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Mandat de dépôt : Exception ailleurs, règle au Mali ! Faudrait-il privilégier le placement sous contrôle judiciaire ?

Entre l’affaire de l’avion présidentiel et les dossiers des équipements militaires, Paramount (Ndlr : une société sud-africaine de vente d’armes), de l’Assemblée nationale, de la Haute Cour de Justice, de l’Union des cotonculteurs, Securiport, et de la Zone aéroportuaire ; la Maison centrale d’Arrêt de Bamako et le Centre de détention pour femmes de Bollé pullulent d’illustres pensionnaires placés là par le biais de mandat de dépôt sans orientation possible sur le jour où ils seront, ne serait-ce, qu’entendus. D’autres accusés sont activement recherchés et fermement attendus au pays pour rejoindre la Grande prison de Bamako6Coura. Le non-respect du délai de la détention provisoire engendre la surpopulation carcérale au niveau des établissements pénitenciers maliens. Cela constitue, une violation flagrante des droits des détenus. C’est pourquoi, des spécialistes pensent qu’il faudrait plutôt privilégier la mise sous contrôle judiciaire, mesure très pratiquée sous d’autres cieux. Au Mali, la détention provisoire constitue la règle, alors que depuis le début de la Transition, aucun accusé (sous la période) n’a jamais comparu. Alors que faut-il entendre dans le droit positif malien par mandat ? Par mandat de dépôt ? Par contrôle judiciaire ? Qui sont ces célèbres personnalités détenues aujourd’hui dans les geôles de Bamako ? Depuis combien de temps ? Et pour quels chefs d’inculpation ? Notre dossier !!!

 

Ils sont cadres et hauts fonctionnaires de l’Etat, élus communaux, opérateurs économiques, membres de la société civile, hommes politiques, activistes et influenceurs ; ils ont occupé ou occupent toujours des hautes fonctions comme celles de ministres, de présidents ou membres d’institutions de la République, de maires, de présidents de chambres consulaires, de chefs de partis, etc. ; ils sont tous derrière les barreaux aujourd’hui, plus particulièrement à la Maison centrale d’arrêt de Bamako et la Prison de Bollé. Tous ces “prisonniers” ont été acheminés là suite à des mandats de dépôt, même si certains accusés ont été placés sous contrôle judiciaire. Vous avez lu “mandat” et “contrôle judiciaire” ?

Le mandat de dépôt : une privation totale de liberté

Un mandat est un acte par lequel un magistrat du siège (communément appelé un juge d’instruction) prescrit que telle personne lui soit amenée ou soit placée en détention provisoire (articles 122 et 145 du Code de procédure pénale).

Le mandat de dépôt est un acte juridique décerné par la juridiction de jugement ou le juge des libertés et de la détention. C’est l’ordre donné par un juge au chef ou au directeur d’une prison de recevoir ou de maintenir en détention une personne condamnée à de la prison ferme ou un mis en examen placé en détention provisoire. C’est un acte juridique entrainant une privation de liberté.

Autre définition : le mandat de dépôt est l’ordre donné au chef de l’établissement pénitentiaire, par un juge d’instruction ou par une juridiction pénale, de recevoir et de détenir la personne inculpée ou prévenue à l’encontre de laquelle il est décerné.

Ce mandat peut également être décerné par un juge délégué par le président du Tribunal, lorsque le Tribunal correctionnel ne peut siéger le jour même et qu’une personne mise en cause est poursuivie par le procureur de la République par le biais d’une procédure de comparution. Il ne peut pas être décerné par le juge d’instruction.

Pour le juge des libertés et de la détention, il fait suite à une ordonnance d’incarcération provisoire.

Pour le Tribunal correctionnel, il est nécessaire que la peine d’emprisonnement ferme prononcée soit supérieure à un an, pour ordonner l’incarcération “à la barre”. S’il est saisi sous la forme de la comparution immédiate, il n’y a pas de minimum de peine d’emprisonnement.

