La présidente de l’Association «Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA-Association)», Mme SY Kadiatou SOW, a animé ce lundi 3 septembre 2018, à la Maison de la presse du Mali, une conférence de presse sur le processus électoral au Mali, notamment la réélection du Président Ibrahim Boubacar KEITA.
C’était en présence du Pr Ali Nouhoum DAILLO et du doyen Bouba TRAORE, tous deux vice-présidents de l’ADEMA ; du Dr Oumar MARIKO, président du parti SADI ; de Souleymane KONE, vice-président du parti FARE An Ka Wili, ainsi que des militants et sympathisant de l’association.
De sa déclaration liminaire, il ressort que notre unité nationale est ébranlée et la cohésion sociale fortement entamée au sortir de l’élection présidentielle de 2018.
Selon cette icône de la démocratie malienne, le président Ibrahim Boubacar KEÏTA qui prête serment, ce matin, est mal élu
S’exprimant sur le processus électoral, notamment l’élection présidentielle, Mme SY n’a pas fait dans la dentelle : «Nous avons fait l’analyse des faits, sur la base des différents rapports des observateurs nationaux et de résultats publiés bureau de vote par bureau de vote, et nous sommes arrivés à la conclusion qu’’il y a pas de doute qu’il y a eu bourrage d’urnes, achats de conscience», a-t-elle critiqué. Et d’ajouter :
«Pour nous, ces élections ne se sont pas passées dans de bonnes conditions. Cela n’honore pas la démocratie malienne», s’est-elle insurgée.
Avant de poursuivre que son Association avait appelé dès le déclenchement de la polémique autour du fichier électoral, à attirer l’attention de tous les acteurs sur le fait qu’il y a des menaces qui pèsent sur notre processus électoral.
«Nous avons fait appel à tous les acteurs, y compris la communauté internationale, de sortir de la langue de bois et de faire preuve d’impartialité», a-t-elle dit.
Répondant à la question de savoir si le président Ibrahim Boubacar KEITA a été élu de façon légale et légitime, Mme SY a indiqué que du moment où la Cour constitutionnelle l’a déclaré élu, ‘‘il est légal’’.
Compte-tenu des différentes sensibilités de son Association «L’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA -Association», elle a préféré ne pas se prononcer sur la légitimé du président élu. Cependant, à titre personnel, a-t-elle déclaré: «Si j’étais élu dans ces conditions, je n’allais pas être fière de moi-même».
Pour étayer ses propos, elle a rappelé qu’IBK a été plébiscité en 2013 avec plus de 77%, avant d’indiquer qu’avec les moyens de l’Etat et l’Administration à sa disposition, il n’a pas pu être réélu dès le premier tour. En outre, au second tour, il a perdu 10 points par rapport à 2013 et se retrouve avec 67%, malgré tout ce qui s’est passé.
«Ça veut dire ce que ça dire, mais cela ne peut pas être assimilé à un plébiscite», s’est-elle désolée. Au regard de tout cela, «Si j’étais élue à sa place, je n’allais pas être fière», a conclu la dame de fer.
S’agissant des marches et contre marches, elle a souhaité l’apaisement de la situation. Toutefois, a-t-elle ajouté : «Les rapports de forces de ne sont pas en faveur des contre marcheurs».
Elle s’est réjouie de constater que le régime en place a compris qu’il est dangereux de vouloir interdire les marches.
Selon la conférencière, le contexte actuel est différent de la révolution de mars 1991, mais que les prémices d’un soulèvement populaire sont là.
«Tout va dépendre de la manière dont les choses vont évoluer. On va observer. Mais, c’est vrai que les ingrédients sont là. Si les gens se sont battus pour avoir la liberté de choisir leurs dirigeants et que de tels actes sont posés, des décisions qui les privent de ce droit, il est normal que les gens manifestent leur colère et leur mécontentement. Tout dépendra de la façon dont cette colère et ces mécontentements seront gérés. Nous on ne veut pas présager d’une insurrection populaire. Aujourd’hui, tout le monde sait que le Mali a besoin de paix et de stabilité, mais il y a des parts de responsabilités qu’il faut assumer. Ce n’est pas la responsabilité des citoyens qui ont privé de leur droit que de créer les conditions pour qu’il y ait cette stabilité. Ceux qui ont mis en place, c’est eux qui seront responsables de ce qui se passera. Même si en tant que citoyen, chacun de nous doit réfléchir pour éviter le chaos à notre pays. Mais, on espère qu’il n’aura pas de morts comme il y en a eu en mars 91.»
Est-ce que le faible taux doit conduire à une annulation du scrutin, Mme SY tranche : «cela n’est pas un critère de validation du scrutin selon nos textes ».
Par contre, ce qu’elle déplore dans notre processus, c’est la manière dont les membres de la Cour constitutionnelle sont désignés.
Pour elle, cela n’est pas de nature à garantir l’indépendance des juges. «C’est pourquoi, nous appelons à des réformes institutionnelles», a-t-elle expliqué.
S’agissant de l’idée d’un gouvernement d’union nationale, Mme SY n’est pas favorable. Mais, elle a plus tôt appelé à un dialogue national pour sortir de cette crise postélectorale. En tant que association, leur rôle, n’est pas de dire qu’il est légitime, ou il n’est pas légitime, mais de dire ce qui n’a pas marché.
«Le plus important, c’est de faire face à la crise qui est déjà là, même si certains pensent que c’est une tempête dans un verre d’eau. Pour nous, ça ressemble plus à un ouragan qu’à une tempête», a conseillé Mme SY. Tirant des leçons de ces élections, elle a invité les plus hautes autorités, entre autres : à la nécessité d’engager des réformes institutionnelles, notamment la modalité de désignation des membres de la Cour constitutionnelle ; la réforme des organes en charge des opérations électorales, notamment, la création d’une structure unique compétente pour organiser les élections ; une réglementation plus rigoureuse du financement des campagnes électorales ainsi que sur l’utilisation des moyens et ressources de l’Etat dans la campagne ; la clarification des missions des structures en charge de l’accès égal aux médias publics notamment, les missions permanentes ( pas seulement pendant les campagnes électorales).
Si la tenue de l’élection du président à date échue, permet d’éviter un vide institutionnel, il n’en demeure pas moins, de l’avis de Mme SY Kadiatou SOW, qu’elle n’aboutit pas forcément et automatiquement à la prise en charge des questions et préoccupations essentielles des Maliens : la sécurité, le recouvrement de l’intégrité territoriale, le retour sur l’ensemble du territoire de l’administration dans tous ses démembrements (police, justice, économique, éducation , santé etc.), la libre circulation des biens et des personnes.
Par Abdoulaye OUATTARA
Info-matin