C’est à partir du 30 juin prochain que l’organisation des Nations-Unies procédera, sans doute, au renouvellement du mandat de la Minusma. A quelques semaines de cette échéance, Salifou Fomba, professeur de droit international et ancien membre de différentes commissions de l’ONU, apporte des éclairages sur certains points majeurs du mandat de la mission onusienne présente au Mali.
A la veille du renouvellement du mandat de la MINUSMA à partir du 30 juin 2019, il nous semble utile de porter à la connaissance des maliens des informations tirées des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui sont de nature à les éclairer sur certains points essentiels à savoir :
- l’origine malienne de la MINUSMA ;
- les principes fondamentaux de la MINUSMA ;
- l’adaptation du mandat de la MINUSMA aux besoins et à la situation du MALI;
- le respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali ;
- ce que le Mali doit dire au Conseil de sécurité à propos de la révision constitutionnelle conformément à l’article 118 ;
- l’insistance répétée sur le rôle premier du Mali ;
- l’étendue des pouvoirs de la MINUSMA ;
- l’origine malienne des sanctions ;
- le devoir des soldats maliens de respecter les droits fondamentaux des terroristes ;
- enfin la question centrale du maintien ou du retrait de la MINUSMA, qui est à l’esprit de tous les maliens.
- L’origine malienne de la MINUSMA :
Il ressort clairement de la résolution 2100(2013) :
- que c’est le gouvernement malien qui a demandé dans sa lettre datée du 25 Mars 2013, adressée au secrétaire général de l’ONU, le déploiement d’une opération des Nations Unies en vue de stabiliser la situation et de restaurer l’autorité et la souveraineté de l’Etat Malien sur l’ensemble du territoire ;
- quec’est en réponse à cette demande du Mali que le Conseil de Sécurité a par sa résolution 2100(2103) du 25 Avril 2013 créé la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali-MINUSMA- qui a commencé à travailler à partir du 1er juillet 2013.
Commentaire :
- les maliens savent maintenant que la MINUSMA n’est pas venue d’elle-même, mais qu’elle a été appelée par le Mali ;
- les maliens comprennent ici que le Mali a appelé la MINUSMA pour faire essentiellement deux choses : d’une part stabiliser la situation et d’autre part restaurer l’autorité et la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire, c’est cela le cœur du problème ;
- la MINUSMA est présente sur le sol malien cela fera maintenant 6 ans à la date du 1er juillet 2019 ;
- la question fondamentale est de savoir si en l’espace de 6 ans, la MINUSMA a accompli avec succès ou non le travail demandé par le Mali ;
- les représentants du peuple malien doivent interpeller le gouvernement sur cette question.
- Les principes fondamentaux de la MINUSMA
Il ressort clairement des résolutions 2100(2013) et 2423(2018) que la MINUSMA fonctionne sur la base de certains principes fondamentaux, à savoir :
- le principe du consentement des parties au conflit.Commentaire :
- cela veut dire que les soldats de la MINUSMA ne peuvent pas être stationnés sur le sol malien sans l’accord du gouvernement malien ;
- cela veut dire à contrario, que juridiquement rien n’empêche le Mali de retirer son consentement à l’ONU et de demander au conseil de sécurité le retrait des soldats de la MINUSMA ; sauf pour le Conseil de Sécurité à considérer que le refus du Mali d’admettre ces soldats sur son sol, constituerait en lui-même une menace contre la paix, ce qui serait une interprétation abusive et aberrante du chapitre VII de la charte de l’ONU ; une telle demande obligerait l’ONU, parce que le Mali est un pays souverain ; étant entendu qu’il appartiendra au conseil de sécurité d’apprécier les conséquences éventuelles d’un tel retrait sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales ; sans oublier que le Conseil de Sécurité peut lui-même décider de mettre fin au mandat de la MINUSMA, car il faut savoir que l’ONU ne va pas continuer à financer éternellement cette mission au Mali ;
- l’impartialité des soldats de la MINUSMA. Commentaire: cela veut dire que les soldats de la MINUSMA doivent observer une stricte neutralité à l’égard des parties maliennes au conflit, et s’abstenir d’interférer avec les affaires intérieures du Mali ;
- le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat. Commentaire: le message du Conseil de Sécurité est très clair ici, à savoir : i- qu’en principe les soldats de la MINUSMA ne peuvent utiliser les armes que dans deux cas : primo, pour assurer leur propre sécurité personnelle en cas de légitime défense ; secundo pour défendre leur mandat, c’est-à-dire dans le but d’être en mesure de remplir la mission conférée ; voir par exemple la Res. 2423 (2018) parag.34 qui dit que la MINUSMA ne peut mener d’opérations directes qu’en cas de menaces graves et crédibles ; ii- que les soldats de la MINUSMA ne sont pas en principe venus pour faire la guerre aux côtés des soldats maliens pour empêcher la guerre civile,comme ce fut le cas au Congo en 1961 à titre très exceptionnel suite à la mort tragique de Patrice Lumumba et du Secrétaire général de l’ONU, dans le contexte particulier de la sécession du Katanga, cas qui a d’ailleurs suscité une controverse juridique.