En principe, la cour d’assises doit décerner un mandat de dépôt quel que soit le quantum de la peine privative de liberté prononcée, si l’accusé est déclaré coupable de crime. Elle peut en faire de même à l’égard des personnes accusées devant elle de délit connexe. Une personne présente lors de son procès peut se voir délivrer un mandat de dépôt à l’audience. Elle est alors conduite en prison à l’issue de son procès. En cas d’audience ordinaire, la peine prononcée doit être supérieure à un an pour qu’un mandat de dépôt soit délivré à l’audience. Cette condition n’est en revanche pas applicable en cas de comparution immédiate.

La décision finale de placer ou non un prévenu sous mandat de dépôt appartient au juge des libertés et de la détention et est susceptible d’appel.

Dans le code pénal malien, article 84, le mandat de dépôt est l’ordre donné par le juge au régisseur de la Maison d’arrêt de recevoir et de détenir l’inculpé. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer l’inculpé lorsqu’il lui a été précédemment notifié. En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement, et si le juge d’instruction n’est pas saisi, le procureur de la République peut placer le prévenu sous mandat de dépôt, après l’avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés. Le mandat de dépôt est notifié à l’inculpé par le juge d’instruction, mention de cette notification doit être faite au procès-verbal de l’interrogatoire. Les mandats sont exécutés sur toute l’étendue du territoire de la République.

“En matière correctionnelle, si le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur ou égale à deux ans, l’inculpé régulièrement domicilié au Mali ne peut être détenu plus d’un mois après sa première comparution devant le juge d’instruction”, ajoute l’article 125. Ces dispositions, annonce l’article 126, ne s’appliquent ni aux inculpés déjà condamnés pour crime, ni à ceux déjà condamnés à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun.

“En matière correctionnelle, si le maximum de la peine encourue est supérieur à deux ans, la détention provisoire ne peut excéder six mois ; toutefois, à l’expiration de ce délai, le juge d’instruction peut la prolonger par une ordonnance motivée de maintien en détention dont la durée ne peut également excéder six mois”, énonce l’article 127.

Il ressort de l’article 135 qu’en matière criminelle, “la durée du mandat de dépôt ne peut excéder un an. Toutefois si le maintien en détention provisoire parait nécessaire, le juge d’instruction doit renouveler cette détention par ordonnance spécialement motivée dans les huit jours ouvrables précédant l’expiration du délai ci-dessus spécifié. La prolongation de la détention provisoire peut intervenir chaque année. Cependant, en aucun cas, la détention provisoire de l’inculpé en matière criminelle ne peut excéder 3 ans”.

De la garde à vue à la détention provisoire, les droits des personnes mises en cause souffrent en République du Mali. Le non-respect du délai de la détention provisoire engendre la surpopulation carcérale au niveau de nombreux établissements pénitenciers. Cela constitue, une violation flagrante des droits des détenus.

Aujourd’hui, nul ne peut donner le nombre exact des personnes détenues au Mali est un marathon interminable. Mais, une note circulaire du ministre de la justice et des droits de l’homme, garde des sceaux, en juillet 2022 est alarmante. En effet, Mamoudou Kassogué rappelle aux procureurs généraux, procureurs de la République et autres juge de paix à compétence étendue leurs obligations légales à visiter régulièrement les établissements pénitentiaires afin de s’enquérir de l’état des personnes détenues. Il instruit par la même occasion la mise en œuvre des délais légaux qui participent du respect de l’obligation de diligence qui incombe aux magistrats dans le traitement des dossiers dans un délai raisonnable.

C’est pourquoi, il nous revient que certains pays comme la Côte d’Ivoire donnent la priorité absolue à d’autres formes de mise en cause que la détention provisoire ; par exemple le placement sous contrôle judiciaire au détriment du mandat de dépôt.

