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Ministère de la solidarité : Une véritable supercherie

docteur Youssouf Diallo secretaire charge sante solidarite fare

Ce Ministère qui change de nom à chaque remaniement ministériel, s’il n’est pas oublié  lors de la proclamation des résultats, est celui qui assure  aujourd’hui la tutelle de  l’économie solidaire dans laquelle je m’intéresserai  plus particulièrement aux sociétés coopératives puisque représentant plus de 90%  des organisations de cette économie. Comment en est -on arrivé là ?

 

Depuis la restructuration des services du développement rural sous la Direction de la CAMOPA, la fameuse cellule de restructuration des services du monde rural qui regroupa toutes les Directions nationales relevant du développement rural en deux Directions Nationales au lieu de six, pour des raisons économiques, nous a-t-on dit à l’époque, restructuration vite démantelée quelques années plus tard, toutes les anciennes Directions Nationales relevant du développement rural furent réhabilitées à l’exception de la Direction Nationale de l’Action coopérative (DNACOOP).

Dès lors, la DNACOOP ne revit plus le jour puisque rapidement enterrée sans funérailles. Les raisons évoquées ?

Les agents des ex CAC ont trempé pour la plupart dans des détournements en se substituant aux responsables des sociétés coopératives. Drôle de justification qui ne trompe personne en dehors de leurs auteurs. En fait de quoi s’agit-il ?

Tout le monde sait et savait que les agents de la DNACOOP à travers les ex CAC, encadraient des structures pré-coopératives appelées à évoluer vers des sociétés coopératives, d’où l’implication directe des agents des ex CAC, le temps de l’appropriation des techniques de gestion particulières aux sociétés coopératives. Parmi ces techniques nous pouvons citer entre autres, la confection des bilans de fin d’année, l’analyse des bilans, la répartition des ristournes au prorata des activités menées par chaque membre. Si le fait que certains agents des ex CAC  aient trempé dans des activités de détournement devrait justifier la fin des services d’encadrement des sociétés coopératives, comme c’est le cas aujourd’hui, certains services nationaux bien connus des Maliens ne devraient plus exister. Les raisons de l’élimination programmée des services techniques spécialisés dans l’organisation du monde rural sont toutes autres.

Si je parle de l’organisation du monde rural c’est tout simplement parce que plus de 90% des sociétés coopératives au Mali se recrutent dans ce secteur, c’est-à-dire : l’agriculture, l’élevage, la pèche, la foresterie.

Alors pourquoi cette volonté manifeste affichée par les gouvernements successifs maliens de fouler au pied ce pan important de l’économie nationale que représentent les sociétés coopératives?

La raison est toute simple.

Lors d’un de mes voyages d’études à RONKH au Sénégal en 1998, M. Mamadou SISSOKO, alors président du CNCR (Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux), m’a tenu ces propos : vous savez, mon petit, les différents gouvernants africains n’ont aucun intérêt à ce que le monde rural soit bien structuré, car bien organisé et autonome il devient une force politique qui obligera les politiciens à faire autre chose durant les campagnes électorales que les distributions de sel, de sucre ou de thé. Quelle triste réalité.

Pour qui sait que le Mali est constitué de plus de 80% de ruraux, et que 2 ruraux sur 3 sont membres d’une société coopérative, il devient aisé de comprendre le double langage des autorités de ce pays qui promettent le développement socio économique du Mali tout en foulant au pied l’outil le plus efficace pour y parvenir. Et l’APCAM, me dira-t-on ?

L’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, n’est ni plus ni moins qu’une autre supercherie des autorités tendant à faire croire que l’on se préoccupe du développement des ruraux, or tout le monde sait que l’APCAM est une institution de l’Etat mise en place pour faire prévaloir la politique du gouvernement en matière de développement rural et non la politique de développement issue des paysans.

A ce stade de la réflexion, le commun des mortels comprend désormais que c’est pour des raisons politiques que l’économie solidaire a été prise en otage par les dirigeants de ce pays, tous gouvernements confondus, car ayant le même dénominateur commun, me satisfaire d’abord.

Les plus hautes autorités de ce pays, pour noyer le poisson dans l’eau, ont créé un Ministère de la Solidarité dans lequel se trouve une Direction dénommée Direction  Nationale de la Protection Sociale et de l’économie Solidaire qui à son tour loge une Division appelée  » Division Promotion de l’Economie Solidaire  » qui d’ailleurs n’existe que de nom car dépourvue de toutes ressources humaines et financières. Drôle de manière de promouvoir une activité en la camouflant dans les méandres de l’enfer. Il s’en suit que depuis l’adoption de la loi 01- 076 du 18 Juillet 2001, la Confédération des sociétés coopératives, structure faitière nationale de toutes les  sociétés coopératives du Mali, prévue à l’article 68 de cette même loi, n’a pu voir le jour.

Pourtant, l’OIT (l’Organisation Internationale du Travail) dans sa résolution 193, appuyée par le BIT(le Bureau International du Travail) n’ont jamais cessé d’attirer l’attention de nos autorités sur l’importance que revêtent les sociétés coopératives dans la lutte contre la pauvreté, par la réduction du chômage.  Malgré tous ces appels, nos dirigeants sont restés sourds tout en prétendant lutter contre la pauvreté. Quel paradoxe.

Il n’y a pas de Maliens aujourd’hui, outre nos autorités, qui ne connaissent pas l’importance des sociétés coopératives.  Quelques exemples édifiants pourront illustrer nos propos.

Au CANADA, lorsque le trésor public est en faillite, il fait fréquemment appel aux sociétés coopératives. Nul n’ignore au Mali que le PACCEM (Programme d’Appui à la Commercialisation des Céréales au Mali) est financé à coup de millions de dollars par un consortium de sociétés coopératives Canadiennes. Certains pays développés, en raison de l’importance de l’économie solidaire, ont érigé un Ministère entier en son nom.

Confier les destinées de l’économie solidaire à une simple division noyée dans une Direction Nationale au moment où les pays développés lui accordent une importance ministérielle et affirmer assurer la promotion d’une telle activité relève d’une utopie que seuls les dirigeants maliens sont capables de réaliser.

Mais personne n’est dupe. La meilleure manière d’étouffer en douce une activité est de la confier à quelqu’un qui ignore tout de cette activité.

Affirmer promouvoir l’économie solidaire au Mali, avec la configuration institutionnelle actuelle, c’est  affirmer qu’un chat noir peut sortir d’une chambre noire en y laissant sa couleur noire. En d’autres termes, tant que l’économie solidaire n’aura pas récupéré  la place institutionnelle qui est la sienne, tant que ses destinées ne seront pas confiées à des spécialistes, il est illusoire de parler de promotion de l’économie solidaire au Mali, car pour promouvoir une économie, fut-elle solidaire, il faut être soi-même un économiste.

Qui peut dire aujourd’hui quel est le montant du chiffre d’affaire annuel que drainent les sociétés coopératives ? Personne.

Qui peut dire aujourd’hui quelle est la contribution des sociétés coopératives (elles sont plus de 10 000) dans le produit intérieur brut du Mali ?  Encore personne.

Cette absence de données fondamentales à toute économie suffit amplement pour prouver, s’il en était encore besoin, que nos autorités doivent se rendre à l’évidence et rectifier le tir comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, pour peu qu’on se préoccupe de l’intérêt général au détriment de l’intérêt particulier : le Mali d’abord.

Maki  SANOU

Consultant

Spécialiste en économie solidaire

 

SOURCE:Zénith Balé

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