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Mali – Orpaillage: un renouveau attendu

Le Mali a une grande tradition d’orpaillage, une activité pratiquée depuis des siècles et « organisée » de façon coutumière. Contrairement au secteur industriel, codifié, la formalisation de  l’artisanat minier est un processus non encore abouti. Peu organisé et assez informel, il est en deçà des espoirs de ses acteurs. Mais son évolution, dû en partie au cours de l’or, a occasionné un développement exponentiel et la nécessité pour les autorités de mieux normaliser le secteur, afin que communautés locales et État en tirent plus de  bénéfices.

 

Défini dans le Code minier comme « l’activité consistant à récupérer l’or contenu dans les gîtes primaires, alluvionnaires et éluvionnaires », l’orpaillage peut être pratiqué sous deux formes : artisanale, « par les procédés simples (sans usage de produits chimiques) en utilisant des équipements rudimentaires », et mécanisée «  par des procédés améliorés, avec l’utilisation des machines et équipements ».

Mais, « malgré sa codification, l’activité ne respecte aucune législation en vigueur », déplore M. Lassana Guindo, Conseiller technique au ministère des Mines, de l’énergie et de l’eau. Les autorités ont donc « estimé qu’il était temps de la rendre plus formelle ». Une  forme d’organisation à l’image de tous les autres pays de la sous-région, pour mieux la structurer. L’activité devra donc désormais être soumise à une stricte autorisation.

Mais, contrairement à d’autres pays, au Mali l’activité a été transférée aux collectivités décentralisées, qui, en conséquence, devraient avoir les ressources financières et humaines nécessaires pour faire face à leurs missions. En l’absence de cela, il règne actuellement « une sorte d’anarchie dans le domaine ». Les orpailleurs n’ayant pas dans la pratique besoin de permis pour mener leurs activités, ils le font sur les territoires des permis des sociétés régulièrement installées, dans les cours d’eau et sans aucun égard pour l’environnement.

Cette situation a donc poussé les autorités à adopter une stratégie tendant à formaliser le secteur depuis environ cinq ans. Elle consiste d’abord à organiser les orpailleurs en coopératives, afin de faciliter leur identification, parce qu’ils sont caractérisés par une grande mobilité. Cette opération permettra non seulement  leur sensibilisation sur les bonnes pratiques mais facilitera également les discussions avec eux. Au-delà, l’absence de statistiques donne lieu à toute sorte de spéculations. Certaines estimations font état d’une production entre 10 tonnes et jusqu’à 60, c’est-à-dire l’équivalent de la production industrielle. Des chiffres qui se justifient par l’absence de données fiables en la matière. L’un des objectifs de cette normalisation sera donc d’avoir des estimations plus justes. Elle permettra aussi le suivi et le contrôle de la production, à travers la mise en place des registres au niveau des différents sites.  Pour  connaître le nombre d’orpailleurs, la production et la vente et ainsi assurer la traçabilité de l’or et donner l’opportunité d’augmenter les revenus de l’État dans le secteur minier.

Déconcentrer l’administration

L’une des limites de la gestion minière est sans aucun doute l’absence d’une administration compétente et efficace sur les sites. En effet, l’administration minière est jusque là très peu déconcentrée. La Direction nationale de la Géologie et des mines (DNGM), n’a par exemple que 2 représentations au niveau régional (Kayes et Sikasso). Alors que « pour atteindre ses objectifs l’administration doit être présente jusqu’au niveau local », estime M. Guindo,  afin que les collectivités soient appuyées, parce qu’elles, qui sont censées gérer le domaine, sont peu formées.

Les orpailleurs ne pouvant travailler partout, surtout sur des permis déjà attribués, la délimitation de leurs zones d’intervention est aussi l’un des défis majeurs que doivent relever les autorités.

Ils sont actuellement regroupées au sein de trois grandes associations et l’idée est de les réunir dans une confédération, afin d’avoir un interlocuteur unique légitime. Si elles n’ont pas jusqu’ici réussi à offrir une véritable amélioration des conditions de vie de leurs membres, ces organisations auront désormais pour tâche, dans cette confédération, de mener ensemble et à bien les mesures souhaitées par les autorités. Il est prévu dans cette optique la mise en place d’environ 200 coopératives dans les régions productrices, notamment celles de Kayes, de Sikasso et de Koulikoro. Une mise en place qui s’effectuera de la base au sommet. Le projet de gouvernance minière, dont l’un des volets concerne l’artisanat minier, appuie la Chambre des Mines dans le cadre de ce volet d’organisation des orpailleurs.