Le contrôle judiciaire : plus pratique, plus humaniste ?

L’article 122 du Code de procédure pénale au Mali stipule qu’“en matière correctionnelle ou criminelle, le juge d’instruction peut mettre l’inculpé en détention provisoire ou le placer sous contrôle judiciaire”. L’alinéa 2 du même article précise que la détention provisoire et le contrôle judiciaire ne peuvent être ordonnés qu’à raison des nécessités de l’instruction, ou à titre de mesure de sûreté et selon certaines conditions.

 

L’un des cas les plus retentissants dans l’histoire politique du Mali, c’est l’inculpation de l’ancien ministre de la Santé, et ancien vice-président de l’URD, Oumar Ibrahim Touré, pour “crime d’atteinte aux biens publics, détournement de denier publics, faux, usage de faux, favoritisme et complicité des favoritisme” dans l’affaire dite du Fonds mondial. Le procureur général près la Cour Suprême à l’époque, Mahamadou Boiré, et la Chambre civile de l’institution judiciaire chargée de l’instruction de ladite affaire ont placé le prévenu sous contrôle judicaire conformément aux dispositions de la loi n°01-080/ du 20 août 2011 portant CPP.

Treize (13) conditions avaient été imposées à Oumar Ibrahim Touré afin d’échapper à la détention provisoire et rester en liberté tout en n’étant plus totalement libre de ses mouvements.

En effet, l’article 138 du Code de procédure pénale malien dispose que “le contrôle judiciaire astreint l’inculpé à se soumettre selon la décision du Juge d’instruction à une ou plusieurs obligations ci-après énumérées :

  1. Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d’instruction ;
  2. Ne pas s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d’instruction qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;
  3. Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d’instruction ;
  4. Informer le juge d’instruction de tout déplacement au-delà des limites déterminées ;
  5. Se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le Juge d’instruction qui sont tenus d’observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à l’inculpé ;
  6. Répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiées désignée par le Juge d’instruction et se soumettre le cas échéant aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ;
  7. Remettre soit au greffe, soit à un service public de police ou à une brigade de gendarmerie, tous documents justificatifs de l’identité et notamment le passeport en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
  8. S’abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et le cas échéant remettre au Greffe son permis de conduire contre récépissé ;
  9. S’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le Juge d’instruction, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
  10. Se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soins même sous le régime de l’hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication ;
  11. Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l’usage est prohibé.
  12. Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l’exclusion de l’exercice des mandats électifs et de responsabilités syndicales lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise ;
  13. Ne pas détenir ou porter une arme et le cas échéant remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est détenteur.

Il faut préciser que les mesures d’application du présent article sont déterminées en tant que besoin, par un décret pris en conseil de ministres.

L’inculpé est placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d’instruction qui peut être prise en tout état de l’instruction. L’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire n’est ni précédée des réquisitions du ministère public, ni des observations de la partie civile, elle n’est pas motivée et est insusceptible d’appel.

L’article 140 donne la faculté au juge d’instruction d’imposer à tout moment à l’inculpé placé sous contrôle judiciaire une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations comprises dans le contrôle, modifier une ou plusieurs de ces obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles.

La main levée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le Juge d’instruction, soit d’office, soit sur réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de l’inculpé après avis du procureur de la République. Le Juge d’instruction statue sur la demande de l’inculpé, dans un délai de cinq jours, par ordonnance juridictionnelle motivée.

Avec toutes ces garanties, le prévenu placé sous contrôle judiciaire ne devrait pouvoir ni fuir, ni se cacher ; il est libre sans être libre de ses mouvements.

Cependant, les défenseurs du mandat de dépôt diront toujours que la détention provisoire doit être l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins, soit une concertation frauduleuse entre inculpés et les complices ; préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction ou pour protéger l’inculpé, pour mettre fin à l’infraction, pour prévenir son renouvellement ou pour garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice.

