Le Mali est au cœur de l’actualité internationale avec le coup de force perpétré par le Vice- président de la Transition contre le président Bah N’Daw, dans la journée du 25 mai 2021. Pendant que le peuple retient son souffle en se préoccupant d’éventuelles sanctions internationales à l’encontre de notre pays, la Cour constitutionnelle, à la surprise générale a rendu un arrêt constatant la vacance du pouvoir en désignant automatiquement le Vice-président, le colonel Assimi Goïta pour exercer la haute charge. Et le mouvement politique du M5-RFP s’est vu proposer le poste de Premier ministre.
Sur la question de la désignation du colonel Assimi Goïta comme président de la Transition, l’opinion est divisée. Si certains souscrivent à cette décision faisant du Vice-président, le successeur de Bah N’Daw, d’autres pensent que l’arrêt de la Cour est un condensé de bricolage juridique, voire du banditisme juridique. Toute chose qui amène à penser aux fameux arrêts de la Cour pendant l’ère Manassa Danioko. Un spécialiste de droit, non des moindres, s’invite dans les débats. Il s’agit de Maitre Mamadou Ismaël Konaté, avocat inscrit au barreau malien et Français, ancien ministre de la Justice et observateur très attentionné de la scène politique. Dans un entretien accordé à un confrère de la place, Me Konaté se prononce en ces termes : « La Cour constitutionnelle du Mali par le biais du droit a ouvert des perspectives qui permettent à l’ancien vice-président de la Transition qui n’était pas un organe de la transition de se retrouver dans le cadre de la transition. Et en tant que vice-président de la transition, il avait les prérogatives de poursuivre et de représenter le président de la Transition sans jamais pouvoir exercer les fonctions et les prérogatives de Chef de l’Etat », a fait savoir l’ancien ministre de la Justice. Il poursuivra que : « C’est ce pouvoir et ce sont ces prérogatives que la Cour constitutionnelle dans un arrêt qui fait l’objet d’une grosse discussion encore aujourd’hui, lui a ouvert le chemin et il est désormais le Chef de l’Etat sur la base de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du Mali ».
EST-CE QUE LA COUR CONSTITUTIONNELLE A RESPECTÉ LA CHARTE DE LA TRANSITION ?
Par rapport au respect de la Charte de Transition, l’avocat a indiqué que : « Quand vous lisez l’arrêt de la Cour constitutionnelle, elle-même s’interroge à bien des égards. D’abord dans un premier temps, elle fait des vacances de la fonction du Chef de l’Etat, consécutivement à la démission du président de la Transition. Ensuite la Cour constitutionnelle, elle-même passe en revue cette fonction pour la ramener à la fonction de vice-président, pour dire que c’est sans commune mesure. » Il expliqué qu’ « En voulant appliquer les dispositions de la Constitution qui se rapportent à celle du présent remplacement rapide de chef de l’Etat, la Cour constitutionnelle met en avant le vide juridique qui est abyssal. Néanmoins la Cour constitutionnelle par le biais d’une gymnastique sur laquelle on s’interroge encore arrive à ramener le vice-président à exercer des fonctions du Président de la Transition ».
PROPOSITION DU POSTE DE PREMIER MINISTRE AU M5-RFP
Les rumeurs circulent que le poste de Premier ministre est donné à Choguel Kokalla Maïga. Et certains se posent la question de savoir si cette figure civile de la vie politique malienne peut en quelque sorte sauver ou restaurer le processus de transition au Mali, ou en tout cas rassurer les Etats de la région et la communauté internationale. Ainsi, l’ancien ministre a donné son avis. Il a déclaré que « Choguel Maïga est un excellent cadre malien, un bon professionnel de la politique et surtout c’est quelqu’un qui connait l’espace politique, les hommes politiques et le champ politique. Mais aujourd’hui, le contexte est toute autre. Je me pose la question de savoir si malgré ces qualités immenses, Monsieur Choguel Maïga est le mieux indiqué pour être en face d’une junte ». Il a rappelé qu’il ne faut pas oublier quand même que cette junte a démis de leurs fonctions dans des conditions irrégulières et le président de la Transition et le chef du gouvernement. Et se pose la question, « qu’est-ce qui peut empêcher demain ou après-demain de vouloir privilégier une contradiction politique entre la junte représentée d’une part par le colonel Assimi Goïta et le M5 à la tête duquel le président Choguel Maïga. Comme il est indiqué dans les rumeurs, qu’il va exercer la fonction de Premier ministre ». L’Avocat a affirmé que « Le contexte est délicat et il n’est pas évident que le M5 quel que soit sa puissance puisse tenir tête à des militaires, qui, quand même sont armés ».
YOUSSOUF KONATE
Source: LE SOIR DE BAMAKO