’entrée en vigueur de la nouvelle monnaie. Il affirme que cela va être difficile surtout dans le processus d’intégration dans lequel se trouvent les Etats, notamment l’espace Cedeao qui regroupe les 15 Etats de l’Afrique de l’Ouest. Selon lui, l’Union monétaire est le dernier degré pour l’intégration. Ce, parce que d’abord, une zone de libre-échange, les barrières douanières, les marchés communs et finalement il y a l’Union économique et monétaire, où les pays doivent harmoniser leurs politiques fiscales et monétaires. L’économiste pense aussi que la convergence des économies entre certains pays est extrêmement difficile. Mais, il soutient que ce n’est pas insurmontable puisque le mécanisme existe déjà au niveau des unions économiques et monétaires. Pour lui, il s’agit maintenant d’un réel effort commun pour la stabilité de la monnaie, mais aussi des différentes économies face aux chocs exogènes. « C’est un effort de solidarité. Et huit pays le font depuis un certain nombre d’années. Mais quand il s’agit de 15 pays, cela devient encore très compliqué… Et d’expliquer : « Pas plus tard que la semaine dernière, le taux directeur de la Banque du Nigeria était à 13,5% alors que celui de la Becao était 2,5%. Cela veut dire que le prix de l’argent, le coût auquel la Beceao prête aux banques commerciales est faible. En plus, vous avez le taux d’inflation au niveau de l’Uemoa. Les critères de convergence de premier rang veulent que l’inflation soit inferieure à 3% dans la plupart des pays qui ont leur propre monnaie au sein de la Cedeao ; le taux d’accroissement est au niveau de 10% ; au Mali, il est de 2% », indique l’économiste.

La valeur de l’éco par rapport à l’euro ?

Le spécialiste des questions monétaires se veut très prudent. Cependant, il informe qu’il y a un travail technique qui est en train d’être fait sous la supervision de la Banque centrale du Nigeria, sur ce que sera la valeur de l’éco. « Je pense que ça sera fait en fin d’année au sommet de la Cedeao, en décembre 2019. Il y a beaucoup de spéculations, mais le travail est en train d’être fait », rassure-t-il. Aussi, Modibo Mao explique-t-il qu’il est important de faire des discussions pour que les gens sachent pourquoi ils vont avoir une nouvelle monnaie, que sera la Cedeao avec cette nouvelle monnaie. Mais aussi et surtout ce qui va changer dans leur vie. « Cela est extrêmement important», dit-il.

Des inquiétudes surmontables

Malgré les supputations et les inquiétudes que suscitent l’annonce de la nouvelle monnaie, en économiste averti, Modibo Mao Makalou est serein. Ainsi, il pense que toutes les appréhensions sont surmontables. « …Le Nigeria avait quelques appréhensions et aura encore des appréhensions, parce que c’est une grande économie de notre continent », affirme-t-il, et d’estimer qu’elles ne sont pas forcément un blocage à l’aboutissement du processus.

Aussi, l’ancien conseiller économique de la présidence ne voit pas d’un mauvais œil les propos du président ivoirien au sujet de la nouvelle monnaie. Il apprécie plutôt les propos d’Alassane Ouattara.

Modibo Makalou explique que tous ceux qui connaissent le président ivoirien ont compris qu’il savait de quoi il parle pour avoir été l’un des premiers cadres africains, collaborateurs du 1er directeur de la Bceao. Il estime que le président n’a fait que donner son point de vue et que tout ce qu’il a dit ne sont que des hypothèses. Notamment quand il dit : «…Mais, moi, je pense qu’avec ces différents accords, les pays de l’Uemoa sont prêts pour adhérer à l’éco…Mais je ne pense pas que tous les pays soient prêts… Est-ce qu’on peut se permettre un autre report ? Quelles vont être les dispositions transitoires ? » De son avis, c’est de cela que le président Ouattara voulait parler. A son tour, l’économiste pense que cela est justifié dans la mesure où au lieu de reporter une autre fois sa mise en œuvre, est-ce que les pays de la zone CFA pourraient adapter l’éco en attendant les autres qui ne sont pas prêts. Et de se demander ‘’Est-ce qu’en tant qu’Africains, nous allons permettre à des pays d’adopter notre monnaie qui ne répond pas aux critères de convergence ? ‘’. Parce que, dit-il, « la monnaie, c’est d’abord la crédibilité. C’est la confiance qu’on accorde et c’est le pouvoir d’achat des populations. Donc, c’est très sérieux et les critères sont là, et ils doivent être la même chose pour tout le monde.»

L’apport de l’éco aux pays de la Cedeao

Très enthousiaste quant à l’apport de la nouvelle monnaie aux économies de la Cedeao, Modibo Mao soutient : « Si l’éco était adoptée par les 15 pays africains, je pense que cela serait une manne du ciel. Parce que, c’est ne pas seulement qu’elle fait l’économie, mais, la monnaie est un moyen d’émancipation. » Il explique cela par le fait que nous sommes dans un monde de plus en plus interdépendant et que la richesse des nations se fait par la vente et l’achat des biens et des services. Donc, c’est à travers la monnaie que cela peut se faire. Pour lui, avec une monnaie commune, il y aura d’abord un marché commun, les pays pourraient augmenter la capacité de leurs économies, avoir des politiques communes, mutualiser leurs réserves d’échanges, avoir des économies d’échelles mais aussi surtout avoir des politiques industrielles qui leur permettront d’exporter des produits finis. Parce que, présentement, les pays n’exportent que des produits bruts et cela ne fait qu’appauvrir les nations. Parce qu’elles achètent par contre avec leurs partenaires les produits finis et cela est vraiment déficitaire pour leurs balances économiques et de leurs réserves d’échanges et surtout au détriment du pouvoir d’achat des populations.

Les économies en symbiose

L’harmonisation des économies a toujours été un idéal pour les pays africains. Modibo Mao pense que le plus important est de les mettre en symbiose. Partant, il estime qu’au-delà des critères de convergence, pour le premier rang dont la Cedeao en dispose cinq, l’Uemoa trois dont deux qui ne concernent point les pays de l’Uemoa, notamment financement des déficits budgétaires et les réserves d’échanges, la difficulté réside dans la mise des économies en symbiose. Parce que, dit-il, il ne saurait y avoir d’intégration s’il n’y a pas de convergence d’économie. Pour ce faire, il recommande de travailler ensemble à harmoniser les politiques de développement, de la planification économique. Pour lui, c’est la seule alternative pour pouvoir avancer.

Harber MAIGA

Source: Azalaï-Express
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