Alors, le débat reste constant.

D’un mandat de dépôt à un autre, ces figures en prison

Depuis le deuxième semestre de l’année 2021, plus de mois, voire de semaine, ne passe sans qu’un mandat de dépôt n’entraîne quelqu’un en prison, que le fait soit inconnu ou médiatisé. Ils sont ainsi beaucoup de personnalités et citoyens lambda à se côtoyer dans les prisons du pays, mais les plus célèbres sont détenus à la MCA de Bamako et à Bollé.

Bouaré Fily Sissoko

L’ancienne ministre de l’Economie et des Finances du Mali, Mme Bouaré Fily Sissoko, est incarcérée depuis août 2021 au Centre de détention pour femmes de Bollé dans le cadre de l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel et du marché de fourniture de matériels et d’équipements militaires sous l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéïta.

A plusieurs reprises, elle a demandé à être jugée afin d’être condamnée et de purger sa peine ou d’être relaxée si elle n’est pas coupable ; ou à défaut être libérée purement et simplement, mais sa requête a été refusée. Par contre, la Cour suprême lui exige une caution de 500 millions de FCFA pour une éventuelle mise en liberté provisoire ; ce que Fily refuse de payer.

Dans une lettre ouverte adressée au président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, en août 2022, et dans un mémoire adressé au président et à l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) de Cheick Mohamed Chérif Koné en janvier 2023, Mme Sissoko a exprimé son désir d’être jugée pour que la vérité éclate. Elle a également critiqué le montant de la caution exigée, à savoir 500 millions de FCFA, affirmant qu’il équivaut à la traiter de “criminel financier”, sans preuves.

Elle a souligné que la seule maison qu’elle possède est celle qu’elle habite depuis 1997, attestée par sa première déclaration de biens en 2000. Elle a également affirmé que sa quête constante de vérité dans cette procédure a été démontrée par ses lettres aux différents ministres de la Justice de 2015 à 2020 et à l’ancien président IBK.

Cependant, malgré ses protestations et ses demandes, le mandat de dépôt de Mme Sissoko a été renouvelé, et elle devra donc rester en prison jusqu’en août 2024, à moins qu’une autre décision ne soit prise avant.

Soumeylou Boubèye Maïga

Tout comme Mme Bouaré Fily Sissoko, l’ancien Premier ministre avait été, en août 2021, détenu à la Maison centrale d’arrêt de Bamako mais a eu moins de chance que son ancienne collègue du gouvernement Oumar Tatam Ly et Moussa Mara. En effet, SBM avait été transféré en décembre 2021 à la polyclinique Pasteur de Bamako où il décède le lundi 21 mars 2022.

Il avait été incarcéré après avoir été inculpé notamment de “faux, usage de faux et favoritisme” dans le cadre d’une enquête sur l’achat d’équipements militaires et sur l’acquisition de l’avion présidentiel d’IBK, en 2014 alors qu’il était ministre de la Défense.

L’achat de cet avion avait été épinglé par le Bureau vérificateur général (BVG) qui avait dénoncé des pratiques de surfacturation, de détournement de fonds publics, de fraude, de trafic d’influence et de favoritisme.

 Mahamadou Camara

Egalement incarcéré le 26 août 2021 par la chambre d’accusation de la Cour suprême pour “atteintes aux biens publics”, “complicité de favoritisme” dans l’affaire dite de “l’avion présidentiel”, l’ancien ministre et ancien directeur de cabinet d’IBK, Mahamadou Camara, a eu plus de baraka ayant recouvré sa liberté le 16 mars 2022. Cela, après s’être acquitté de la caution de 500 millions de F CFA, soit la valeur des 10 titres fonciers entre les mains du directeur national du cadastre, selon un communiqué du Procureur général produit le même jour. Le communiqué précise : “Les ordonnances de mise en liberté sous caution rendues en faveur des inculpés que sont madame Bouaré Fily Sissoko d’une part, monsieur Mahamadou Camara, d’autre part, reçoivent le traitement différencié respectif comme ci-après indiqué: Madame Bouaré Fily Sissoko reste dans la position de détenue provisoire pour n’avoir pas, à ce jour encore, acquitté la caution de 500 millions de F CFA à laquelle est subordonnée sa mise en liberté. Monsieur Mahamadou Camara, quant à lui, bénéficie de la mise en liberté, pour avoir acquitté l’intégrité des 500 millions de F CFA en termes de sûreté constituée sur chacun des 10 titres fonciers entre les mains de Monsieur le directeur national du cadastre”.

