Le « printemps des routes » règne désormais au Mali. Chaque localité veut forcer la main des autorités à réhabiliter sa route.
Au Mali, la problématique des routes est devenue un casse-tête pour les autorités. Comme une épidémie, le phénomène des contestations routières gagne de plus en plus de localités et risque de s’emparer de tout le pays. D’où l’utilisation par certains médias internationaux du concept de « printemps des routes » en comparaison au «printemps arabe ».
Le ton a été donné par la jeunesse de Kayes et de Kati qui avait bloqué les issues à leur ville. Une manière pour décrier l’indifférence des autorités vis-à-vis de l’état piteux de leurs voies d’accès et de développement et réclamer leur réparation. Ce blocage a eu des conséquences économiques tragiques sur certains commerçants avant que les négociations s’ouvrent entre les autorités et ces groupes de jeunes. À l’issue de cela, l’ouverture des travaux de réhabilitation de cette voie a été annoncée.
La résolution d’un problème donnant toujours naissance à un autre problème de même nature ou pire que l’initial, l’épidémie s’est étendue sur les autres membres du pays. Après Kayes et Kati, Tombouctou, Gao et Ménaka sont rentrés dans la danse pour réclamer la réhabilitation des leurs. Le gouvernement s’est rangé à trouver un point d’accord à travers la signature d’un protocole avec la jeunesse de ces trois régions pour annoncer le démarrage prochain des travaux.
Disons simplement que l’heure est grave au Mali. D’un sommeil alourdi, la jeunesse est dans une phase de somnolence qui n’est pas loin du réveil. Elle réclame son dû, souhaite que les autorités lui accordent sa place de souverain. Dans ces circonstances, l’État, à moins qu’il opte pour le mensonge, la situation risque d’enfoncer le clou de l’instabilité financière du pays même si ces réhabilitations, une fois effectuées, pourront ouvrir la voie au développement de ces localités. Toutefois, il convient de reconnaitre que le Mali est sérieusement atteint par l’absence de voie en bon état. Cela se corrobore par les routes de la capitale, Bamako, pendant l’hivernage. Circuler sur la plupart des routes dans des quartiers comme Hamdallaye ACI 2000 ou encore Kalaban-coro Kabala c’est naviguer sur la Méditerranée. On dirait que la question des routes ne constitue pas une priorité pour les autorités. Or, qui ignorerait la contribution des voies publiques dans le développement d’une nation.
Bougouni est aussi entrée dans la danse hier, lundi. Elle réclame aussi la réhabilitation de l’axe Bougouni-Manakoro.
Ces problèmes relèvent d’un problème de mariage de la décentralisation avec le désenclavement, mais aussi d’une mauvaise politique d’urbanisation comme dans le cas des quartiers de Bamako. En effet, dans ces quartiers où l’inondation devient de plus en plus fréquente, les voies de conduite d’eau restent bouchées par les constructions. Ce qui entraine la stagnation de l’eau soit dans les familles ou encore sur les routes. Cette stagnation combinée à la mauvaise construction de ces voies et à la circulation des véhicules de poids lourds contenant des surcharges entraine ipso facto la dégradation de ces routes. C’est ce qui fait que généralement cette marée autour des routes ne se soulève que généralement pendant l’hivernage.
La mauvaise politique de décentralisation a sa part de responsabilité dedans puisqu’on ne doit pas créer une région sans lui donner les moyens de son autonomisation. Mais c’est ce qui se passe dans ce pays malheureusement. Les régions sont créées, mais elles restent enclavées faute de voies d’accès. Du coup, tout leur processus de développement reste compromis.
S’il faut situer les responsabilités, nous nous retournerons vers ces mêmes autorités qui vendent des espaces qui ne le devraient pas. Il faut également reconnaitre la part de responsabilité des citoyens qui acceptent d’acheter des zones inhabitables pour des constructions. En tout cas, ce « printemps des routes » risque d’assez bouleverser les autorités.
F. TOGOLA
Source : Le Pays