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Maroc-Algérie, l’impossible conciliation?

Le roi du Maroc a surpris, le 6 novembre, en proposant un « dialogue direct et franc » à son voisin algérien, avec proposition d’un mécanisme conjoint pour « dépasser les différends ». L’histoire des relations entre les deux pays, tendues, reste complexe. L’Algérie n’a pas répondu à l’invitation du royaume chérifien.

Une frontière fermée depuis 1994 et des chefs d’Etat qui se sont vus pour la dernière fois en 2005… Le tableau, plutôt sombre, des relations entre le Maroc et l’Algérie, deux grands voisins du Maghreb, ne semble pas près de connaître une éclaircie.

Les relations entre Rabat et Alger « échappent à la normalité et de ce fait créent une situation inacceptable », a affirmé Mohammed VI le 6 novembre, dans un discours télévisé. Quels sont les différends que le Maroc voudrait voir réglés ? « La drogue, la contrebande, la question du Sahara occidental, les faits historiques non clarifiés, les conventions non respectées », a confié à l’AFP un haut responsable du gouvernement marocain qui a voulu rester anonyme.

Alger n’a pas répondu officiellement. Une source au sein de son ministère des Affaires étrangères, citée par le quotidien panarabe Al-Araby Al-Jadeeid, a indiqué que les autorités n’en ont pas l’intention, le discours du roi étant perçu comme « une manœuvre destinée à la consommation médiatique », pour faire passer l’Algérie comme responsable du refus du dialogue. Une autre source algérienne « autorisée » a déclaré au journal TSA que « cette offre douteuse dans sa forme (célébration de la Marche verte) et suspecte de par son contenu (volonté de bilatéraliser la question du Sahara occidental) est un non-événement qui ne mérite pas de réponse formelle ».

En d’autres termes, le froid reste sibérien entre les deux pays, qui s’accusent mutuellement – par médias interposés – de campagnes de dénigrement. Non sans raison, si l’on en juge par les vidéos et les commentaires postés en Algérie sur le petit moment de somnolence du roi du Maroc lors des commémorations du 11-Novembre à Paris.

Le Sahara occidental, pierre d’achoppement

La date choisie par Mohammed VI pour tendre la main ne doit rien au hasard. Six ans après les discussions stériles de Manhasset, aux Etats-Unis, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a réussi à convaincre les quatre principaux acteurs intéressés (le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie) de se retrouver autour d’une table, le 5 décembre prochain à Genève. Pour l’universitaire française Khadija Mohsen-Finan (l’invitée Afrique de RFI le 5 novembre dernier), « C’est une avancée [car] cela permet d’impliquer les pays limitrophes du Sahara, d’autant, qu’on le veuille ou non, que l’Algérie joue un rôle évident dans le conflit. »

Le Maroc voudrait voir l’Algérie assumer ses responsabilités en tant que soutien au Front Polisario, mouvement sahraoui qui revendique l’indépendance, en lui faisant prendre une place centrale dans les négociations. Ce à quoi l’Algérie se refuse. Le Maroc part en relative position de faiblesse, dans la mesure où une décision de la Cour de justice européenne a estimé en février 2018 que l’accord de pêche conclu avec l’Union européenne (UE) ne s’applique pas aux eaux adjacentes du Sahara occidental. La raison ? Cela « enfreindrait plusieurs règles du droit international, notamment le principe d’autodétermination ».

Le moment choisi par le souverain du Maroc pour s’exprimer correspond certes au 60e anniversaire de la conférence de Tanger, qui avait vu les mouvements de libération du Maroc, d’Algérie et de Tunisie se prononcer pour l’unité du Maghreb, mais aussi avec les 43 ans de la « Marche verte ». Le roi, dans son traditionnel discours prononcé à cette occasion, semble avoir adressé un message fort à son opinion intérieure, pour réaffirmer la « marocanité » du Sahara occidental.

En 1975, à l’appel du roi Hassan II, 350 000 Marocains avaient marché vers le Sahara occidental, alors sous occupation espagnole, pour en revendiquer l’appartenance au Maroc. Un an plus tard, le Front Polisario (FP), soutenu par l’Algérie, proclamait l’indépendance de la République arabe sarahouie démocratique (RASD) et réclamait un référendum d’auto-détermination. Ce sujet, dont le Maroc contribue à faire un tabou jusqu’au Centre Pompidou, d’où un livre collectif avec des images d’archives du conflit au Sahara occidental a été retiré le 7 novembre, envenime encore aujourd’hui ses relations diplomatiques. L’Afrique du Sud, le Botswana, l’Ethiopie, Lesotho, Namibie et le Zimbabwe soutiennent ouvertement le Polisario, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Enjeux communs et panne de leadership

La fermeture de la frontière entre le Maroc et l’Algérie en 1994 s’est faite sur décision algérienne, après que le Maroc a imposé des visas aux Algériens suite à un attentat terroriste commis à Marrakech. Outre l’impasse diplomatique, la division pénalise les deux pays. La Banque mondiale a estimé que leurs économies auraient pu devenir deux fois plus importantes sur la période 2005-2015, si l’intégration commerciale s’était faite. Or, cette région d’Afrique reste « la plus séparée du continent », selon l’économiste algérien Adel Hamaizia, cité par une enquête de The Economist.

« Chacun aurait certainement des leçons à apprendre de l’autre dans la lutte contre l’islamisme et la réponse sociale à lui donner, mais aussi tout intérêt à collaborer dans le traitement de la migration africaine et la sécurité au Sahel », estime un politologue marocain qui préfère garder l’anonymat. « Ces deux dossiers sont brûlants pour le Maghreb, en panne cruelle de leadership ».

Si la panne est constatée des deux côtés de la frontière, l’Algérie veut conserver une longueur d’avance en termes d’influence diplomatique, tandis que le Maroc s’impose en tant que partenaire économique incontournable en Afrique.

Avec ces négociations lancinantes autour du Sahara occidental au sein des Nations unies, dans lesquelles tous les interlocuteurs campent sur leurs positions, l’Union africaine représente le dernier terrain de bataille direct entre les frères ennemis. Le Maroc a fait son retour dans l’organisation panafricaine en 2017, et intégré en janvier son important Conseil de paix et de sécurité, dirigé jusqu’en 2021 par un Algérien, Smail Chergui. L’évolution de la relation entre les deux pays va dépendre du dossier du Sahara occidental, mais aussi de l’après-Bouteflika, dont les contours restent encore flous. L’entourage de l’actuel président algérien, en poste depuis 1999, l’a appelé à briguer un cinquième mandat en 2019.

RFI

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