Boubou Cissé, Tièman, Igor…

Le même communiqué du Procureur général de la Cour suprême qui informait de la liberté provisoire accordée à Camara mais refusée à Fily, rappelait un pan déjà connu dans la sphère judiciaire malienne, en lien avec plusieurs anciens dignitaires du régime défunt. A savoir, les mandats d’arrêt internationaux lancés contre l’ancien Premier ministre Dr. Boubou Cissé, les anciens ministres Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, l’ancien secrétaire général de la présidence, Moustapha Ben Barka, l’ancien directeur général de la BMS SA, Babaly Bah, ainsi que Mohamed Kagnassi, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma, Soumaïla Diaby et Mamadou Lamine Diakité. Ces mandats d’arrêt internationaux “attendent toujours de recevoir exécution de la part des destinataires des différents pays où lesdites personnes sont susceptibles de résider ou se rendre”, précise le communiqué.

Issiaka Sidibé et Mamoutou Touré

Issiaka Sidibé, président de l’Assemblée de 2014 à 2020, sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), et Mamoutou Touré dit Bavieux, président de la Fédération malienne de football (Femafoot) et ancien directeur financier de l’Assemblée nationale, ont été inculpés, le 9 août 2023, pour “atteinte aux biens publics” et placés sous mandat de dépôt.

Convoqués par un juge d’instruction du cabinet numéro 9 au pôle économique et financier du tribunal de grande instance de la commune III du District de Bamako, et après les avoir interrogés très brièvement, le magistrat leur a signifié leur inculpation “pour atteinte aux biens publics ainsi que pour faux et usages de faux et complicité”, et leur placement immédiat en détention provisoire à la Maison centrale d’arrêt de Bamako. Le montant incriminé s’élèverait à 17 milliards de F CFA dont 10 milliards pendant l’année 2014 et 7 milliards de F CFA de 2014 à 2017.  Sont également concernés dans ce dossier, Modibo Sidibé, ancien secrétaire général de l’Assemblée nationale et secrétaire général du Conseil national de Transition (CNT), Demba Traoré, comptable à la retraite depuis 6 ans et Kalifa Angha, contrôleur financier à la retraite ainsi que plusieurs fournisseurs placés sous contrôle judiciaire.

 Adama Sangaré et Dah Kéïta

L’ancien sous-préfet de la commune de Kalabancoro, Dah Kéita, a été placé sous mandat de dépôt le 13 septembre 2023, dans le cadre de la gestion controversée de la zone aéroportuaire.

Une semaine plus tard, le 20 septembre, le maire du district de Bamako, Adama Sangaré, le rejoint à la MCA suite à un mandat d’amener émis par le pôle économique et financier de Bamako.

Ces arrestations interviennent après des mois d’enquête sur les allégations de délimitations frauduleuses, de morcellement illégal et de ventes illicites au sein de la zone aéroportuaire. Les activités illicites dans cette zone comprennent la vente de terrains, le morcellement de propriétés, et la construction anarchique de bâtiments, mettant en danger la sécurité des vols et la planification de l’expansion de l’aéroport de Bamako.