- L’adaptation du mandat de la MINUSMA aux besoins et à la situation du Mali.
Commentaire : cela signifie logiquement :
- que le Mali n’est pas exclu totalement du processus de décision au niveau du conseil de sécurité ;
- que la nature et le contenu du mandat de la MINUSMA sont définis conjointement par le Conseil de sécurité et par le Mali ;
- qu’en réalité c’est le Mali qui doit donner l’impulsion au Conseil de Sécurité, car c’est lui qui est censé mieux connaitre les problèmes, les besoins et les priorités que l’ONU.
- Le respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali. Commentaire:
- le Conseil de Sécurité martèle dans toutes ses résolutions son ferme attachement à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali, ce qui est une autre façon de rappeler au Mali son devoir naturel, logique et prioritaire de préserver ces principes politico-juridiques existentiels ;
- la souveraineté et l’intégrité territoriale sont des termes juridiques très importants dans la théorie de l’Etat en droit constitutionnel et en droit international ;
- mais il suffira simplement ici de faire pêle-mêle quelques remarques d’ordre général, à savoir : i- qu’on fait une distinction entre la souveraineté dans l’Etat ou souveraineté interne, et la souveraineté de l’Etat ou souveraineté externe ou internationale ; ii- que considérée globalement, la souveraineté interne signifie qu’il faut que les commandements de l’Etat, ses lois et ses ordres , soient respectés en « gros » ; iii- mais qu’il y a débat ici, car on peut considérer que le simple fait qu’une personne, ou même un quartier, une ville ou une province désobéissent ponctuellement, sans que l’Etat parvienne à leur imposer le respect de telle règle particulière, ni à sanctionner leur conduite, ne suffit à remettre en cause sa souveraineté, et donc son caractère d’Etat ; iv- qu’il n’en irait autrement que si cette situation de fait devenait générale et permanente, c’est-à-dire « normale » ; v- que la souveraineté externe ou internationale, elle, se définit en droit international comme suit : « la souveraineté , dans les relations entre Etats, signifie l’indépendance. L’Indépendance relativement à une partie du globe est le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques. Le développement de l’organisation nationale des Etats durant les derniers siècles et, comme corollaire, le développement du droit international, ont établi le principe de la compétence exclusive de l’Etat en ce qui concerne son propre territoire… » ; vi- qu’il ressort de cette définition que les deux caractères fondamentaux de la souveraineté territoriale sont : la plénitude de son contenu et l’exclusivité de son exercice ; la plénitude signifie le droit de l’Etat d’exercer selon sa propre appréciation discrétionnaire, toutes les fonctions de commandement destinées à favoriser les activités – licites au regard du droit international qui se déroulent sur son territoire ; l’exclusivité signifie que l’Etat exerce, par l’unique intermédiaire de ses propres organes, les pouvoirs de législation, d’administration, de juridiction et de contrainte sur son territoire ; vii- qu’en ce qui concerne l’intégrité territoriale, c’est parce que les Etats sont également souverains que : a- chaque Etat doit exercer un contrôle exclusif sur son propre territoire ; b- que l’intégrité territoriale est inviolable, ce qui signifie que chaque Etat doit respecter la souveraineté territoriale de l’autre ; viii- que dans la résolution 2100 (2013), le Conseil de Sécurité rappelle que l’intervention à la demande du Mali des forces françaises- appuyées par les FAMA et la MISMA – a permis de rétablir l’intégrité territoriale du Mali, en arrêtant l’offensive des terroristes et extrémistes dans le sud du Mali.
