L’avocat général de la Cour de justice de l’UE propose, dans un avis très orienté, d’invalider l’accord de pêche liant le Maroc à l’UE. Les déclarations de l’avocat général appelant à l’annulation de l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc créent ainsi une situation d’ambiguïté entre les deux parties.
Cependant, les conclusions de l’avocat général ne lient pas forcément les juges de la Cour de justice de l’UE. «L’Accord de pêche Maroc/UE n’est pas valide dans la mesure où il s’applique au territoire et aux eaux du Sahara occidental ». Telle est la conclusion e, mercredi 10 janvier 2018, de l’avocat général de la Cour de justice de l’UE, Melchior Wathelet. Un avis qui met mal à l’aise les responsables européens.
Les conclusions de l’avocat général ne lient pas forcément les juges de la Cour de justice de l’UE. Ces magistrats devraient en effet commencer dans les jours qui viennent à délibérer à leur tour sur cette affaire introduite par une ONG britannique, la Western Sahara Campaign, devant la Haute Cour de justice du Royaume-Uni au motif que l’accord de pêche Maroc/UE «violait le droit international et qu’il ne profitait pas aux populations du Sahara occidental qui n’ont pas été consultées à ce sujet».
Les arguments juridiques utilisés par l’avocat général pour étayer sa décision d’invalidation de l’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’union européenne en 2104 sont multiples. Florilège: «Le peuple sahraoui a été jusqu’à présent privé de l’opportunité même d’exercer le droit à l’autodétermination dans les conditions prévues par l’Assemblée générale de l’ONU».
Ou encore: «le Sahara a été intégré au Maroc par annexion sans que le peuple de ce territoire ait librement exprimé sa volonté à cet égard et qu’il n’a pas librement disposé de ses ressources naturelles, comme l’impose le droit à autodétermination». De ce fait, l’avocat général belge en a conclu que «l’UE a manqué à son obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la violation, par le Maroc, du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination».
Résultat: l’accord de pêche et les actes l’approuvant et le mettant en œuvre « sont incompatibles avec les dispositions des traités qui imposent à l’UE que son action extérieure protège les droits de l’homme et respecte strictement le droit international».
Plus acharnées encore sont les constatations de l’avocat général sur l’exploitation exercée par l’accord de pêche qui, à ses yeux, «vise presque exclusivement les eaux adjacentes au Sahara dans la mesure où les captures représenteraient environ 91,5% des captures totales effectuées par les opérateurs européens».
Il va même jusqu’à estimer que la contrepartie financière versée au Maroc par l’UE au titre de l’accord (30 millions d’euros par an) devrait bénéficier presque exclusivement au peuple sahraoui. A titre de rappel, un rapport de décembre 2017 de la Commission européenne avait indiqué que la mise en œuvre de l’appui sectoriel de l’accord de pêche Maroc/UE s’effectuait à un rythme très satisfaisant.
Le document avait également souligné que l’accord procurait des emplois dans le Sahara. Les régions de Dakhla-Oued Eddahab et Laâyoune-Boujdour-Sakiat El Hamra concentraient quelque 66% de l’enveloppe totale de l’appui sectoriel, soit environ 37 millions d’euros (si l’on compte également les 10 millions d’euros de contributions des armateurs européens). Les auteurs du rapport avaient par ailleurs recommandé de renouveler l’accord de pêche qui arrivera à échéance en juillet 2018.
L’union européenne fait appel
L’’UE a décidé de faire appel de la décision rendue par l’avocat général de la Cour de justice de l’Union Européenne.
Cette décision d’appel a été prise vendredi dernier, par les ambassadeurs de l’UE, autorisant les services juridiques de la Commission à faire appel et à prendre des mesures pour suspendre l’exécution de l’annulation de l’accord commercial, selon des sources. L’appel signifie que l’annulation de l’accord est mise en attente jusqu’à ce qu’il soit rejugé dans une instance supérieure.
Cela étant dit, les conclusions de l’avocat général, qui rappelons-le, ne sont pas juridiquement contraignantes, ne préjugent pas de la décision finale des juges européens qui devront à leur tour rendre un arrêt final sur cette affaire. Un arrêt qui sera attendu fébrilement aussi bien par l’Union européenne que par les autorités marocaines.
Cet arrêt devrait en principe intervenir dans les deux mois, c’est-à-dire d’ici la fin du mois de mars prochain. Quelle orientation prendra cet arrêt? Très hasardeux de donner une idée, même si d’après l’expérience, un arrêt de la Cour de justice de l’UE, dans la majorité des cas, va dans le même sens que les conclusions de l’avocat général.
On a déjà assisté à des arrêts de la Cour de justice – notamment dans de grosses affaires bancaires – où les juges n’ont pas suivi les conclusions de l’avocat général et ont même donné un avis contraire.
Mémé Sanogo
L’Aube