Général Salif Traoré, Seynabou Diop…

Le général Salif Traoré, ancien ministre de la Sécurité et de la Protection civile sous le régime d’IBK, a été placé, par les juges anti-corruption du Pôle économique de Bamako, en détention provisoire le 30 août 2023. Il est accusé d’avoir favorisé l’entreprise Securiport dans l’attribution d’un marché public. Dans le même dossier et le même jour, l’ancienne ministre en charge des Transports, Traoré Seynabou Diop, a été entendue par les juges, et placée sous contrôle judiciaire. Ils sont accusés de “faux, usage de faux, détournement de biens publics et complicité d’abus de biens sociaux”. D’autres personnalités militaires ou civiles pourraient être inquiétées dans la même affaire, selon des sources proches de l’enquête.

Rappel pédagogique : ces arrestations surviennent dans l’affaire dite de “Sécuriport”, une société américaine spécialisée dans la mise en place de systèmes de sécurité dans les aéroports, qui aurait permis à des ministres d’IBK de détourner plusieurs milliards de francs CFA. C’est en septembre 2016 que le conseil des ministres sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Kéita a adopté un décret approuvant un contrat de concession entre le gouvernement du Mali et la Société Sécuriport LLC pour la fourniture d’un système de sécurité pour l’aviation civile et l’immigration.

Ce contrat visait à renforcer l’identification des passagers et du personnel de l’aviation dans les aéroports maliens, conformément aux recommandations de l’Organisation internationale de l’aviation civile en matière de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue aux frontières aéroportuaires. Son objectif était également d’instaurer un cadre institutionnel pour la gestion de la redevance de sécurité aéroportuaire.

 Bakary Togola et consorts

Le président sortant de la confédération des sociétés coopératives de producteurs de coton, en l’occurrence Bakary Togola, non moins ancien président de l’Apcam et cinq autres anciens proches collaborateurs sont en détention depuis le 29 août 2023 pour “faux et usage de faux”, “complicité et atteinte aux biens publics”. Bakary Togola avait déjà été mis aux arrêts sous le président IBK pour détournement d’un montant de plus de 9 milliards de F CFA. Sous la Transition actuelle, il a été jugé à Bamako par une Cour d’assises spéciale qui l’a, purement et simplement, libéré n’ayant pu prouver les faits des charges retenues contre lui et ses co-accusés. Mais, le ministre en charge de la justice, Mamoudou Kassogué, a réintroduit son dossier dans le circuit, ce qui a abouti à leur nouvelle incarcération.

Abdramane Niang, Me Baber

Quid des cas de certains détenus et accusés comme Abdramane Niang, ancien président de la Haute Cour de justice sous IBK et Baber Gano, ancien ministre des Transports sous le régime défunt.

Le premier, déjà pensionnaire de la MCA, aurait été autorisé à aller se soigner, sans aucune autre précision. Niang est soupçonné de malversations lorsqu’il présidait la Haute Cour de justice.

Quant à Me Baber Gano, dont le nom serait cité dans l’affaire Sécuriport, sa situation demeure des plus floues. Est-il au Mali ?

 Baba Moulaye

Le 12 octobre dernier, la secrétaire chargée des luttes Sociales/Sadi, Me Mariam Diawara, signait un communiqué qui donne des informations précises à propos des responsables du MPPM qui séjournent désormais à la Maison d’arrêt de Bamako. Le libellé : “Le secrétariat des luttes sociales et de la défense des droits humains informe les militants du parti Sadi, les défenseurs des droits humains au Mali, le peuple malien que les responsables du MPPM portés disparus les 25, 26 mai, le 23 juin 2023 ont été remis aux autorités judiciaires par les agents de l’Agence nationale de la Sécurité d’Etat du Mali après 5 mois de séquestration durant lesquels ils ont été soumis aux tortures diverses. Les autorités judiciaires les ont placés sous mandat de dépôt le 10 octobre 2023. Ce sont : Baba Moulaye Haïdara, président national du MPPM, enlevé le 25 mai 2023. Amadou dit Leveto Togola, secrétaire général du MPPM enlevé le 26 mai 2023, Mohamoud Mohamed Mangané, secrétaire politique et porte-parole du MPPM, enlevé le 23 juin 2023. Ils sont désormais à la Maison d’arrêt de Bamako”.