- Ce que le Mali doit dire au Conseil de Sécurité à propos de la révision constitutionnelle conformément à l’article 118 :
- c’est vrai que l’Accord pour la paix et la réconciliation contient certaines dispositions, notamment les articles 3 et 6, dont la mise en œuvre implique la révision de la Constitution du 25 Février 1992 ;
- mais il se trouve que l’article 118 de la Constitution pose un préalable fondamental à toute procédure de révision, à savoir qu’il ne soit pas « porté atteinte à l’intégrité territoriale du Mali », on ne peut donc pas ignorer ce point dans le débat national ;
- aussi la priorité des priorités pour le Mali, c’est de trouver un consensus national pour lever ce préalable ;
- il faut donc laisser au Mali le temps nécessaire pour réunir les conditions préalables à un dialogue national constructif, à savoir : i- que le gouvernement malien prenne une position claire, en démontrant avec des preuves à l’appui, à la date d’aujourd’hui, qu’il n’existe aucune forme concrète d’atteinte à l’intégrité territoriale ; ii- qu’il s’emploie à en convaincre toutes les composantes de la nation malienne, en prouvant: iii- que le territoire malien n’a été amputé d’aucune portion ; iv- que la tentative de sécession a échoué en ne débouchant pas sur la création d’un nouvel Etat dans l’Etat malien ; v- qu’aucun pays étranger n’a agressé le Mali ni occupé une partie de son territoire ; vi- qu’aucun groupe armé malien agissant seul ou avec une assistance étrangère quelconque, n’empêche actuellement l’Etat d’être présent, et d’exercer son autorité et sa souveraineté sur aucune partie du territoire malien ; vii- qu’aucun groupe de mercenaires, de terroristes ou d’extrémistes étrangers n’a conquis ni occupé une partie du territoire malien ; viii- qu’il n’existe à ce jour aucune forme concrète d’atteinte à l’intégrité territoriale ou à la souveraineté territoriale du Mali ; ix- bref, qu’il est incontestable, constatable et vérifiable avec la plus grande certitude, que le gouvernement malien exerce, à ce jour, un contrôle effectif et exclusif sur toute l’étendue du territoire malien, offrant ainsi toutes les garanties requises pour organiser de façon paisible, sûre, crédible et transparente, un référendum national pour réviser la Constitution ; x- qu’en cas de doute ou d’incapacité du gouvernement, il faut commettre un comité d’experts impartiaux chargé d’interpréter l’article 118 de la Constitution à la lumière des réalités sur le terrain et ce,au besoin avec l’appui de l’ONU. Commentaire : 1-le Président de la République a créé un comité d’experts chargé de réviser la constitution, ce qui est une bonne chose ; 2- mais ce fameux comité : a- sous réserve de ne pas agir ultra petita, b- faute pour le Président lui-même de le faire ex ante, c- et parce qu’il est composé d’excellents spécialistes de droit constitutionnel, se devait logiquement d’attirer l’attention du Président : d- sur l’obstacle préalable majeur à son travail que constitue l’article 118 ; e- et par conséquent sur l’impérieuse nécessité de procéder d’abord et avant tout à l’interprétation de l’article 118 pour dire au Président si oui ou non, dans la situation actuelle du Mali, il existe une forme concrète quelconque d’atteinte à l’intégrité territoriale ou à la souveraineté territoriale du Mali, qui est de nature à empêcher même partiellement l’organisation normale d’un référendum sur toute l’étendue du territoire national.
- L’insistance répétée sur le rôle premier du Mali :
Il ressort clairement des résolutions 2100(2013), 2374(2017), et 2423 (2018), que le Conseil de Sécurité a toujours reconnu et souligné le premier rôle du Mali dans les termes suivants :
- c’est aux autorités maliennes qu’il incombe au premier chef de régler les problèmes interdépendants auxquels le pays fait face et de protéger tous les citoyens ;
- un règlement durable de la crise malienne, y compris une solution politique ne peut être trouvé que sous la prééminence du Mali ;
- c’est avant tout aux autorités maliennes qu’il incombe d’assurer la stabilité, la sécurité et la protection des civils sur l’ensemble du territoire malien ;
- il importe que le Mali prenne en main les initiatives en faveur de la paix et de la sécurité ;
- les autorités maliennes ont la responsabilité première, en ce qui concerne les initiatives visant à atténuer les tensions intercommunautaires ;
- une des tâches prioritaires du mandat de la MINUSMA, est d’assurer, sans préjudice de la responsabilité première des autorités maliennes, la protection des civils menacés de violences physiques.
