D’autres comme Wandé Kouyaté, Tita Koné, Koli Koné ou Djallou Damba avaient magistralement interprété le chant Domba et avec l’avantage de maîtriser le soninké et ses opulentes consonances. Mais c’est bien Fantani Touré, artiste plutôt que griotte, qui a véritablement démocratisé cet air prestigieux, hymne consacré de ces autres artistes, ceux du cuir, c’est-à-dire les cordonniers.
Et là, on ne peut pas leur faire le procès de s’être mal chaussés tant la mélodie est majestueuse et tant, semble t-il, elle est livrée dans une belle poésie. Depuis, autant que Nioro, Yelimané, Nara, Bakel, Bamako a chanté Domba. Exploit de la cantatrice tragiquement disparue hier. Elle venait de Bozola mais son répertoire s’inspirait du riche folklore de la vieille nation que nous sommes et qui la salue aujourd’hui, le chapeau bien bas. Maure, sonrai, kassonké, bamanan : Fantani a chanté dans toutes ces langues et certains de ses tubes ont trôné longtemps dans le hit-parade local. Elle était bien entendu plus le résultat de l’application, de la persévérance et de la passion que de la fulgurance du génie. Mais là était son plus grand mérite. Des scènes qui la retiendront comme une danseuse douée, elle avait franchi le pas pour devenir une chanteuse. Elle avait son public, ses fans. Surtout, il était impossible de ne pas l’aimer pour ses autres qualités : la spontanéité, la sincérité, la bonne humeur, la faculté d’aimer les autres. Elle laisse un vide pour le cercle des ses nombreux amis et ce ne sont pas des propos de circonstances. Pour ceux qui ne la savaient pas malade, sa disparition vient rappeler la vérité que nous oublions souvent : celle d’humains, de simples humains, brefs, précaires et révocables. Dans des circonstances et à un moment sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Alors, ce n’est pas adieu l’artiste mais : au revoir.
Adam Thiam