Ras Bath, Ben et Rose

Le lundi 13 mars 2023 dans la soirée, Youssouf Mohamed Bathily dit Ras Bath, a été placé sous mandat de dépôt par le parquet du Tribunal de la Commune IV de Bamako pour “simulation d’infraction” et “atteinte au crédit de l’Etat”. La veille, l’activiste, prenant la parole lors du congrès du parti Asma-CFP, avait publiquement déclaré que l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga avait été assassiné. S’il a été jugé et relaxé pour le chef d’accusation de “simulation d’infraction”, le mardi 11 juillet, le fondateur du CDR doit encore être jugé pour “atteinte au crédit de l’Etat” dans la même affaire. Ras Bath reste donc en prison.

Rokia Doumbia dite “Tata Rose”, “Rose Poivron”, “Madame vie chère” a été interpellée le même jour que Ras Bath, le lundi 13 mars 2023 à Bamako, puis placée sous mandat de dépôt le 15 mars après pour “incitation à la révolte” et “trouble à l’ordre public par l’usage des technologies de l’information et de la communication”. Très suivie sur les réseaux sociaux, l’influenceuse avait fustigé sur TikTok, devant ses 160 000 abonnés, “l’échec” des autorités militaires dans la lutte contre la cherté de la vie. Elle avait aussi estimé qu’“aucun Malien ne vit en paix” et que “l’insécurité gagne du terrain partout”.

Le mercredi 2 août dernier, elle a été condamnée à un an de prison ferme.

Adama Ben Diarra dit Ben le cerveau, leader du mouvement Yèrèwolo-Debout sur les remparts, militant pro-Assimi et ancien membre du Conseil national de transition (CNT), été placé sous mandat de dépôt le 5 septembre 2023 pour “atteinte au crédit de l’Etat” et écroué.

L’activiste s’était prononcé contre une prolongation de la Transition et donc le maintien de l’élection présidentielle en février 2024. Le jeudi 14 septembre par le Tribunal de la Commune VI de Bamako et condamné à deux ans de prison, dont un ferme.

Des officiers supérieurs

attendus au gnouf ?

Dans un entretien, accordé à l’Ortm, Mamadou Kassogué, le ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux s’était prononcé sur l’évolution de certains dossiers, notamment celui portant sur la Loi d’orientation et de programmation militaire et de la Loi de la programmation du secteur de la sécurité.“Il y a plus de 1200 personnes qui ont été auditionnées par la Brigade et ces chiffres ont entre-temps augmenté. Il y a quatre (4) dossiers qui ont pu être traités et transmis aux juridictions et qui sont en cours de traitement dans le cadre de la Loi d’orientation et de programmation militaire. Il s’agit du dossier de l’avion présidentiel, le dossier des équipements militaires, le dossier Paramount (Ndlr : une société sud-africaine de vente d’armes) et du dossier des pick-up. En ce moment, il y a 18 personnes qui sont sous-mandat de dépôt, cinq (5) mandats d’arrêt ont été décernés contre des hauts gradés de l’armée, contre des opérateurs économiques, des hauts cadres de l’administration et d’autres actions vont suivre dans le cadre de ces dossiers”, avait précisé Kassogué.

Le ministre avait promis que bientôt les dossiers liés à la lutte contre la corruption connaitront une célérité, car il envisage des reformes dont certaines sont déjà en cours comme la relecture du Code pénal et du Code de procédure pénale et la mise en place d’un Pôle national économique et financier pour prendre à bras le corps la question de la corruption.

El Hadj A.B. HAÏDARA

Source: Aujourd’hui-Mali
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