Commentaire :
- Il est maintenant clair pour les maliens que la MINUSMA n’est pas venue voler la place et le rôle du Mali dans la crise malienne, au contraire le Conseil de sécurité a toujours rappelé avec fermeté au Mali sa responsabilité première ; en effet c’est bien parce que le Mali a été incapable de résoudre ses problèmes qu’il a fait appel à l’ONU ; b- on peut même dire que si le drame d’Ogossagou s’est produit, c’est bien la faute du gouvernement, parce qu’il aurait dû réagir dès les premiers cas allégués d’exactions et les premières rumeurs faisant état de tueurs à la tenue de chasseurs, en recoupant les informations, en remontant rapidement à la source pour démasquer ces mystérieux tueurs, et en frappant très fort à titre d’avertissement ; plutôt que cela, le gouvernement a préféré jouer au « sapeur pompier » ou au « médecin après la mort », en prenant la décision « faussement spectaculaire » de dissoudre l’association d’auto-défense des chasseurs dogons ; ce qui aurait dû être fait bien avant, pour la simple et bonne raison que le démantèlement des milices et des groupes d’auto-défense a été prévu dès 2013- voir la résol. 2100 (2013) paragraphe16 al.a ; c- toujours à propos du dossier Ogossagou, en laissant de côté la question des qualifications juridiques possibles des faits, sur la base du principe « nullum crimen nulla poena sine lege », il faut savoir : i- que c’est la justice malienne qui a la priorité sur la CPI en vertu du principe de complémentarité sur lequel repose le Statut de Rome ; ii- que la CPI n’intervient pas automatiquement, qu’elle ne peut agir qu’en cas de défaillance du Mali, soit parce que l’appareil judiciaire malien est matériellement incapable de poursuivre et de juger les auteurs présumés, soit parce que le Mali ne veut pas le faire pour telle ou telle raison avouée ou inavouée.
- L’étendue des pouvoirs de la MINUSMA :
Il ressort expressément des résolutions 2100(2013) et 2423(2018) du Conseil de Sécurité que « Le Conseil de Sécurité autorise la MINUSMA à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat, dans les limites de ses moyens et dans ses zones de déploiement ».
Commentaire :
- la MINUSMA a des pouvoirs étendus, dans la mesure où pour remplir sa mission, elle peut utiliser tous les moyens nécessaires, b- sa capacité d’action n’a de limite que la mesure concrète de ses moyens ;
c- la principale question qui se pose ici est de savoir si l’expression « tous les moyens nécessaires » englobe ipso facto le recours direct aux armes ;
- il serait donc intéressant de connaître l’interprétation qu’en font l’ONU et le Mali.
- L’origine malienne des sanctions :
Il ressort clairement de la résolution 2374 (2017) du Conseil de Sécurité que c’est le gouvernement malien qui a, dans une lettre adressée au Président du Conseil de Sécurité le 09 Août 2017, demandé de mettre en place immédiatement un régime de sanctions ciblées, interdiction de voyager et gel des avoirs, contre ceux qui entravaient l’exécution de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
Commentaire :
- les maliens savent maintenant que ce n’est pas le Conseil de sécurité qui est venu, de lui-même, imposer des sanctions aux maliens, mais que c’est bien le Mali lui-même qui en est à l’origine ; b- il apparaît ici, qu’au moment de demander des sanctions, le gouvernement malien a dû raisonner à sens unique en pensant que les obstacles ne pouvaient venir que des autres protagonistes, en oubliant que cela pouvait être son propre fait et que lui-même pouvait être passible de sanctions.
- Le devoir des soldats maliens de respecter les droits fondamentaux des terroristes :
Il ressort de la résolution 2423 (2018) que le Conseil de sécurité :
- condamne fermement les attaques terroristes commises contre les forces de défense et de sécurité maliennes ;
- mais exprime sa vive préoccupation face aux accusations répétées de violation par les forces armées maliennes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la conduite d’opérations de lutte contre le terrorisme ;
- invite donc le gouvernement malien à mener des enquêtes crédibles et transparentes, et à punir les responsables.
