L’ancien président du Mali Amadou Toumani Touré, qui a dirigé le pays de 2002 à 2012, avant d’être renversé par un coup d’État militaire, est décédé dans la nuit de lundi à mardi, à l’âge de 72 ans, en Turquie, où il avait été transféré pour des raisons de santé. Ce mardi, les hommages sont nombreux.
La présidence malienne a rendu hommage à l’ancien dirigeant. L’actuel chef de l’État, Bah N’Daw, a fait une déclaration pour saluer « un acteur majeur de la démocratie malienne » au « destin exeptionnel » qui « a contribué à façonner le visage du Mali moderne ».
Ahmed Mohamed ag Hamani a été l’un des Premiers ministres d’Amadou Toumani Touré de juin 2002 à avril 2004. Avant cela, il était déjà un proche d’ATT. Un ami uni à l’ancien président par des liens familiaux : « C’était un soldat, d’abord. Un grand soldat et un patriote, et très courageux. En tant qu’homme politique, il a fait beaucoup de choses pour son pays, pour la réconciliation, d’abord, et pour la construction de son pays. Ce que je garde de lui, en tant qu’homme, c’est tout simplement son attachement à la personne humaine, à sa famille et également à son pays et à son peuple. Il a, bien sûr, comme tous les autres hommes, des choses à parfaire. Mais sa franchise, son honnêteté… personnellement je garde un très, très bon, un excellent souvenir. »
Et Ahmed Mohamed ag Hamani se souvient que l’ancien président avait été très marqué par le coup d’État qui l’avait renversé en 2012 : « Et comment ! Malheureusement, on n’échappe pas à son destin. Il a été marqué par une certaine déception. On l’a humilié. Il a été humilié avant son départ d’ici. Mais peut-être que, comme c’est un homme très simple et humble, son récent retour dans le pays, avec l’accueil qui lui a été réservé ici à Mopti, par ses amis, peut-être que cela a un peu atténué le jugement qu’il portait sur certains hommes qui ont tenté de l’humilier dans son propre pays. »
Un coup d’État dont avait été partie prenante Oumar Mariko, actuel président du parti Sadi. Mais avant de devenir un adversaire politique, il fut proche d’ATT : « Je retiens de lui un homme très vif d’esprit, qui était incapable d’être rancunier face à ses adversaires. Nous avons cheminé ensemble et je dois préciser aujourd’hui, ici – et c’est le moment de le dire solennellement, cela va surprendre beaucoup de Maliens –, Monsieur Toumani Touré père m’avait confié Amadou Toumani Touré. Cela s’était passé à Mopti. J’ai été transporté au domicile paternel d’ATT par son aide de camp Abidine Guindo. C’est dire simplement qu’on avait une espèce de lien humain très fort, malgré nos divergences politiques. »
J’ai été affligé par son décès. Il y a quelques jours seulement, j’étais en train de demander après lui. On me disait qu’il était malade, qu’il avait des difficultés à être évacué. Cela m’a fait beaucoup de peine.
Oumar Mariko, actuel président du parti Sadi
Modibo Sidibé a lui aussi été son Premier ministre de 2007 à 2011. Et aujourd’hui, il rend hommage à l’homme de consensus : « C’est un grand homme et un grand patriote qui a tout donné à son pays et à la sous-région. Il était tellement préoccupé pour la santé, pour le logement, pour l’agriculture… Il avait une haute opinion de la politique. Pour lui, il fallait se mettre ensemble pour apporter des solutions pour le pays. »
Hommages internationaux
Ce matin, Martin Ziguélé, ancien Premier ministre centrafricain, a rendu hommage, lui aussi, à l’ancien président malien. « Nous l’appelions tous affectueusement “Le Centrafricain”. Que son âme repose en paix et que cette terre africaine pour laquelle il a tant donné lui soit légère », a-t-il écrit sur Twitter.
En effet, ATT a mené la mission onusienne de maintien de paix en Centrafrique en 1996 et 1997. Il a aussi été envoyé spécial de Koffi Anan en 2001 dans le pays. L’ancien président malien, alors en exil, avait réussi à organiser un dialogue politique entre les auteurs d’un putsch manqué et l’ancien président Ange-Félix Patassé.
Amadou Toumani Touré avait aussi mené une mission de médiation au Tchad. Saleh Kebzabo, député et opposant tchadien, se souvient de la venue de l’ancien président dans son pays : « Je l’ai connu à la veille de la Conférence nationale souveraine du Tchad, en 1993. Et je crois que beaucoup de gens ignorent le rôle qu’il a joué pour que cette conférence aboutisse. Il fait partie de ceux qui ont amené le président Déby à accepter d’organiser la CNS, parce que Déby était contre. C’était vraiment le seul grand dialogue politique organisé jusqu’ici, et donc après cela, lorsque la conférence a démarré, il s’est éclipsé. Disons que c’est l’homme de l’ombre, qui a permis l’aboutissement de la CNS au Tchad. Et c’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’ATT. »
Sur le continent, d’autres chefs d’État saluent la mémoire d’Amadou Toumani Touré : Macky Sall au Sénégal, Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, Faure Gnassingbé au Togo ou encore Idriss Déby au Tchad qui déplore une immense perte pour l’Afrique.
Alioune Tine, militant des droits de l’homme sénégalais parle lui aussi d’un « grand patriote panafricain, qui a contribué à la construction de la démocratie malienne ». L’ambassade de France au Mali rend également hommage à son engagement et rappelle ses liens d’amitiés avec l’ancien président français Jacques Chirac pour lequel il avait organisé des funérailles traditionnelles dogon en février dernier.
Source : RFI