La mobilisation annoncée n’a pas eu lieu, mais la verve du M5 est restée intacte et beaucoup plus virulente que jadis sous IBK. Elle annonce par ailleurs une foire d’empoigne et un bras de fer quasi inévitable entre le Mouvement et les autorités actuelles prises à la gorge par le défi de boucler la Transition dans les délais.
Le M5-RFP va agir pour redonner à la Transition son vrai sens et la trajectoire dont elle n’aurait jamais dû dévier ». Ce sont les propos entre autres qui marqué le meeting de d’énonciation que le M5 RFP a tenu, hier dimanche 21 février 2021, au Palais de la culture Amadou Hampaté Ba. L’événement, déjà annoncé comme une tribune de règlement de comptes entre le mouvement et ses alliés rationnels, aura tenu toutes ses promesses en récriminations des autorités de la transition. Etaient présents autour du président du comité stratégique, Choguel Kokalla Maiga, Modibo Sidibé du Faras, Me Demba Traoré de l’URD, Me Mountaga Tall du CNID, Konimba Sidibé du Modec, Moussa Sinko Coulibaly et l’imam démissionnaire du CNT Oumar Diarra. Alliés de raison du M5, les anciens députés de la 6e législature et les déguerpis de la zone aéroportuaire ne manquaient pas de raisons d’être de la partie et n’ont guère boudé leur plaisir.
Dans son discours d’ouverture, le Président du comité stratégique a soutenu devant les militants que la force de frappe du Mouvement reste intact et que la peur a changé de camp. «Ceux qui pensaient que le M5-RFP était fatigué ou croyaient qu’il est mort ont eu un cinglant démenti aujourd’hui», a lancé Choguel Maïga devant une salle à moitié vide où l’ambiance, à mille lieues des glorieux rassemblement de la Place de l’indépendance, ne peut trouver d’excuse et de subterfuge que dans l’observance des mesures sanitaires. Parlant d’ailleurs de la mobilisation peu digne
du M5 originel, le président du Comité stratégique l’a pour sa part lié à l’intimidation des militants par une présence dissuasive des forces de l’ordre dans les alentours du Palais de la Culture. Ce n’est qu’à 9 heures que le Palais a été libéré, a expliqué Choguel avant d’assurer que nouvelle bataille sera gagnée.
Prenant la parole à sa suite, Konimba Sidibé du Modec, au nom du M5, a plaidé quant à lui pour un traitement diligent des dossiers de vérification déjà disponibles, la réalisation d’audits majeurs au titre de la dette intérieur de l’Etat et en rapport notamment avec les institutions, les grands établissement et entreprises étatiques comme la CMDT, l’EDM, PMU-Mali et AGEFAU, entre autres.
L’ancien Premier ministre Modibo Sidibé n’est pas demeuré en reste. Il a profité de La Tribune pour réclamer, comme il l’a crié sur tous les toits ces derniers temps, la tenue d’assises nationales de la refondation en la motivant par l’opportunité qu’elle offre aux Maliens de s’exprimer sur l’avenir et le devenir du pays. Il en a profité également pour expliquer les grandes ligne de son Malikoura, à savoir «un Mali maître de son destin, un Mali de l’effort, de l’entente, une République, une nation apaisée avec des principes de justice et de redevabilité, un Mali qui va décider avec tous les citoyens un nouveau contrat social entre l’Etat et son peuple, d’une nouvelle alliance entre gouvernant et gouvernés une gouvernance remodelée par une nouvelle règle de jeu politique et sociale».
Il est revenu par suite à Me Mohamed Ali Bathily de d’ébouler une déclaration collective trempée au vitriol qui fait allusion à une trahison des aspirations du peuple par les acteurs du putsch. Le M5-RFP s’est dit convaincu avec preuves à l’appui de la «complicité objective et d’une convergence d’intérêts et d’objectifs entre l’ancien régime officiellement déchu et les autorités militaires de la transition »
Affichant sa loyauté aux idéaux de changement, le Mouvement a martelé qu’il «ne peut ni s’associer ni assumer la gouvernance en cours, ni rester non plus observateur passif de ses dérives ». S’adressant aux colonels putschistes présentés dans la foulée comme des usurpateurs de «la victoire du peuple» qui ayant préféré le costume ou le boubou civil au treillis et une désertion du théâtre des opérations au profit des jeux et intrigues à Bamako et ailleurs», le M5-RFP prévient de son hostilité à toute velléité de hauts gradés des Forces de Défense et de Sécurité. Et de soutenir que ce sont les mêmes hauts gradés par leurs comportements et influences négatives sur le moral de la troupe qui sont comptables de «l’aggravation et de l’extension de l’insécurité»
Les responsables du M5 disent non également à la mise en œuvre accélérée et en l’état de l’accord d’Alger en l’état le M5-RFP. Une relecture s’impose par conséquent selon Me Bathily et ses camarades pour qui l’intégrité territoriale du Mali, la souveraineté nationale, l’unité nationale, la forme républicaine et laïque de l’Etat ne sont pas négociables.
Quant à la transition, ils estiment qu’elle marche sans boussole ni repère et sans destination connue. Il importe dès lors la tenue sans délai d’assises nationales de la refondation en vue de mettre un terme au «pilotage à vue», aux dérives multiples et fixer un cap à l’action publique.
Le M5 persiste et signe par ailleurs sur la nécessité de dissoudre le Conseil National de Transition (CNT) qu’il juge «illégal, illégitime et budgétivore».
En reprenant du service après sa tétanisation par le cours des évènement, le Mouvement du 5 Juin où ce qu’il en reste a perdu peut-être de sa capacité de mobilisation mais sa verve reste intact. Ironie du sort, son allié du combat abouti contre IBK sont en train d’en faire plus les frais que le pouvoir qu’il ont contribué à déchoir ensemble. Ce faisant, le M5 – RFP annonce les couleurs d’une foire d’empoigne en perspective, au regard des grands enjeux de la Transition et des marges de manœuvre très étroites d’autorités en passe d’être coincées et prises à la gorge par les contraintes temporelles de leurs missions. En clair, face à l’incendie qui couve autour des délais impartis à la Transition, les autorités ne sauraient compter sur le Mouvement de Choguel pour cautionner une prorogation consensuelle sans laquelle elles pourraient être les cibles de déstabilisations plus vicieuses que celles qu’à rencontrées le régime d’IBK. Et dire que les autres composantes de la classe ne sont pas non plus disposées à mordre à l’appât que préfigure la récente rencontre de haut niveau entre le PM et les partis.
Amidou Keita
Source: Le Témoin