Commentaire :
- le Conseil de sécurité rappelle ainsi au Mali que ses soldats ne sont pas au-dessus de la loi internationale et qu’ils doivent respecter les droits fondamentaux de l’homme lorsqu’ils combattent les terroristes ;
- les maliens doivent savoir ici que le Mali a des obligations en vertu du droit international, qu’il doit respecter de bonne foi ;
- que le droit international a la primauté sur le droit malien, qu’en cas de conflit entre la loi malienne et la loi internationale, c’est cette dernière qui l’emporte et doit être appliquée par le juge malien ;
- que le Mali ne peut absolument pas invoquer sa législation ou sa Constitution pour échapper à son devoir de respecter ses engagements internationaux, quelle qu’en soit l’origine ; il faut savoir ici que le débat est définitivement clos sur ce point.
- La question du maintien ou du retrait de la MINUSMA :
A la veille de la fin du mandat actuel de la MINUSMA le 30 juin 2019, une question fondamentale se pose : faut-il demander le maintien ou le retrait de la MINUSMA. Seul le gouvernement malien peut et doit y répondre parce que :
c’est lui qui est censé détenir la vérité sur la situation actuelle du Mali ; c’est lui qui est capable de dire et de démontrer si en 6 ans de présence sur le sol malien, la MINUSMA a réussi ou non à stabiliser la situation, et mieux, à restaurer l’autorité et la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire, car c’est bien cela le cœur du problème dans la mesure où nombre de tâches citées dans la résolution 2423(2018) comme étant prioritaires peuvent être considérées comme étant plutôt périphériques par rapport à cette question centrale. Il s’agit concrètement de dire si et dans quelle mesure l’assistance de la MINUSMA a permis ou non au gouvernement malien d’exercer un contrôle effectif et exclusif sur l’ensemble du territoire malien.
Première hypothèse – la MINUSMA a déjà accompli son mandat, elle doit donc partir maintenant : si le gouvernement malien estime que c’est bien le cas, c’est-à-dire qu’il maîtrise parfaitement la situation, avec preuves à l’appui, il doit conclure à l’accomplissement réussi du mandat de la MINUSMA, et en conséquence demander à l’ONU le retrait pur et simple de ses soldats ; auquel cas la volonté du Mali sera obligatoirement respectée par l’ONU, souveraineté oblige.
Deuxième hypothèse – la MINUSMA doit d’abord réinstaller militairement l’Etat malien dans son autorité et dans sa souveraineté avant de partir : si le gouvernement malien estime au contraire que ce n’est pas encore le cas, c’est-à-dire qu’il ne maîtrise pas la situation, il doit conclure à la nécessité de maintenir encore la MINUSMA, mais pour un délai raisonnable d’un an maximum, avec comme nouveau et dernier mandat, l’autorisation donnée par le Conseil de sécurité aux soldats de l’ONU de combattre militairement toutes les forces d’opposition pour rétablir par la force l’autorité et la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire. Si l’ONU refusait de répondre à cette ultime demande du Mali, le gouvernement aura le droit de demander au Conseil de sécurité le départ des soldats de la MINUSMA, et l’ONU sera obligée de l’accepter, car c’est la souveraineté du Mali qui l’emporte dans tous les cas.
Mot de la fin :
6 ans de présence de la MINUSMA, c’est suffisant, car le Mali ne peut pas éternellement compter sur la communauté internationale pour résoudre ses problèmes ; par conséquent il est temps qu’il commence à amorcer le retour progressif à une vie étatique « normale » !; il ne doit donc pas retarder indûment le déclenchement de ce processus , car c’est le devoir naturel de chaque Etat de s’assumer d’abord et avant tout !
Par Dr Salifou Fomba
Professeur de droit international à l’université de Bamako,
Ancien membre et vice-président de la commission du droit international de l’ONU à Genève,
Ancien membre et rapporteur de la commission d’enquête du conseil de sécurité de l’ONU sur le génocide au Rwanda,
Ancien conseiller technique au ministère des affaires étrangères.
Source: L’ Aube