Développer le contenu local

Après deux décennies d’activité minière, dont les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des espérances, le Mali souhaite faire bénéficier davantage les acteurs locaux des ressources minières. C’est toute la problématique : comment développer le contenu local ? Il s’agit entre autres de s’interroger sur les retombées de l’activité pour le Mali en termes d’investissement, de fourniture de services ou d’autres résultats, afin qu’une partie de l’argent de cette activité reste « au pays ». Cela peut aussi se traduire en termes de formation, de sous-traitance. En somme, il faut capitaliser un certain nombre de ressources pour générer des revenus au plan local.

« Ces aspects, pris en compte par la nouvelle règlementation, sont en train d’être développés au niveau industriel », explique-t-on au ministère des Mines. Il s’agit aussi de mieux imaginer le développement local, avec de véritables projets de développement et  des communautés qui « avoisinent les mines et qui sont souvent les plus impactées négativement ». Pour ce faire, elles ont besoin d’être formées et assistées pour avoir « la capacité d’agir ». Un cadre organisationnel dont la mise en œuvre se poursuit avec les acteurs pour qu’ils en maîtrisent tous les contours.

Estimée à 70 tonnes en 2021, les autorités ambitionnent d’augmenter de 15% la production d’or grâce à une meilleure formalisation du secteur artisanal. Cette activité non fiscalisée, qui souffre surtout d’une absence de respect des règles, pourrait permettre d’optimiser les ressources de l’État si sa pratique devenait mieux structurée.

Problématique des petites mines

L’orpaillage purement traditionnel, effectué par les communautés avec une absence de mécanisation et de façon saisonnière, a tendance à laisser place à un système de « petites mines », où des acteurs un peu plus nantis s’adonnent à cette activité. Avec cette mutation, l’ancienne forme a presque disparu. Il existe une distinction nette dans la législation entre les différentes activités. Mais les limites sont peu connues et les confusions ne sont pas rares. Il faut maintenant, en plus du Code minier, un arrêté pour bien spécifier les différents domaines. On parlera alors d’orpaillage  lorsqu’il y aura un certain nombre d’équipements légers et sommaires, comme une motopompe ou un compresseur. Mais il s’agira d’une petite mine dès lors que  la quantité de minerai, l’investissement et la production journalière seront plus importants. Les précisions qui seront contenues dans l’arrêté compléteront  l’arsenal juridique.

L’existence de ces petites mines a donc changé la donne pour beaucoup d’habitants de ces zones d’extraction. Désormais, soit ils sollicitent quelques emplois comme mécaniciens ou chauffeurs quand ils en ont la qualification, soit ils se contentent de creuser avec leurs petits outils les espaces non accessibles aux machines des propriétaires de petites mines.

Sékou Sissoko est  chef de village à Sanoukhou, à 4 kilomètres de la ville de Kéniéba. Il dénombre environ 7 opérateurs sur ce territoire et dénonce l’absence d’informations sur les permis et leur validité. Membre d’une coopérative d’environ une cinquantaine de personnes installée depuis 2018, il évoque entre autres difficultés le manque d’équipements.

En outre, les petites mines qui arrivent s’installent avec leur équipement et souvent leur personnel. Pour vivre, les populations exercent le maraîchage en attendant que les détenteurs de permis ne démarrent leurs activités. Dénonçant aussi l’usage des produits nocifs pour l’environnement, M. Sissoko se dit opposé à l’arrivée de sociétés utilisant des produits prohibés exerçant dans des localités voisines.

Afin que le secteur puisse mieux profiter aux acteurs dotés d’équipements adaptés, encadrés et utilisant des produits peu dangereux pour l’environnement, les autorités envisagent l’adoption d’une stratégie et d’un plan d’action dont la mise en œuvre avec l’ensemble des acteurs devra contribuer durablement au développement des zones minières.

Fatoumata Maguiraga

Source : Journal du Mali

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