En raison de la façon dont il gère la crise au nord, IBK s’est fait de nombreux adversaires au sud. Conséquence, un peu plus d’un mois après sa prise de fonction, Ibrahim Boubacar Keïta est tout simplement…trimbalé par les évènements. La question est de savoir s’il pourra apaiser la vague de protestations contre ses méthodes, y compris dans les rangs des groupements politiques et associatifs qui l’ont soutenu.
Les magistrats ont été les premiers à protester contre la façon dont IBK gère la crise au nord depuis septembre dernier. C’est d’abord le procureur général près la cour d’appel de Bamako, Daniel Tésougué, qui s’est indigné lorsque des prisonniers de guerre responsables de crimes graves ont été libérés sans l’aval de la justice.
Plus tard, le froid entre le pouvoir et la famille judiciaire s’accentuait lorsque le ministre de la justice a confirmé la levée des mandats d’arrêt contre une trentaine de responsables des groupes armés dont des députés ayant déserté l’Assemblée nationale. Même si le garde des sceaux a précisé que la levée des mandats d’arrêt ne signifie pas la fin des poursuites judiciaires, il aura du mal à convaincre les Maliens. Pour ne pas dire qu’il se moque des Maliens!
Les plus virulentes protestations contre les méthodes d’IBK sont du Mouvement populaire du 22 mars (MP22), un mouvement pro-putsch, qui a estimé que le chef de l’Etat a mal commencé son mandat. Pourtant, ce groupement de partis et d’associations de la société civile avaient soutenu la candidature d’IBK au second tour de la présidentielle en août dernier.
Face aux critiques le chef de l’Etat a du mal à cacher son agacement, voire sa colère. Il multiplie les déclarations à l’emporte pièces. Ainsi, IBK avait déclaré qu’on ne le fera pas trimbaler, encore moins dévier de sa voie. Et pour les responsables de MP22, «cette voie» n’est vraiment pas celle du changement qu’il avait promis avant de prendre les rênes du pouvoir.
Officiellement, la libération des prisonniers et la levée des mandats d’arrêt contre les criminels de guerre entre dans le cadre de l’accord préliminaire, signé à Ougadougou en juin dernier, entre le gouvernement de transition et les groupes armés du nord.
Tout se passe comme si c’est le gouvernement seul qui devrait faire des concessions aux groupes armés depuis la signature de ce fameux accord. Les groupes armés qui devraient être cantonnés à Kidal ne l’ont été jusqu’ici ; pire ils continuent de narguer les contingents de l’armée nationale dans cette ville, au nez et à la barbe des forces de l’opération Serval et de la MINUSMA.
C’est au contraire l’armée nationale qui est cantonnée, avec une limitation du nombre des combattants et de leurs déplacements dans la cité de l’Adrar des Ifoghas. Au moment où le gouvernement fait des concessions, les milices armées multiplient les provocations en manipulant les habitants de la ville pour manifester leur hostilité à l’égard du pouvoir central.
Les groupes armés avaient aussi déclaré qu’ils se retiraient du processus de dialogue. Ce qui est clair, l’annonce de leur retour à la table des négociations fait suite à la vague de libération de prisonniers et au début du processus de la levée des mandats d’arrêt.
L’ouverture des états généraux de la décentralisation est censée ouvrir la voie à la réconciliation nationale, en donnant une sorte de réponse à la récurrente demande d’autonomie. A quelques mois de la tenue des législatives, cela pourrait être une opportunité pour poser les vraies raisons de l’échec de cette politique dont l’objectif réel est la recherche d’une solution définitive aux crises à répétition dans le septentrion de notre pays.
A l’évidence, IBK est en passe d’être piégé par la difficile gouvernance du Mali.
Soumaïla T. Diarra