Démissionné le 27 novembre 2017, l’ancien ministre de la Justice, Garde des sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté dit avoir été dans l’impossibilité d’assurer sa mission correctement.
Sur le plateau de TV5 monde, Me Konaté a déclaré : ” J’ai fait ce que j’aurai pu faire, j’ai fait ce que j’ai pu faire, je n’ai pas pu aller plus loin parce que le contexte n’était pas tout à fait adapté. » Selon lui, le moyen qui avait été mis à sa disposition, ne pouvait pas lui permettre de poursuivre sa mission ; ce pour cela qu’il a dû présenter sa démission.
« Je ne peux pas dire que c’est à cause du pouvoir que je suis allé, c’est une divergence de vue fondamentale sur des questions essentielles qui pouvaient me permettre de mener à bien ma mission…j’étais en rupture, je l’ai fait savoir et je suis parti… », a-t-il laissé entendre.
D’après Me Konaté, dans l’ensemble de nos Etats africains, chaque Président de la République arrive avec sa réforme de la justice. Et par la suite, on se rend compte que ces reformes de la justice ne concernent pas les points essentiels qui permettent aujourd’hui, d’une part de rendre la justice indépendante, d’autre part de doter la justice des moyens efficients qui permettent aux juges sur le terrain, de pouvoir travailler.
” La fonction de magistrat n’est pas politique, mais elle est très fortement tentée…
Rendre la justice indépendante aujourd’hui, précise-t-il, passe par son indépendance de pouvoirs essentiels qui peuvent éventuellement contrarier la justice, et l’un des pouvoirs essentiels c’est le pouvoir exécutif qui est incarné par le président de la République. Pour Me Mamadou Ismaël Konaté, la fonction de magistrat n’est pas politique, mais elle est très fortement tentée parce que simplement le décret qui nomme tel et tel magistrat à la tête de telle et telle juridiction ou en fonction du procureur de la République par exemple, cette décision incombe et émane essentiellement du pouvoir politique.
Bien évidemment, il ne s’agit pas aujourd’hui, de prôner la mise en place d’un gouvernement de juges ; pour lui, les pouvoirs politiques doivent toujours avoir un contrôle à ce niveau. « Mais au-delà ce qui est le plus important aujourd’hui, ce que nos processus de justice doivent nous amener aujourd’hui à casser le cordon ombilical entre les politiques et la justice », a-t-il déclaré.
D’un côté la justice doit être représentée par des professionnels de droit, indépendants et autonomes, et de l’autre le droit de regard “oui”, mais le moyen de contrôler tel qu’on contrôle par le biais de la nomination, par le biais de la gestion de la carrière, « ceci peut éventuellement être un élément pour une bonne indépendance de la justice ».
“Justice, comme un outil d’intimidation du pouvoir
En Afrique, le pouvoir en place utilise la justice pour intimider l’opposition ou les hommes d’affaires. En effet, plusieurs opposants politiques dans les procès judiciaires sont contestés. Selon Me Konaté, chaque fois qu’un individu, un homme ou une femme est doté de pouvoir, on a tendance à en abuser.
« C’est pour cela que Montesquieu avait demandé à ce qu’il ait une séparation de pouvoir à ce niveau », a-t-il dit. Dans le contexte africain, d’après lui, la justice représente un instrument de pouvoir entre les mains des pouvoirs exécutifs.
En effet, elle peut aller contre les oppositions, elle peut être utilisée pour éventuellement préserver des intérêts particuliers, tout comme elle peut aussi être source de crise. « A ce point de vue-là, nos justices ont besoins d’être fondamentalement reformées », a-t-il declaré.
Malinet